Le désamour envers la politique ou la Science ?
Sur Agoravox.fr, en conclusion de mon dernier billet passé sur ce forum "Le pouvoir de l'inutile", je me proposais de relever quelques différences de point de vue entre la France et la Belgique et des désamours existants de part et d'autres.
Sur les réseaux sociaux français, c'est la politique et Macron qui prennent le pompon du désamour.
En Belgique, ce sont les scientifiques.
Le Vif et Knack ont sondé les Belges sur ce qu'ils pensaient de la gestion de la crise de coronavirus. Toujours méfiants, ils en veulent moins aux politiques qu'aux scientifiques.
Qui mérite d'être entarté par notre entarteur belge Noël Godin ?
Les différences entre la France et la Belgique
Des différences, il y en a beaucoup et génèrent souvent des situations paradoxales.
On ne parle pas tout à fait le même français de la même manière en France et en Belgique.
Nos belgicismes sont bien réels et surprennent les Français qui les signent de "fôtes d'orthogaffes" comme le dit Bernard toutes les semaines dans un sketch.
Son dernier parle de la différence psychologique entre des bonshommes et un bonhomme n'est pas une vue de l'esprit ( https://youtu.be/WX1cuO1RNiQ ).
Pour avoir une chance de trouver une place, un Bruxellois se doit d'avoir une connaissance pratique dans trois langues dont deux nationales et une pour permettre des rapports avec les entreprises commerciales, nationales et internationales.
Notre humour n'est pas le même, comme je l'avais écrit, il y a 8 ans "L'auto-dérision, un produit de la belgitude".
Rien à voir avec l'humour policé à la soixante-quinze, rien à voir avec l'humour anglais avec ses Monty Python.
Cela se passe bien chez nous parce qu'on n'oublie pas de rire de nous-mêmes. Les cactus que j'introduis dans mes billets sont dans la note de l'auto-dérision.
Dans 9 ans, cela fera 200 ans que la Belgique s'est construite dans la précipitation. Avec un certain recul, la Belgique connaissait son statut de trop petit pays. Notre neutralité vis-à-vis des nos voisins qui désiraient en découdre par la guerre ne peut jamais être assurée dans la neutralité quand il n'y a pas de montagnes derrière lesquelles nous protéger comme en Suisse.
Nous connaissons parfaitement nos défauts reliés souvent à cette petitesse du territoire qu'Aurélie, originaire de Toulouse, rappelait ce weekend dans ses micro-aventures en Belgique (clic)..
A la fin du 19ème siècle, la Belgique était la 3ème puissance mondiale.
Mon dernier billet sur les trains en témoigne "Le train belge de Pékin à Hankou".
La Chine avait peur de l'influence que les grandes puissances européennes auraient pu exercer sur leur pays.
Bien sûr, nous avions colonisé le Congo et les grandes puissances étrangères lorgnaient sur cette "anomalie".
"Comment a-t-on pu en arriver là ?"
La différence essentielle pourrait s'expliquer rapidement par le fait qu'en Belgique, c'est une mini-fédération gérée par un régime parlementaire construit à la proportionnelle dans un ensemble hétéroclite de responsabilités multipliées par régions avec des ministres présidents à leur tête.
Notre pays est une royauté protocolaire. Le gouvernement au niveau fédéral est géré par un premier ministre avec ses ministres dont les attributions ont été régulées et partagées ensemble.
Fédéralisé veut dire que les mêmes responsabilités sont gérées au niveau des régions accroissant d'autant le nombre d'autorités responsables.
Tout comme en France des élections à deux tours d'ailleurs mais dont un tour est réservé à la population et un autre qui suit où les partis doivent se débrouiller pour trouver une majorité suffisante pour que le gouvernement se mette en place. Quand on sait que tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout, il n'y a d'accord sur rien, cela veut dire que cela peut prendre beaucoup de temps avant de voir une fumée blanche sortir des urnes pour créer un gouvernement.
Une grande différence, les élections belges sont obligatoires. Cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas voter blanc, mais il faut faire acte de présence.
Le vote est obligatoire en Belgique depuis 1893. Cette mesure avait pour but de rendre possible le vote de tous et surtout de la classe la plus pauvre sans aucune pression. Un patron ne pouvait pas imposer un jour de travail pendant un scrutin pour empêcher ses ouvriers de se rendre aux urnes.
Les élections régionales de ce weekend ont démontré la faiblesse du système démocratique français avec un tiers de la population qui s'est rendu dans les bureaux de vote. Et, oui, "il faisait beau", c'était l'excuse.
