Sur la démocratie et ses dérives
Nous sommes en France dans un pays démocratique. Nous pouvons agir et parler librement. Nous pouvons critiquer un pouvoir en place. Des médias libres existent. Des partis d’opposition sont représentés à l’assemblée et combattent le parti en place, de manière pacifique et légale bien entendu. Des intellectuels s’expriment et donnent des analyses sur la situation ou les décisions prises. Des associations également agissent et remettent en cause des décisions prises. Bref la vie politique n’est pas en France un long fleuve tranquille et c’est tant mieux. C’est le débat, l’argumentation, la critique qui permettent de déceler l’existence d’une vie démocratique. Il en va ainsi et tout paraît pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
Pourquoi alors ce sentiment étrange que quelque chose ne va pas. Que le système tourne à vide et dans le même sens, qu’il paraît paradoxalement en mouvement et en même temps comme figé, inopérant. Pourquoi le système politique, notre démocratie et notre société dans son ensemble nous paraissent-ils si sclérosés ?
A une certaine époque existaient de vraies oppositions qui se battaient sur des idées, des principes, les moyens d’y parvenir, qui échangeaient réellement, se confrontaient. Nous sommes peu à peu tombés dans le consensuel, le parti uniforme, celui qui n’est ni d’un côté, ni de l’autre et qui donc n’offre aucune prise. Un truc mou et flasque qui vous échappe des mains et que vous ne parvenez pas à définir. Une sorte de blob. Il n’y a plus d’idées politiques réelles, juste des orientations, des comités qu’on consulte, des experts, de grands discours généraux et pseudo-lyriques qui ne disent rien au final, des décisions contradictoires. Bref de la fumée et du vent.
La vie politique en France est basée aujourd’hui sur un parti qui n’a pas d’orientations claires, pas d’idées précises, qui avance en fonction de l’opinion et de sa propre volonté de continuité et de reconduction. Gouverner revient juste à exister. C’est qu’après avoir créé une classe politique faite de professionnels, que les français ont d’ailleurs en grande partie viré en 2017, nous avons mis à la place une nouvelle classe de dirigeants dont l’objectif premier est non pas de faire de la politique mais de créer un consensus autour de l’idée que le gouvernement d’un pays doit être basé sur une voie moyenne qui exclut de fait toutes idées jugées comme trop déviante. Exit du discours les pauvres, effacement du paysage des riches qui ne s’en portent pas plus mal et qui continuent en coulisse à tirer les ficelles. Il ne reste que la classe moyenne à laquelle s’adresse exclusivement cette nouvelle classe politique et ce gouvernement qui en est issu. Quand les plus fragiles, les plus désabusés, osent manifester, on les gaze et on leur tape dessus et les médias les présentent comme d’horribles fascistes, racistes, crétins, … qui ne connaissent rien à rien et ne comprennent pas les “justes décisions” prises par le gouvernement. Comme l’a dit un responsable politique, les paroles des gouvernants étaient trop intelligentes pour être comprises par le bas peuple. Comme mépris, on fait difficilement mieux à part peut-être notre cher président et son “Une gare c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien”.
Cette nouvelle classe politique s’adresse donc exclusivement à la classe moyenne et en même temps elle est en train peu à peu de la détruire en la paupérisant , en détruisant petit à petit par son incapacité à diriger et ses orientations économiques mondialistes, les entreprises et tout le tissu économique qui les entoure ou bien en favorisant leur vente et leur découpe à des entreprises étrangères. Finalement, nous vivons actuellement une révolution, une révolution invisible qui nous entraîne vers le bas plutôt que de nous élever vers des idées neuves et un nouveau système. Nous vivons des temps médiocres à l’image de cette nouvelle classe politique faite de bourgeois parvenus.
Oui mais certains diront que nous avons une opposition. Parlons donc de cette opposition. A croire qu’elle a été créée de toute pièce pour mettre en valeur notre cher président. :
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Un parti d’extrême-droite, devenu peu à peu prépondérant et incontournable, dirigé par une incapable, alcoolique selon certains médias, qui additionne les voix au fur et à mesure des mauvaises nouvelles économiques et des attentats islamistes mais dont le discours xénophobe (c’est le principe même de l’extrême-droite), économique et culturel fait, à juste titre, peur et qui n’arrivera donc jamais au genou de notre cher président. Elle est son bon toutou, celle qui lui permet d’exister. Ils se maintiennent l’un et l’autre comme deux ivrognes qui s’appuient l’un contre l’autre. Dans ce jeu, l’un manipule plus que l’autre et est clairement gagnant au final.
