« Simplifier partout où c’est possible, l’action publique »
En marge de son récent discours sur la situation sanitaire du pays, le Président de la République a parlé de réforme de l’Etat et de simplification du mille-feuille territorial
Joindre Etat et Collectivités est pertinent tant les deux sont liés au point que les secondes, malgré la décentralisation, fonctionnent toujours sous le regard de l’Etat, que ce soit en matière d’exercice des compétences transférées, ou de financements.
Inflation législative et réglementaire
Depuis 1982, pas moins de 38 lois (transferts, nouvelles répartitions de compétences, création d’intercommunalités, amélioration de la décentralisation, modification de territoires ou de circonscriptions…) ont été votées, (sans parler des décrets), rendant le dispositif illisible.
Une nouvelle loi est dans les tuyaux, comme si on avait encore besoin d’en rajouter dans la pile : la loi 3DS, superbe sigle comme on les aime chez les communicants et qui signifie : Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification…. Tout un programme !
Pour ma part, quitte à qualifier la décentralisation dans son ensemble, je traduirais par : Déresponsabilisation, Dépenses, Dispersion et Sanction (dans les urnes)
Le leurre de la décentralisation
A la suite d’un colloque tenu en 1978, Jacques ATTALI, en parlant de décentralisation et en ajoutant qu’elle était un leurre, disait qu’elle était une nécessité pour deux raisons :
- Il est préférable à tout système social qui gère une crise de faire partager au maximum la responsabilité de la crise à un grand nombre d’acteurs du débat social plutôt que d’apparaître comme le point central.
De là découle la technique de gouvernance du « tous responsables » que nous connaissons encore, sauf que la dilution de la responsabilité ne joue plus le rôle d’amortisseur de crises. Les citoyens ne votent plus et revendiquent, parfois de façon violente, jusqu’aux portes de l’Elysée.
- La seconde concernait les lieux de gestion décentralisés qui permettent de mieux gérer et de mieux adapter la décision à l’information disponible.
Sur ce point, le système qui a bien fonctionné au début et qui a permis d’améliorer notablement la gestion antérieure de l’Etat, s’est fracassé sur la multiplication des structures et à la modification des limites territoriales, à la dispersion des moyens, au tarissement de la ressource financière et à la multiplication des décideurs. Les acteurs économiques locaux ont, quant à eux, bénéficié du système, en jouant parfois de leurs relations privilégiées auprès des élus.
La France Jacobine
Faute d’interlocuteurs reconnus, disposant de moyens adaptés et cohérents susceptibles de répondre aux difficultés vécues dans les territoires, que ce soit en matière de mobilités, de réseaux, d’accès aux services publics ou bien encore de déserts médicaux, les citoyens n’y croient plus et ne votent plus. Pire encore, les cahiers de doléances écrits pendant le fameux « Grand Débat » croupissent dans des archives sans qu’elles aient été lues.
La France, soi-disant décentralisée, est surtout jacobine, et tout, même les difficultés du quotidien, remonte à Paris transformant l’Etat en super Conseil Général.
Les grands corps de l’Etat ne sont pas étrangers à ce dévoiement de la décentralisation.
Des coûts qui explosent
En 40 ans de décentralisation brouillonne, les coûts de fonctionnement ont explosé. A chaque transfert, à chaque nouvelle répartition entre collectivités, on a recruté sans pour autant diminuer totalement les coûts dans les anciennes structures. On a souvent eu recours à des cabinets d’experts pour traiter des dossiers en oubliant que les fonctionnaires territoriaux avaient la capacité de les mener à bien, ou à de la gestion déléguée (association, entreprises privées) pour des services publics, sans toujours être trop regardant en matière de contrôle de ces délégataires. Enfin, la multiplication des territoires et des intervenants (y compris l’Etat) et la pêche aux subventions ont complexifié, renchéri et freiné la mise en œuvre de projets, mis en lumière les querelles politiques et les coûts induits par la présence de services doublonnant dans chaque collectivité.
L’inefficacité du système est patente et tout cela coûte très cher au contribuable.
« La seule solution est de continuer à bousculer le système et les positions établies, les rentes, les statuts ». (Dixit le Président de la République lors de son discours).
Reste au Président, s’il est sincère, à convaincre les élus sur lesquels repose le système…
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