En France, la situation a été identique en 2002 année pendant laquelle il y eut le ballotage Chirac et Lepen avait éveillé les consciences après le premier tour suivi d'un sursaut au deuxième. Ce weekend, les yeux étaient fixés sur ce qui allait se passer au Sud Est de la France qu'on appelle la France Paka.
Le nouveau sondage du Vif ( image )
Dans l'évolution du Covid, le désamour en Belgique résidait plutôt envers les politiques. De tout ce qui entoure le Covid, j'en ai parlé tout au long de l'année 2020, entrelardé d'humour et de parodies.
De ma formation scientifique, j'ai gardé des traces pour défendre la science et les scientifiques dans "Eclectique heureux".
La série des "Quatre saisons" n'a pas manqué d'ajouter quelques couches.
L'épisode 15, "C’est l’histoire de la cigale et de la fourmi, en pandémie" présentait un aspect bien belge (clic). .
Une enquête préliminaire du Vif-Knack avait déjà fait écho à la pandémie du Covid qui se déroulait dans une de ses multiples phases en 2020.
Aujourd'hui, cette crise sanitaire semble passer au vert et une nouvelle enquête a apporté un changement de responsabilité dans sa résolution.
La confiance des patrons belges est remontée au plus haut.
Un nouveau sondage d'un millier de Belges (586 Flamands et 420 francophones) a été effectué. Il a permis de s'apercevoir qu'une autre colère, plus intimiste, a de quoi surprendre. Les niveaux de pouvoir de l'autorité politique belge ont été mieux appréciés. Même l'Union européenne a redoré son blason. Ce sont les scientifiques qui amènent leurs sciences dans la population qui ont dégringolé de manière diffuse et infuse.
Serait-ce la fin de la no-life en solitaire et le retour du burn-out ?
Covid suites
Aujourd'hui, la population belge s'aperçoit qu'elle s'en sort relativement mieux qu'à l'étranger suite aux vaccinations intensives qui ont fait baisser la courbe des contaminations du Covid.
En France, c'est le président qui reste considéré comme seul responsable de tout et est pointé du doigt.
Dans les débats des forums, quelques intervenants n'ont pas réussi à inverser ce sentiment de rejet en disant qu'ils se trompent de cible.
Atténuer un mécontentement et une insatisfaction n'est pas à réaliser d'une manière globale mais plus individuelle en fonction des personnalités en présence. En France, on aime manifestement les personnalités fortes. Je ne me suis jamais avancé très loin dans les échanges politiques français. Les noms qui y sont cités, me sont souvent restés souvent soit inconnus, soit méconnus.
Lors des élections présidentielles, j'avais écrit "La macronite aiguë, une maladie ou un remède ?".
Déjà alors, je disais que la France est malade. Pas de sa culture mais de son régime politique. Malade de sa droite et de sa gauche qui ne parvient pas à se stabiliser.
A Bruxelles, beaucoup de Français ont élu domicile sans être pour cela attirés par des idées d'éluder l'impôt. Nos impôts sont tout aussi importants.
Qui sont-ils alors ? Réponse.
Un autre indice, peut-être, à la pensée du prix du mètre carré s'élève à 10.000 euros à l'achat à Paris...
Que Bruxelles accueille la CE et l'OTAN, ce n'est plus du tout un fait du hasard.
Madame Von der Leyen est venue personnellement, chez chaque membre européen, pour apporter le chèque représentant sa part dans la répartition des 750 milliard d'euros octroyée pour la relance.
La colère populaire belge ne s'est pas éteinte pour autant, mais elle s'est diffusée autrement.
Rien n'est jamais parfait, nulle part.
Le premier ministre avait dit lors de son intronisation qu'une de ses tâches serait de réconcilier le peuple avec la politique. 42,3% des Flamands et 45,6% de francophones disent qu'il a réussi son pari contre respectivement 26,5% et 21% qui pensent le contraire.
Rien n'est jamais à prendre de manière globale en Belgique puisque c'est une fédération de régions.
Le Nord, plus riche, relié à l'économie mais vieilli, il a besoin de main d'œuvre jeune qu'il trouve dans le Sud. Les Wallon plus sociaux mettent le turbo pour rattraper le retard par rapport au Nord avec des plans de redressements successifs de plus en plus raffinés dans les procédures.
La région bruxelloise, colonne vertébrale du pays, s'adapte aux deux autres régions de manière préférentielle en fonction de l'origine. Bruxelles où les navetteurs arrivent des autres régions de manière rituelle.
