Partenariat public-privé
Après quarante ans de guerre d’usure, le Cheval de Troie du néolibéralisme, le partenariat public-privé, finira bien par avoir raison de la « res publica ». En tous cas, depuis le lancement, le 18 novembre 1983, de l’outil de propagande du Congrès américain, le « National Endowment for Democracy » par le regretté Président Ronald Reagan, les politiciens autour du globe semblent finalement être mûrs pour le second tour.
C’est donc avec fierté que le gouverneur démocrate de l’état du Nevada, bastion du jeu de hasard, Steve Sisolak, annonce son intention de soumettre au législateur un projet audacieux de « création de zones d’innovation technologique » d’un type nouveau dans la ville de Carson City, un projet par ailleurs chaudement applaudi par le chef républicain du groupe minoritaire au Sénat du Nevada, James Settelmeyer. (LRV Las Vegas)
Monsieur Sisolak veut en finir avec le concept dépassé des rabais fiscaux et autres forfaits incitatifs, financés par les pouvoirs publics, dans le but de persuader des entreprises de s’établir sur sol « nevadien ». Il envisage dorénavant la création de zones économiques de haute technologie, entièrement gérées par les entreprises qui s’y établiront et quand Monsieur Sisolak parle de « gérer » il veut dire « gérer ».
En effet, ces zones seraient administrées par un comité de trois commissaires, nommé par les propriétaires des lieux, investi de pleins pouvoirs, politiques et judiciaires, tels que l’imposition d’impôts locaux, la création d’écoles ou la gestion de la voirie, des fonctions réservées, en temps normaux, à un conseil communal composé de parlementaires élus.
Le ticket d’entrée serait fixé à 250 millions USD, couplé d’un plan d’investissement d’un milliard USD sur dix ans, ainsi que l’achat d’un minimum de 20'000 hectares de terres inhabitées. Le style d’entreprise que Monsieur Sisolak a en tête serait du genre robotique, intelligence artificielle, biométrie ou technologie sans fil.
Il y aurait déjà des clients dans les starting-blocks à ce qu’il paraît. En 2018 déjà, le « crypto-millionnaire » Jeffrey Burns, fondateur de la société « Blockchains LLC », inconnue au bataillon par ailleurs, aurait investi la somme de 170 millions USD dans un terrain près de la ville de Reno pour y installer une « communauté expérimentale » et où sortiraient de terre des résidences, écoles, unités commerciales et de productions dont la pièce maîtresse serait justement sa société « Blockchains LLC ». (NYT)
La société « Blockchains LLC » aurait développé une sorte de « registre central » pour la comptabilisation de transactions de crypto-monnaies, une façon rêvée par les aficionados de « contourner le système », notamment celui des banques privées et des banques centrales, par l’émission de crypto-monnaies, gérées par une technologie « neutre et inviolable », et, selon Monsieur Burns, « une technologie qui rendra aux gens ordinaires la gestion de leurs données personnelles sans dépendre des grandes compagnies de technologie ou du gouvernement », une technologie, sans aucun doute, « différente » de celle utilisée par « facebook » « twitter » « Instagram » « Snapchat » et autres « WhatsApp ».
Toujours est-il, ce concept anarchiste semble avoir séduit le gouverneur Sisolak, d’autant plus que Monsieur Burns avait précédemment fait quelques efforts pour le convaincre. On parle d’une généreuse contribution de 50'000 USD au PAC démocrate » (political action committee) « Home Means Nevada », 10'000 USD aux campagnes électorales du gouverneur démocrate et de son adversaire républicain en 2018, 50'000 USD au Parti démocrate de l’état de Nevada en 2019, ainsi que de dons divers et variés entre 1'000 USD et 5'000 USD à des élus locaux des deux partis. (LRV Las Vegas)
Ce n’est donc pas non plus une surprise que l’administration démocrate du nouveau Président Joe Biden soit particulièrement passionnée par la technologie, truffée d’anciens dirigeants des grandes compagnies de technologie, dont l’ancien patron du moteur de recherche « Google », Eric Schmidt, figurant accessoirement à la tête d’un nouveau comité, crée en 2016 par le Pentagone, ayant pour but « d’étudier l’apport des innovations de la Silicon Valley à l’armée américaine » serait particulièrement intéressé par un poste clé au Département de la défense par un des siens, le nouveau Président saura sans doute se montrer reconnaissant envers ses donateurs.
En faisant d’une pierre deux coup, c’est pourtant l’entreprise « WestExec Advisors » qui décroche le jackpot avec son fondateur Antony Blinken à la tête du Département d’Etat et une ancienne collaboratrice, Avril Haines à la tête du renseignement national.
Le carnet de clients du cabinet de conseil se lit comme le « who is who » de la finance et de la haute technologie, Bank of America, Banque Lazard, Royal Bank of Scotland, Gilead, McKinsey, facebook, Uber, Softbank, Linkedin, ainsi que la sulfureuse compagnie de big data « Palantir Technologies » aux services des différentes agences de renseignements.
Dans une interview avec le média « The Intercept » du magnat touche à tout, Pierre Omidyar, la malheureuse candidate au poste de Secrétaire à la Défense, Michèle Flournoy, déclara que « « WestExec » cherche à embaucher des gens quittanr des postes gouvernementaux, disposant d’une expertise solide et d’un vaste carnet d’adresses, tout en veillant à ce que ceux-ci ne soient enregistrés quelque part en tant que lobbyistes, de sorte à ce qu’ils puissent réoccuper d'autres postes à responsabiité politique ultérieurement sans autres formalités. »
Il y avait une boutade qui circulait dans l’ancienne Union des Républiques Socialistes Soviétiques qui disait qu’une nuit le Président Ronald Reagan se réveilla d’un cauchemar, couvert de sueur. Assistant à un congrès du Comité central du parti communiste il entendit soudainement le secrétaire général donner la parole au premier secrétaire du comité du district de Washington, le camarade Reagan. La réalité semble avoir rattrapé la fiction.
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