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La droite républicaine quant à elle n’existe plus. Elle a été phagocytée par le parti en place qui a absorbé ses idées et ses meilleurs cadres et les a régurgité sous la forme d’une pâtée plus digeste et en apparence plus sociale et surtout plus pragmatique. Le pragmatisme, nouveau paradigme de la politique, a effacé les différences et permet en apparence d’apparaître comme plus à même de répondre aux besoins de notre société. Locke et Hume, ces philosophes anglais dont la philosophie repose sur le matériel, le concret, l’idée que seul compte au final le réel, ont pris le pouvoir en France.
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A gauche, nous avons Mélenchon, hélas. Et là, vraiment, si l’entité ‘Chance’ existe, elle est clairement du côté de notre cher président. Comment ce politicien hargneux, inflexible, en apparence violent, délirant par moment (“La République, c’est MOI !!!”), avec des sympathies douteuses pour Castro et Poutine, est-il devenu le leader de la gauche et serait à même d’attirer des électeurs dont le coeur pencherait à gauche. Dès qu’on le voit et qu’on l’entend, on a des éruptions cutanées ou mieux on change de chaîne ou de radio. C’est une vocifération permanente, une critique négative sans proposition claire, des positions floues sur l’immigration, l’économie, une attaque permanente et violente des journalistes. En un mot, ce type fait peur.
Voilà d’ailleurs l’autre mot prépondérant dans la politique de notre cher président.après celui de pragmatisme. Gouverner en faisant peur. Peur de manière à faire passer des textes législatifs de plus en plus liberticide dont l’objectif premier est de contrôler et maîtriser de plus en plus les médias. Peur d’aller manifester car vous risquez vraiment de perdre une main ou un oeil voir les deux. Peur de sombrer dans le chaos économique si nous ne maintenons pas le cap des décisions mondialistes et destructrices d’emploi voulues par l’Union Européenne.
Le paysage politique français est donc dévasté et il serait trop simple d’y voir l’effet du hasard ou d’un accident. Il y a une réelle volonté du pouvoir en place de maintenir la situation en l’état car elle conditionne son existence. Il ne s’agit donc pas comme dans une dictature de museler ou détruire l’opposition mais finalement d’en créer et maintenir une qui vous permet d’apparaître comme le moins pire des candidats. Créer un système afin de mieux le maîtriser. C’est Machiavel en mieux.
Certains me diront que notre démocratie est garantie par l’existence des médias. Regardons ceci de plus près.
Les principaux médias sont actuellement sous la coupe économique de grands groupes. En France, pour résumer, 10 milliardaires possèdent 90% des journaux vendus, 55% des parts d’audience télévisuelle et 40% des parts d’audience des radios (source Bastamag - www.bastamag.net). Ce sont les dirigeants de ces grands groupes qui, de manière indirecte, par les promotions, les nominations, les licenciements orientent ce qui doit être dit ou pas. Les médias alternatifs (Bastamag, Reporterre, CQFD, LMSI, ..) ont peu de visibilité et sont souvent attaqués juridiquement, le but étant de les assécher financièrement. Voyez comme beaucoup de médias et de journalistes sont déférents auprès de notre cher président, comme ils l’encensent et se jettent à ses pieds. La crise du Covid et des Gilets Jaunes ont été à ce titre d’excellents révélateurs dans la manière dont l’information est traitée : partiale, méprisante envers les plus humbles, orientée, servile avec le pouvoir, donnant en priorité la parole à ceux qui sont les plus représentatifs du système en place. Comment en être étonné quand on voit l’imbrication existante entre les journalistes, cette classe dominée qui se croit dominante, et les politiciens, cette classe dominante qui se dit dominée.
Que ce soit les chaînes de télévision (le média encore le plus prépondérant), les journaux, les radios ou les sites internet de ces médias, on constate une convergence des idées, des opinions qui y sont émises et qui vont toutes dans la même direction que celle de nos gouvernants. Si c’est cela une presse libre, on peut s’interroger sur l’adjectif qu’elle s’attribue. A quoi cela sert-il d’être libre si c’est pour être dans une constante approbation et si aucune mise en perspective, ni aucune critique constructive n’est envisagée. Est-ce une forme de lâcheté ou pire encore une autocensure, une aliénation volontaire de l’esprit ?
Et ceux qui pourraient porter le mieux le fer, à savoir nos intellectuels, qu’en est-il ?
Examinons cela.