Quand les responsabilités se concentrent sur une tête comme en France, c'est elle qui doit assumer sa prise de tête.
Toujours ce Nord et ce Sud ? Pas totalement...
Dans le Nord, Jan Jambon, ministre-président de la région flamande, récolte dans son escarcelle plus de doléances et d'insatisfactions comme tous les présidents.
Les Flamands et les francophones n'ont pas vécu la crise de la même façon. Les disparités existent surtout dans une époque d'adversité. Assouplir les mesures plus rapidement, une affaire de porte monnaie. Les Flamands l'ont désapprouvés à 50,1% et les Wallons à 36%. Trop de pouvoirs dans les mains des scientifiques, d'accord à 49,3% pour les Flamands et 34,6% pour les Wallons.
La gestion sévère, rigide et autoritaire du ministre de la santé Frank Vandenbroeke a même séduit par maximum 42,3% et été désapprouvé par 29,4%. Une inversion radicale avec Maggie de Block qui avait récolté une unanimité contre elle en sous-estimant les effets du Covid.
Plus de la moitié des sondés au Nord et au Sud jugeaient le couvre-feu comme justifiés et à plus de 70% dans l'adhésion des règles sanitaires.
Jusqu'ici, plus de 70% de la population belges ont adhéré à la vaccination au moins pour la première dose de vaccins.
Le fait qu'il y en ai deux avec des écarts de temps différents entre chacune d'elles a aussi pris une prépondérance pour l'un vaccin sur l'autre avec les vacances approchantes.
Quelques retardataires attendaient même le vaccin Johnson-Johnson qui n'est constitué que d'une dose ont voulu réduire le nombre de déplacements pour se présenter au rendez-vous de la vaccination.
La région bruxelloise limite son adhésion au vaccin en dessous des 60%. Pour l'accélérer, il ne faut plus de rendez-vous pour se présenter.
Peur de la solitude et de l'impact que la crise pourrait avoir sur leur situation et leur emploi, 40% des jeunes de 18-24 ans se sont sentis moins bien pendant la crise et 14%, mieux que d'habitude. 36% d'entre eux considèrent que le coronapass est une bonne chose pour bénéficier de plus de liberté et d'autres, comme un vecteur de discrimination. L'enthousiasme pour la vaccination diminue manifestement avec l'âge..
Les deux benjamins des autorités de l'Etat ont reçu le plus d'opinions défavorables au bénéfice de l'expérience attribuée à leurs aînés.
L'indépendance de la Flandre avec ses réformes de l'Etat ne semblent plus tenter la plupart des Flamands. L'indépendance inquiète. Ce serait paradoxal que les partis extrémistes, indépendantistes tentent de faire obstacle aux unitaristes.
Le nationalisme est mis entre parenthèses. Il a fait place à un patriotisme de bon aloi avec les compétitions de foot. Les Diables rouges ont fait ressortir les drapeaux tricolores et les "je-m'en-foutistes" émergent et débordent dans la foulée d'un ballon qui marque un goal.
Eric Van Rompuy, vétéran du CD&V, vient de publier un livre "Rebel met een missie" ("Rebelle avec une mission").
Il était invité dans l'émission "Les Visiteurs du soir" sur LN24.
Il m'a paru bizarrement ne plus se retrouver dans la bonne époque de notre modernité. Déphasé dans une version d'opposition Flandre-Francophonie alors qu'à Bruxelles, ville cosmopolite par essence, c'est l'anglais comme disait Vadot.
L'émission du 23 juin de "C à vous" sur la 5, avait réuni les acteurs du film "Présidents" et, en finale, avait rassemblé les discours des présidents français énoncés en anglais avec un certain humour qui a fait rire tout le monde présent (clic)
Il rappelait même une vieille histoire de BHV qui date de 2010.
Le globish est devenu la langue de communication et d'interface quand il y a une centaine de langues et de nationalités qui y véhiculent tous les jours en provenance de tous les horizons européens jusqu'au grand Sud africain. Revendiquer des valeurs chrétiennes est aussi dans la case plus ou moins obsolète.
Après le match Belgique-Portugal et son résultat 1-0, c'est au tour de l'Italie.
Vendredi, un nouveau match de foot entre l'Italie et la Belgique qui pourrait départager par les idées des souvenirs et de l'actualité comme le faisait Adamo. (clic)
Les souvenirs sont revenus ce 23 juin avec le 75ème anniversaire de la signature des "accords charbon" entre l'Italie et la Belgique.
