Démographie, eau, territoire : triptyque à la base des conflits Israélo-Palestiniens ?
On ne pourra rétablir le calme et une paix durable entre Israéliens et palestiniens, si l’on n’intègre pas le triptyque : démographie, eau et territoire. Alors que se pose le problème de la ressource en eau et sa répartition, la population juive d’Israël ne cesse d’augmenter, et forcément d’étendre son territoire au dépends de celui des Palestiniens.
Quelques rappels historiques
À la fin du XIXe siècle, Théodore Herzl qui est le précurseur du Sionisme, préconise la création d’un État pour le peuple juif. Les tendances politiques du mouvement considèrent que la Terre d’Israël appartient de droit aux Juifs : la Palestine est l’Eretz Israël, « Terre promise pour les Juifs ».
A cette époque, le Proche-Orient est alors placé sous la domination de l’Empire ottoman, mais, l’influence européenne y est forte. En 1914 l'Empire ottoman entre en guerre aux côtés de l'Allemagne. La France et l'Angleterre comptent sur un soulèvement musulman en leur faveur, car Le haut-commissaire britannique au Caire, Henry McMahon entretien une correspondance avec Husayn, le chérif et émir de La Mecque, auquel il laisse entendre qu'à l'issue de la guerre, une indépendance véritable à un vaste État arabe lui sera accordé. Mais à condition que lui et ses fils soutiennent la Grande-Bretagne face à l’axe Germano-Turc.
En réalité, les Britanniques considèrent que, si les Arabes seront bien indépendants de l’Empire ottoman, ils seront sous une tutelle de fait des Britanniques. En 1915/1916, le diplomate Français François Georges-Picot et le Parlementaire Britannique Sire Mark Sykes négocient les territoires qui seront obtenus par la France et la Grande-Bretagne, lors du dépeçage de l’empire Ottoman une fois la guerre finie et la victoire acquise. Les deux alliés se partagent les possessions arabes et redéfinissent le visage du Moyen-Orient.
Les accords « Sykes-Picot » signaient la fin de l’empire Ottoman et la déclaration « de Balfour » la naissance future d’Israël
Le 16 mai 1916, les deux pays parviennent à une entente : l'accord, connu en France sous le nom « d'accord Cambon-Grey », envisage de créer des États arabes indépendants, sous tutelle française (zone A) ou britannique (zone B). Les Britanniques s’octroient une zone d’administration directe en Mésopotamie ( Irak ) et Palestine, (zone rouge) et les Français en Syrie, plus l’actuel Liban (zone bleue).
L’année suivante, le 2 novembre 1917, Arthur Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères, envoyait une lettre à Lord Lionel Walter Rothschild, responsable de la fédération sioniste et membre d'une importante et riche famille juive Anglaise : il apportait le soutien du gouvernement Britannique à l'établissement d'un foyer juif en Palestine. Ce que l’on a appelé la déclaration de Balfour confirmait de fait la promesse « d'un foyer national juif » en Palestine.
L’Empire ottoman est démantelé après 1918 et la Société des Nations (précurseur de l’Organisation des Nations Unies de 1919 à 1946) donne des mandats à la France et la Grande-Bretagne pour administrer les territoires proche-orientaux. C’est aux Britanniques qu’échoit la Palestine, mais aucun État juif n’est alors créé. Toutefois, les violences dont sont victimes les juifs d’Europe dans les années 1930 accentuent les migrations vers la Palestine.
La Seconde Guerre mondiale change la donne. Après la capitulation nazie et ce qu’on subit les juifs avec six millions de morts dans les camps nazis, l’Organisation des Nations Unies prévoit un plan de partage pour la Palestine avec la création d’un État juif, d’un État arabe, ainsi qu’un statut international pour la ville de Jérusalem. L’année 1948 signe la nakba (« la catastrophe ») pour le peuple palestinien Arabe : la proclamation de l’État d’Israël par David Ben Gourion et la première guerre israélo-arabe, qui contraint les Palestiniens à s’exiler massivement. Cet événement marque le début du long conflit israélo-palestinien.
La question démographique et celle du territoire vont rendre inévitable les affrontements
Avant la création de l'État juif, les parts de la population entre palestiniens et Juifs étaient radicalement différentes. En 1914, dans la Palestine historique, la population juive n'était que de 8%, avec 92% de Palestiniens Arabes. En 1931, le mandat britannique a entraîné une augmentation de la population juive à 16,8% sur un million d'habitants, avec 83% de Palestiniens Arabes.