Nous avons Michel Onfray, le plus médiatique quoiqu’il s’en défende, dont le discours général n’est pas mauvais et est même intéressant mais qui depuis quelque temps s’est engagé dans des délires souverainistes et islamistes. A l’écouter, nous devrions tous nous barricader derrière nos frontières, bien protégé ainsi du monde et des méchants. Mais les méchants sont souvent parmi nous. Ils sont nés ici et sont français. Et les frontières n’ont jamais protégé un pays. C’est son armée et la foi de son peuple en son pays qui le protège. Comme le disait si bien Romain Gary : “Le patriotisme c’est l’amour des siens. Le nationalisme c’est la haine des autres.” Nous devrions selon lui retrouver notre autonomie vis à vis de l’Union Européenne et de la monnaie commune. Nous devrions, je pense, surtout réformer l’Europe qui a été mise en place. Une Europe économique, capitaliste et axée sur l’argent. C’est d’une Europe sociale dont les gens ont besoin. Une Europe qui protège les gens et ne les considère pas comme des marchandises ou une donnée financière. Nous avons besoin d’une Europe qui construise des hôpitaux, qui favorise les échanges scolaires entre pays de l’Union, qui développe la recherche, qui combatte la pauvreté et l’ignorance. Une Europe qui s’occupe plus d’écologie que d’argent. Nous ne devons pas être contre l’Europe mais contre l’Europe telle qu’elle a été construite. Ce n’est pas parce qu’une chose a de mauvais côtés que nous devons la détruire. L’Europe est un beau projet qui s’est juste engagée dans une mauvaise voie. Nous devons juste la réorienter.
On peut citer également Christophe Guilluy qui, en sa qualité de géographe, a bien compris et analysé les véritables fractures de notre société mais sans vraiment en indiquer les coupables ni même les suspects, ni les rouages qui les ont permis.
Il y a bien sûr Emmanuel Todd dont l’analyse est extrêmement pertinente et qui a bien défini le fonctionnement et l’état d’esprit de notre classe politique actuelle, leur manière d’agir et de ne pas agir. Citons aussi Edgar Morin, Denis Robert, François Begaudeau, Frédéric Lordon, Jean-Marc Jancovivi, Frédéric Gros, Thomas Porcher, ..qui sont malheureusement plus ou moins exclus des médias dominants.
La voix des intellectuels en France n’est pas inexistante mais elle est inaudible car absente ou exposée dans des émissions et des journaux à audience faible voir fantomatique. Peut-être que si des intellectuels se regroupaient au lieu de rester isolés parviendraient-ils à mieux se faire entendre.
Quant aux livres qu’ils écrivent quelle est encore leur audience dans un monde ultra-numérisé et dominé par l’image.
Qu’en est-il des associations ?
Elles ne sont souvent pas politisées sauf quelques-unes type Attac ou Droit au logement et elles oeuvrent souvent dans les domaines du social, du loisir, de l’écologie ou du sport. Elles ont donc peu d’impact sur l’opinion en général bien qu’elles aient une présence importante dans certains domaines de la société. Il est d’ailleurs paradoxal qu’elles soient à la fois si présente dans le domaine public et en même temps si absente des centres de décisions publiques que sont par exemple les mairies et les départements. C’est que leur existence dépend souvent de subventions votées et décidées à ces niveaux administratifs et qu’elles sont donc quelque part dans un lien de dépendance avec ceux qui leur permettent d’exister. Le chien ne mord pas la main de celui qui le nourrit.
Les associations permettent donc souvent de pallier aux carences de l’Etat (Les Restos du Coeur, Habitat et Humanisme, ….) mais elles n’ont pas un rôle de réflexion et de modification de la société.
Nous vivons actuellement une période charnière. Un monde où l’action de l’Etat est de plus en plus remise en cause par les citoyens et l’Etat, se rendant compte de cette situation, essaye par différentes actions et décisions de garder la main, de garder la maîtrise totale de la situation. Finalement, nous sommes quelque part revenus à la situation du règne de Louis XVI qui pensait pouvoir conserver son pouvoir absolu alors que les esprits et les moeurs avaient changés et que le tiers-état c’est-à-dire le peuple voulait prendre son destin en main. De plus en plus, les citoyens ne veulent plus qu’une petite classe décide de ce qui est le mieux pour eux. Ils veulent eux-mêmes participer aux décisions. On sait ce qu’il est advenu de Louis XVI qui n’a pas compris ce changement d’époque et ce qu’il est advenu par la suite…. Il faut espérer que le scénario ne se répète pas à nouveau et que nos gouvernants sauront prendre la mesure des changements actuels.
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