En 1946, la Belgique cherchait alors à relancer son économie ravagée par la dernière guerre. Le charbon recherché dans les mines était la seule source d'énergie disponible. En 1956, la catastrophe du Bois du Cazier mettait fin à l'expérience des mines de charbon.
Le risque est que la devise belge "L'Union fait la force" évolue par "l'Union fait la farce", mais pas uniquement en Belgique.
Le Science et ses 11 millions de virologues
Les scientifiques sont donc descendus de quelques points dans l'estime de la population à cause d'une crise de confiance.
Dans le Nord, Marc Van Ranst était même devenu la bête noir et a dû être protégé et caché, menacé de mort par Jurgen Conings. Il a pu regagner son domicile quand on l'a enfin retrouvé mort et suicidé.
Dans le Sud, ce furent des virologues, des épidémiologistes qui ont été invités sur tous les plateaux de télé et donnaient des avis contrastés et perturbants pour la population.
Chez eux, une crainte d'influencer et d'être interprété s'est manifestée en pleine recherche dans sa fragilité dans le "peer reviewing".
Le problème, c'est que le discours semble passer avec peu de matière alors que l'espoir est gigantesque à l'autre bout. Marius Gilbert : https://youtu.be/4-UBNfnlTK4 .
Au départ, leurs messages étaient devenus comme parole d'Evangile sur ce Covid inconnu mais ils sont devenus en pleine contradiction dans des versions différentes qui évoluent en permanence dans le temps pour établir un diagnostic et qu'ils avaient à chevaucher avec leur interprétation. La médecine n'est ni une science appliquée, ni une science exacte reliée aux chiffres à part par le suivi des graphiques.
La crise de confiance s'est amplifiée ainsi avec le Covid envers la Science.
Sur les réseaux sociaux français d'Agoravox.fr, ce sont les autorités politiques qui font les choux gras des complotistes et des râleurs.
La faible participation aux élections départementales et régionales est de ce fait paradoxale.
Des acteurs opportunistes comme Didier Raoult se sont infiltrés dans la brèche avec des médicaments miracles arrivés par l'imagination et la volonté de casser le ronron des scientifiques.
Dire que c'est un ego exacerbé qui est à la base et les défenseurs de causes perdues se réveillent d'une seule voix horrifiée. Le livre de Marie-France Etchegoin explique parfaitement "Raoult, une folie française" où un scientifique peut arriver dans ces interprétations pour sortir de l'anonymat.( clic)
Dimanche, Pasquale Nardone a expliqué comment repérer une fausse étude scientifique (clic).
Il leur faut d'abord réduire les mensonges qui se retrouvent ensuite dans les médias de la presse officielle, de révéler que le Covid n'avait rien de particulier et que les vaccins étaient de vrais vaccins pour contrer les complotistes qui sortent souvent de leur tanière pendant le télétravail. La liberté d'expression n'a fait qu'ouvrir une nouvelle boîte de Pandore de l'imaginatif et de l'auto-fiction.
La plume de Thomas Gunzig s'adresse d'ailleurs au Ministère des complots . ( clic)
Si en Belgique, il y avait "11 millions de virologues" d'après le titre d'un des paragraphes qui révèle le sondage, c'est à croire qu'ils ont pris la technique des virus pour se multiplier sous forme de de sectes parce que les sites belges (quand il en existe), sont plutôt cool.
Le paradoxe France-Belgique continue en Belgique quand on se rappelle que la participation aux élections est obligatoire.
Pour se remettre sur pied, faudra espérer changer de crèmerie ou commander de la crème pâtissière plus douce supplémentaire à la crèmerie du coin pour entartrer quelqu'un ou quelque chose ?
Parler science, c'est parler de biais cognitifs ( https://youtu.be/B_rStLPDn3c )
George Bernad Shaw disait : "Nous avons toujours la foi, mais ce que nous attendions d'un dieu, nous l'attendons aujourd'hui de la science médicale". Cela arrivera peut-être dans le futur, mais c'est un peu prématuré.
Alors, parler de politique au bureau et pas en télétravail devient presque obligatoire. Au bureau au moins, on voit les mimiques de son interlocuteur ou adversaire et avec un peu de psychologie, on peut en déduire beaucoup.
Ce n'est pas de la guerre dont il parle, mais comment construire la paix lors d'un conflit d'opinion ou d'idéologie.
Vidéo Doit-on parler politique au bureau
Quel est le plus grand homme scientifique belge ?
Il n'aura très certainement pas de lien avec un homme grand...
Allusion
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