Le nombre des Juifs a continué d'augmenter à l'approche de l'établissement d'Israël pour atteindre 31,5% de la population (650 000), tandis que les Palestiniens Arabes représentaient 1,4 million de la population, soit 68%.
Après la création d'Israël, la population juive a continué rapidement d’augmenter, tandis que le pourcentage de Palestiniens Arabes a diminué en raison des guerres, au cours desquelles un grand nombre d’entre eux ont été expulsés ou injustement contraints de fuir leurs foyers.
Depuis la guerre de 1967 et la prise de Jérusalem, Israël continue de façon délibérée d'augmenter la population juive, en particulier dans Jérusalem-Est occupée, aux dépens de la population arabe, qui est soumise à des impôts élevés, et qui est dépourvue du droit de construire des maisons, de nombreuses autres restrictions et injustices limitant la progression du nombre des musulmans.
La totalité de la superficie d’Israël et des territoires palestiniens égale pratiquement la superficie de la région Bretagne
Avec un total de 26790 km², la superficie totale d’Israël et des territoires Palestiniens correspond à peu près à la superficie de la région Bretagne (27 209 Km2), sauf que la Bretagne compte 3 370 000 habitants, alors qu’Israël et les territoires palestiniens totalisent 14 300 000 habitants. Avec de forts déséquilibres en territoires et en ressources entre populations juives et Palestiniennes Arables, alors que celles-ci sont majoritaires en nombre, si l’on ajoute les 1,93 millions de populations Arabe vivant à l’intérieur d’Israël aux 5,1 millions des territoires palestiniens, soit 7,03 millions, contre 6,8 millions de Juifs, mais cela reste à relativiser du fait de l’arrivée constante de populations juives de la diaspora.
Superficie des territoires avec sa population, Israélienne, et Palestinienne
En 2020, Pour une Superficie de 20 770 Km2, selon le Bureau central israélien des statistiques (CBS), la population d'Israël a atteint 9,2 millions d'habitants. Elle est composée de 6,8 millions de Juifs (74%), 1,93 million d'Arabes (21%) et 454 000 chrétiens non arabes ou adhérents d'autres confessions (5%). L’indice de fécondité est de 3,11 enfants par femme. Un taux très élevé par rapport aux pays Européens. Il est encouragé par les milieux religieux et certains politiques qui redoutent que dans quelques années la population Arabe dépasse la population juive. La bombe démographique est donc loin d’être désamorcée...
Pour une superficie de 6020 Km2 (5655km2 en Cisjordanie et 365 Km2 à Gaza), En 2020, la population des territoires palestiniens arabes est de 5,1 millions d'habitants (3,1 millions en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est et 2 millions dans la bande de Gaza). l’indice de fécondité est de 4,4 enfants par femme. Là encore, probablement pour les mêmes raisons compétitives qu’Israël, la bombe démographique est très loin d’être désamorcée.
Avec un territoire Israélien plus de 3 fois supérieur à celui des Palestiniens, pour une population moins de deux fois supérieure, avec une la densité de 421 hab/Km2 quand celle des palestiniens a une Densité de 794 hab/Km2, dont 522 hab/Km2 en Cisjordanie et 5375 hab/Km2 dans la bande Gaza, dans laquelle Israël exerce un blocus. Ce territoire est une bombe démographique permanente, qui tel Phénix qui renaît de ses cendres ne cesse d’exploser... Avec les effets répressifs correspondant d’Israël et sa cohorte de victimes...
Il faut également considérer les projections indiquant que la population Juive d’Israël atteindrait 11,1 millions d’habitants en 2030, 13,2 millions d’ici 2040 et 15,2 millions d’ici 2048, au 100e anniversaire d’Israël. On peut aisément imaginer que les besoins en territoires ne vont pas baisser, alors que déjà Israël s’est approprié de nombreuses terres fertiles des Palestiniens.
Alors que le territoire de l’État d’Israël s’étend normalement de façon continu, le territoire Palestinien est scindé en deux parties, d’un coté la Cisjordanie et sans continuité la bande de Gaza en bord de mer. Ce territoire est aujourd’hui au coeur des combats, par ailleurs, très inégaux, avec Israël...
L’eau, l’autre triptyque des conflits inévitables entre populations Juives et palestiniennes que n’explique pas seuls les changements climatiques
Après les problèmes de territoires et de populations, l’eau est un autre triptyque à prendre en compte dans le conflit israélo-palestinien. Alors que les ressources se situent principalement chez les Palestiniens, Israël, surtout la population Juive, en dispose et les gère seul pour pourvoir aux besoins des deux populations. Dans l’ensemble, 40 % de son eau provient des Territoires palestiniens.
