Boues noires et boues rouges (Deux films : Digger et Rouge)
Deux histoires très proches mais deux films bien différents. Digger (l’excavatrice) est le premier long métrage du Grec Georgis Grigorakis.
La lutte d’un village et notamment du solitaire Nikita contre le monstre, une mine dont l’excavatrice est l’instrument, qui détruit la forêt pour tracer sa route. Dés les premières images, sous la pluie, Nikita doit se battre avec sa pelle et sa brouette contre les boues qui menacent d’emporter sa maison dans la forêt. La population du village est divisée entre ceux qui vendent leurs terres pour aller ailleurs vivre une autre vie ou s’embauchent à la mine et ceux qui comme Nikita veulent continuer leurs activités traditionnelles. Ce qui pose un problème à Nikita quand son fils, Johny, qu’il n’a pas vu depuis 20 ans, arrive sur sa rutilante motocyclette pour récupérer la moitié de la propriété que sa mère lui a léguée par testament. D’où un conflit d’intérêt entre le fils qui veut récupérer son bien et partir et qui va même travailler à la mine sur l’excavatrice… et le père qui veut conserver la forêt et sa vie sur la ferme...
Dans Rouge, deuxième film de Farid Bentoumi, Nour (lumière) est embauchée comme infirmière dans la mine où son père travaille. Cette entreprise a des problèmes car ses activités sont très polluantes, des boues rouges… Et dans son activité, Nour prend conscience que ce n’est pas seulement la nature qui est en danger mais aussi les travailleurs, accidents, maladies sont minorés ou même pas déclarés avec la complicité de toute la hiérarchie et des ouvriers, notamment de son père, ouvrier d’influence, pour défendre leur emploi. Ici aussi, conflit familial et de génération.
Mais au-delà de ces parentés, les films sont bien différents. Différence de pays ? Différence d’époque ?
Digger, c’est une entreprise, une machine conquérante qui bouleverse la vie d’un pays, des hommes, des paysages. Et le conflit entre deux hommes le paysan traditionnel, déjà vieux, solitaire, qui résiste et son fils qui revient d’ailleurs pour prendre sa part et repartir. Mais le père, et peut-être la jeune femme qui tient le bistrot du coin lui font reprendre contact avec la forêt et une vie plus authentique, celle de son enfance. Lors du premier contact avec son père, le jeune lui demande une cigarette. Dans la dernière scène, c’est son père qu’il vient de sauver de l’enlisement avec l’excavatrice qui la lui demande... et le fils plante sur les débris de la maison qu’il a détruite le panneau que le père avait préparé disant le refus de vendre.
Rouge est presque un documentaire, un film militant d’ici et de maintenant. La fille d’une ouvrier d’origine maghrébine, infirmière, travaillant dans l’entreprise de son père joue, contre tous, la lanceuse d’alerte notamment à partir de ses constatations professionnelles et s’allie avec une journaliste (une femme) écologiste… Ce n’est plus père-fils, mais père-fille, ce n’est plus le refus de la mise en cause d’un mode de vie d’un individu marginal ou d’une petite communauté consciente de sa proche disparition mais la défense de travailleurs aliénés malgré eux et de l’intérêt général contre une fausse modernité industrielle...
Le rouge, c’est la boue polluante. Le rouge n’est plus du côté de la révolution. Mais du côté d’une alliance du patronat et des travailleurs pour défendre les profits des uns et l’emploi des autres avec la présence discrète d’un panneau de la CGT. Dans Digger, les boues sont noires et les images plutôt sombres, dans un climat très pluvieux loin des visions touristiques de la Grèce. Même s’il y a de belles images des montagnes, de la forêt, des arbres…
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