Inclusivement vôtre !
Avez-vous remarqué qu'une info exclusive, dès qu'elle est diffusée, devient inclusive ?
En tout cas, l'affaire semble entendue. Nos administrations vont s'adapter à cette grande réforme sociétale qui vise à éviter toute discrimination sexiste, dans la langue écrite ET parlée.
Ainsi, dès la rentrée 2021, on entendra dans nos maternelles, des choses comme : « Les enfants, les enfantes, mettez vos bonnet.e.s, c'est l'heure des papas-mamans et autres personnes parentales. Il fait un froid de canard.e. »
Cela n'ira pas sans une augmentation des troubles du langage, mais de nombreux postes d'orthophonistes seront créés.
Non, je rigole, l'exemple est mal choisi car, coup de chance, « enfant » est un mot épicène – on peut aussi bien dire un enfant qu'une enfant, pareil pour « élève » Ouf ! Quel bol ! Les écoles l'ont échappé belle, quoique petite difficulté prévisible avec les lycéens zé les lycéennes...
Dans le doute, on annonce une floraison de prénoms épicènes : les Camille, Dominique, Stéphane etc. - prudence parentale oblige !
Tout ça, c'est bien, mais c'est peu, il faut s'attaquer au scandale du genre grammatical des mots !
En effet, on dit "la science", mais la plupart des découvertes ont été faites par des hommes, non ? Comme Einstein, qui a inventé relativement pas mal de trucs, tout le monde le sait, ou Newton qui a quand même inventé la pomme, c'est pas rien. Et d'autres, la roue, le feu. On devrait donc dire « le science », ce ne serait que justice. En parlant de ça, d'ailleurs, si LA justice est féminine, l'injustice devrait être masculine. De même, « une sentinelle » - comment imaginez-vous une sentinelle : un grand baraqué pas commode, ou une femme dont le fusil-mitrailleur arrive aux genoux ? Donc : UN sentinelle et les camps militaires seront bien gardés. L'intelligence ? Mmm, admettons, je veux bien qu'elle soit partagée ; mais alors, on fait 50/50 et on en fait un épicène ! La féminité, OK, mais « la masculinité », non, je m'offusque ! Chacun son truc.
Au passage, ça remettrait un peu d'ordre dans les mots du sexe : la chatte, le minou, la bite, le phallus, c'est un peu confus, tout ça ! Il paraît qu'on a tous une part des deux, ce bazar sémantique doit venir de là.
Bon, on voit donc que malgré l'écriture inclusive, on a encore un gros chantier devant nous. Ajoutons-y une réforme de l'orthographe sur l'accord des participes passés, qui couve depuis longtemps.
Parlons-en de la France : pourquoi dire « dans la France, on parle le français » et non « dans le France, on parle la français » ? D'ailleurs, on dirait plus joliment : « en France, on parle français », c'est bien la preuve que les articles posent problème.
Zamenhof, ce génie méconnu qui a fondé l'espéranto sur la base de nombreuses langues, en a été conscient, hésitant longtemps puis finissant par proposer sans conviction un seul article neutre, essentiellement pour les langues qui en ont l'habitude ou le besoin - càd. nous, les Français !
Blague à part, revenons à nos mouton.ne(s) (également connues comme brebis). Les tenants de l'écriture inclusive disent : « Le masculin l'emporte sur le féminin », comme le Yalta d'une guerre des genres ! Non. Simplement, dans notre langue, le neutre est masculin. Inversement, ces militants ne voient pas une vraie guerre, celle des langues, qui a fait rage dans l'UE et s'est soldée par la déroute du français – lequel n'est plus langue de travail qu'à la marge... Et aujourd'hui, la nouvelle carte "nationale" (?) d'identité sera bilingue fr-angl, alors même que, depuis le départ de la GB, l'anglais n'est la langue officielle d'aucun pays de l'Union, pas même de l'Irlande (qui a déclaré officiellement le gaëlique). L'anglais a gagné par KO, bien aidé par nos élites "Young Leaders". Or, ces mouvements d'écriture inclusive, de décolonialisme, étude de genre, "woke" et "cancel culture", sont tous issus des USA... Aucun rapport, vraiment ?
Bien au contraire, le communautarisme ethnique des Anglo-saxons ne supporte pas la laïcité française, fait semblant de ne pas la comprendre, la qualifie de persécution religieuse ou de racisme, et veut exporter leurs conflits, fruits de leur histoire - qui n'est pas la nôtre.
En plus, il y a quelque chose de méprisant dans cette écriture inclusive : croient-ils qu'en lisant « Les étudiants ont souffert de la crise du Covid », on se dit que les étudiants mâles ont souffert - les pauvres – tandis que les étudiantes ont eu la belle vie ? Si on lit « Les ouvriers ont une espérance de vie moindre que les cadres » pense-t-on immédiatement « les pauvres gars, ils sont bien malheureux, alors que les ouvrières se la coulent douce grâce à la bienveillance de contremaîtres libidineux » ? Quand on dit « Les droits de l'Homme » les Français comprennent-ils que la femme, cette conne, n'a aucun droit ?
C'est leur esprit qui est discriminant : ils pensent en termes d'exclusion, de catégories, d'ethnies, de couleur de peau – que font-ils, d'ailleurs, des métissages divers ?
Au milieu de toutes les misères du monde, dont je vous épargne la litanie bien connue, ces gens n'ont trouvé que ce sujet marginal pour exercer leur énergie militante ? Venant d'un pays qui refuse d'interdire les mines anti-personnel, tueuses de civils longtemps après les conflits, ils n'ont trouvé que ça ?
D'ailleurs, sera-ce encore du français ? On pourrait le baptiser autrement, du franglosaxon peut-être ? D'un simple point de vue pratique, veut-on une flambée de suicides chez les correcteurs qui devront vérifier Les Misérables ou Le Comte de Monte-Cristo, en inclusif dans le texte ? Pensent-ils que les jeunes, pris comme ils sont par une multitude d'écrans, tablettes, ordis et télés, liront davantage ces classiques touffus s'ils sont écrits en inclusif ET expurgés de mots désormais tabous ?
Et d'un point de vue esthétique ! Personnellement, je n'en peux plus d'entendre décliner à toutes les sauces le fameux « Françaises, Français ! » et ses succédanés. Si celui-ci se comprend par la majesté de l'adresse d'un président à ses citoyens, chaque politicien ou journaliste se croit tenu d'imiter les « celles et ceux » ou « toutes et tous » du président Macron ! Jusqu'aux supermarchés qui se prennent pour De Gaulle, avec leur "Chers clientes, chers clients" ! Pitié, stop à ces automatismes lourdingues !
De même, le masculin générique vise intuitivement à la légèreté de la langue : « Le rire est le propre de l'Homme ». Bon, c'est vrai que les femmes ne rigolent pas tous les jours, mais quand même, ça leur arrive de temps en temps, non ? Devra-t-on dire « Le rire est le propre de l'homme, de la femme, des enfants, des handicapés (?) et des LGBT » ? (Pour les extraterrestres, on manque d'infos ; probablement se moquent-ils de nous...)
Dans une manif, on a pu lire « l'écriture inclusive arrive » (Photo dans Marianne, 12-18/03). D'accord, mais qu'elle reparte, vite ! Qu'elle se casse avant de faire de la casse sociale !
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