Comme dans d’autres régions du monde, les changements climatiques ont toutefois bouleversé la Palestine depuis deux décennies. Mais si les problèmes de sécheresse sont bien réels, ils n’explique pas à eux seuls la pénurie d’eau. Quand on leur demande la raison du manque d’eau, les Palestiniens parlent tous de l’occupation militaire de leur territoire par Israël. « Notre problème, c’est Israël, pas les changements climatiques », affirme sans détour Deeb Abdelghafour, directeur général de l’Autorité palestinienne de l’eau.
Les deux parties ont un droit de regard sur les projets de l’autre, mais le gestionnaire palestinien affirme : « Avant de creuser une station de pompage, tant Israël que la Palestine doivent obtenir la permission de l’autre. Le problème, c’est que ça ne se passe pas tout à fait ainsi ».
Toujours, selon Deeb Abdelghafour :« En réalité, Israël fait à peu près tout ce qu’il veut et bloque la plupart de nos requêtes ». Il rappelle aussi que 61 % du territoire de la Cisjordanie se trouve en zone C, sous contrôle israélien, en vertu des accords d’Oslo. Résultat : les Palestiniens ont creusé des dizaines et des dizaines de puits illégaux, dénonce l’État israélien. Deeb Abdelghafour admet que c’est « vrai à 100 % ». « Il y a des puits illégaux, mais c’est à cause d’Israël : ils nous empêchent de creuser ! »
Comme à peu près tous les enjeux dans cette région trouble du monde, le partage des ressources en eau est d’une complexité extrême. Les réserves d’eau de la région prennent leur source au Liban et en Syrie, passent sous la Cisjordanie et débouchent en Israël. La gestion de ces aquifères a fait l’objet d’une entente en vertu des accords d’Oslo, au début des années 1990. Cette entente devait encadrer la gestion commune de l’eau par Israël et la Palestine pour cinq ans, mais n’a jamais été renégociée. La population a augmenté. Le climat s’est déréglé. L’eau devient plus rare. Et la colère monte chez les Palestiniens.
D’après un rapport de l’UNICEF de 2005 (après les accords d’Oslo), s’appuyant sur une étude de la Banque Mondiale, Israël puise ainsi dans le seul aquifère de Cisjordanie 86% de ses ressources en eau (soit le quart de sa consommation nationale), les colons 4% et les Palestiniens 10%. Dans l’ensemble, un tiers des ressources d’Israël provient des eaux de surface, notamment du Jourdain, le reste provient des eaux souterraines, sa nappe littorale, celle de Cisjordanie, et de la bande de Gaza.
Deux poids, deux mesures
D’importantes restrictions à l’accès à l’eau sont imposées pour la population palestinienne qui est soumise à des quotas. Pour creuser tout nouveau puits, les Palestiniens doivent obtenir une autorisation spéciale des autorités militaires israéliennes. Les Palestiniens doivent également payer son eau agricole au prix de l’eau potable, soit un prix quatre fois supérieur à ce que payent les colons israéliens profitant d’un système de subventions. Aujourd’hui le « mur de sécurité » séparant Israël et la Cisjordanie vient aussi désorganiser les systèmes d’irrigation palestiniens. Ce qui ne peut qu’accroître les tensions entre ces populations.
Par ailleurs, les stations de pompage palestiniennes, légales ou illégales, sont généralement en mauvais état, paralysées par des bris mécaniques (à cause du manque de pièces de rechange), situées dans une zone où l’on trouve peu d’eau, ou simplement trop peu profondes pour atteindre la nappe phréatique, explique-t-il. C’est la triste réalité en Palestine : faute d’argent, les infrastructures tombent en décrépitude. Tout un contraste avec les puits creusés par Israël un peu partout en Cisjordanie pour approvisionner les colonies juives. La multiplication des puits israéliens a contribué à tarir les sources de la Palestine, dont celle qui a fait la renommée d’Al-Auja.
Autre problème pour l’approvisionnement en eau potable des Palestiniens, des refus dus aux exigences de souveraineté
Pour leur approvisionnement en eau potable les Palestiniens dépendent presque entièrement du distributeur national israélien. L’État juif a beau fournir plus d’eau que ce qui est prévu par les accords d’Oslo, tout le monde convient, des deux côtés du « mur de séparation », que c’est insuffisant pour répondre à la demande. Les municipalités palestiniennes et les Palestiniens eux-mêmes ont appris à stocker l’eau potable pour pallier l’approvisionnement sporadique du réseau israélien.
