Macron exporte les emmerdements et importe l’anglais !
Depuis la petite phrase du président Macron, disant son envie « d'emmerder les non-vaccinés » , les forums de traducteurs professionnels et les médias du monde entier bruissent d'interrogations et de commentaires : « Comment traduit-on « emmerder » ? », « A-t-il vraiment dit ça ? », « A-t-il insulté ses concitoyens ? », « Est-ce une insulte scatologique ? », voire « Les Français sont-ils vraiment dans la merde ? »
Saluons l'exploit : quand d'autres travaillent des années pour faire connaître le savoir-faire français, luxe, roquefort, champagne, vins, etc., notre président, lui, d'une phrase - que dis-je, d'un mot, d'un seul - a fait revivre dans le monde entier le génie de la langue française ! Il a rejoint d'emblée le « Casse-toi, pauv' con ! » de N. Sarkozy, déjà entré dans Wikipedia.
En outre, cela met en lumière une profession méconnue, la traduction, ces artistes de l'ombre : si un artisan refait peu ou prou les mêmes objets (exception faite de quelques métiers comme la verrerie), une traduction diffère de celle d'un confrère, elle est unique – des droits d'auteur leur sont d'ailleurs reconnus.
Et cette phrase en illustre la difficulté : il s'agit de trouver l'équivalent, un mot ou expression qui soit dans le même registre de la langue, et avec la même intensité. En français, « emmerder », « être emmerdé », « emmerdeur » ne sont pas scatologiques, car si l'étymologie est transparente et connue de tous, le verbe ne fait pas surgir mentalement l'image d'excréments ! Il faut également la même intensité : « Je vais faire chier ces anti-vax ! » eût été plus grossier, et « Je vais leur pourrir la vie ! » - plus agressif. Le même verbe, mais en adresse personnelle, est lui aussi beaucoup plus agressif, dans le très (trop) apprécié des Français "Je t'emmerde !" Tout est donc dans la nuance.
Mais pour avoir une bonne traduction, il faut du temps et payer le travail à sa juste valeur. En Russie, par exemple, à l'époque instable des grands changements économiques de l'ère Elstine (encore qualifiée de grande braderie...), on a vu surgir de très mauvaises traductions des romans et des Astérix, faites à la va vite pour répondre aux attentes des lecteurs et, qui plus est, souvent à partir d'une traduction anglophone ! Or, jeux de mots et références culturelles sont aussi difficiles à traduire que l'argot et ses variations, et en cas de retraduction à partir d'une autre langue, la trahison de l'original peut être conséquente.
Accessoirement, on mesure à cette occasion à quel point la traduction automatique est loin de pouvoir prétendre à la traduction littéraire.
Mais si notre président a exporté le génie de la langue française, il ne l'a pas fait tout seul, car emmerdeur et emmerdés, les uns ne vont pas sans les autres ! Un emmerdé sans tortionnaire ne l'est pas tant que ça, tandis qu'un emmerdeur sans victimes... s'emmerde !
Je me comprends mais pour être plus clair, filons la métaphore : pour que les Français soient dans la merde, il faut un peu des deux, des Français et... des "emmerdes" !
Soyons fiers de cette coopération du président et des non-vaccinés qui, tous ensemble, ont à nouveau fait rayonner l'esprit français – un peu en berne ces derniers temps, d'échec australien en drapeau européen sous l'Arc de Triomphe...
Malheureusement, ce sursaut francophile macronien a été gâché par la plainte de l'Académie française contre les mentions bilingues français-anglais sur notre nouvelle carte d'identité.
Certains médias ont jeté un voile de silence sur ce sujet tabou, ou ont réussi à en parler longuement sans évoquer la question de la communication dans l'UE... Heureusement, d'autres en en explicité tous les aspects, comme ce papier de l'Express (bravo !), qui rappelle que la France est allée plus loin dans l'anglicisation que ce que demandait l'UE, et que d'autres pays ont honoré le multilinguisme européen en ne choisissant pas la langue d'un pays qui nous a quittés, mais celle d'autres pays membres.
Bravo à l'Académie, donc ! Encore un effort, et nos médias diront la vérité : l'anglais est imposé de fait à nos enfants, illégalement (la loi prévoit l'initiation aux langues étrangères), et l'anglais est de fait la langue de communication de l'UE, sans qu'il y ait eu l'ombre d'un débat, d'un vote ou d'une étude technique sur le sujet, tandis que les textes prévoient le multilinguisme.
Si jamais, God nous en garde, la présidentielle voyait au second tour un affrontement Macron-Pecresse, deux candidats atlantistes et anglophiles (Mme Pecresse est deux fois lauréate du prix parodique « La Carpette anglaise »), comme E. Macron, faites valoir le génie français : plutôt que de vous rendre au bureau de vote, ne vous emmerdez pas : allez à la pêche !
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