Selon David Katz, professeur de géographie à l’Université d’Haïfa : « L’entente est jugée insuffisante pour les besoins des Palestiniens, entre autres à cause de la croissance de la population. Par habitant, les Palestiniens obtiennent environ le quart de ce qui est alloué aux Israéliens ». Ce professeur souligne également que « L’occupation militaire de la Palestine par Israël vient brouiller les efforts de coopération entre les deux nations. L’État juif est prêt à vendre davantage d’eau potable aux Palestiniens, mais ceux-ci refusent : ils réclament d’abord la souveraineté sur l’eau qui se trouve dans leur sol, pour répondre eux-mêmes à leurs besoins ».
Les Palestiniens rechignent aussi à participer à des projets communs de dessalement de l’eau de mer avec Israël pour les mêmes raisons. Cette coopération avec les responsables de l’occupation illégale serait considérée comme une forme de renoncement à la souveraineté palestinienne.
Les eaux usées restent non traitées en territoire palestinien pour des raisons similaires, comme le résume David Katz : « Israël a proposé l’aménagement d’usines régionales de traitement des eaux usées. Les Palestiniens disent qu’ils ne veulent pas d’usines qui serviraient les colonies, parce qu’ils font valoir que les colonies sont illégales. Il n’y a rien qui se construit, et les égouts polluent les aquifères », résume David Katz.
Quelles perspectives ?
Faute de régulation démographique, entre des populations qui ne vont cesser d’augmenter de part et d’autre, un territoire qui n’est pas extensible, une pénurie de terres fertiles, aggravé par des changements climatique, l’accès à l’eau par l’appauvrissement de la ressource et les problèmes de répartition, cela augure mal de l’avenir...
Faute d’accord équilibré entre les deux parties, Israël et Palestiniens Arabes, les conflits Israélo-palestiniens ne cesseront pas et deviendront de plus en plus violents. Mais deux Etats Indépendants cohabitant pacifiquement et solidairement sont-ils possible à créer aujourd’hui ?
Bien que ce soit difficile, pour parvenir à un Etat palestinien et garantir la sécurité d’Israël, cela ne peut se réaliser qu’à la double condition :
- Que le Hamas qui est un mouvement islamiste palestinien constitué d'une branche politique et d'une branche armée, reconnaisse l’État d’Israël en mettant fin définitivement à sa volonté de destruction de ce pays. En contre partie Israël lèverait le blocus de Gaza...
- Un Etat palestinien, avec une continuité territoriale entre la Cisjordanie et Gaza, grâce à une bande territoriale qui longerait à l’Est d’Israël la frontière de Jordanie et au sud celle de l’Egypte. Un effort serait demandé à ces deux pays pour qu’ils rétrocèdent un modeste espace à l’intérieur de leur frontière. ( C’est une proposition qui a déjà été formulé, par des intellectuels Juifs)
Et pourquoi pas un seul Etat Israélo-Palestinien ?
Depuis de nombreuses années des intellectuels Juifs et Palestiniens militent ensemble pour un seul État fédéral démocratique et laïc en Palestine/Israël. Sami Aldeeb, qui se dit Chrétien Palestinien, est avocat, traducteur, écrivain et professeur d’université, spécialiste de droit musulman, il a exercé en Suisse et anime une association qui milite pour cet Etat fédéral, laïc et démocratique Israélo-Palestinien. Il refuse tant l’État d’Israël que l'État de Palestine qu'il qualifie tous deux d'entités discriminatoires.
A cet effet feu Kadhafi et le Syrien Bachard Al Assad semblaient favorable à cette proposition, mais pour des raisons politiques, certainement autres que celles de Sami Aldeeb.
Pour que cette proposition puisse voir le jour, encore faudrait-il qu’il y ait une volonté politique dans ce sens de la part des « grandes puissances »… Mais cela semble bien mission impossible !
Pour conclure
Ne pas intégrer aujourd’hui la question démographique, territoriale et celle de l’eau dans toutes les réflexions stériliserait toute volonté d’aboutir à un règlement des conflits et une paix durable entre ces deux entités. Mais hélas ! pour reprendre une »Raffarinade », la route sera longue et la montée sera très difficile. S’il serait très difficile, mais possible de parvenir à deux Etats indépendants équilibrés en droits et devoirs, l’un vis à vis de l’autre, les souhaits exprimés par Monsieur Sami Aldeeb semblent plutôt relever de la fiction… Encore que...
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liens des documents consultés : https://plateforme-palestine.org/Territoire-et-population-les-chiffres-cles-2018
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