Le Grand Remplacement
Le ‘grand remplacement’ est une théorie du complot d'extrême droite introduite en 2010 par l'écrivain Renaud Camus et qui, en reposant sur des principes xénophobes et racistes, affirme qu'il existerait en France un processus de substitution de la population française et européenne par une population non européenne, originaire en premier lieu d'Afrique subsaharienne et du Maghreb. (WikipédiA)
Il n’est évidemment pas question de remettre en cause cette définition qui fait autorité et qui est rendue inattaquable par la quasi-totalité des mots clés habituellement utilisés pour discréditer tout contradicteur : complot, extrême droite, xénophobe, raciste (il manque cependant antisémite probablement par pure distraction).
Plus sérieusement, il suffit de faire quelques pas dans n‘importe quelle rue de la capitale (ou d’ailleurs) pour se rendre compte que des changements sociologiques très importants distinguent ce qui est de ce qui était, sans qu’il soit d’ailleurs nécessaire de déterminer si c’est un bien ou pas. Le caractère bénéfique ou maléfique dépend du dessein ou des opinions, ce qui n’est pas important.
En 1981 la France avait déjà une natalité qui ne pouvait pas maintenir le niveau de sa population. Chaque femme avait en moyenne 1,94 enfant. Le taux de chômage était de 6% et il y avait de l’ordre de 3,6 millions d’étrangers sur son sol. La même année G. Marchais déclarait : « Nous posons les problèmes de l’immigration. Ils crient au Pétainisme ! Quelle idée se font ces gens là des travailleurs : bornés, incultes, racistes, alcooliques, brutaux… »
Dès cet époque, la classe ouvrière et le parti qui le représentait le plus fidèlement (le parti communiste obtient de l’ordre de 20% des voix) ne distinguaient pas clairement les avantages d’une immigration importante. D’autres, pour la faciliter, étaient prêts à utiliser le pire des argumentaires. Ce cadre de non-pensée perdurera jusqu’à nos jours.
Il ne fait guère de doute qu’une croissance économique importante est difficilement compatible avec une contraction de la population à moins d’obtenir des gains de productivité considérables. L’adjonction d’éléments exogènes semblait donc s’imposer en France. Pourtant les ébranlements dus aux chocs pétroliers de 1973 et 1979 avaient fait entrevoir pour les plus éveillés que le dogme d’une croissance infinie avec un capital d’énergies fossiles fini était un pur non sens. Le temps était venu à la sobriété terme utilisé pour adoucir un réel douloureux qui devait inéluctablement se produire : un accroissement de la pauvreté pour les plus démunis avec dans le même temps une augmentation des inégalités et des moyens de répression pour maintenir l’ordre. Mais la mise en oeuvre massive d’une vie à crédit retarda de quelques dizaines d’années l’apparition du phénomène.
Le refus de l’immigration, ou pour le moins un encadrement extrêmement strict, a été choisi par le Japon. Le Japon n’a presque pas d’immigration illégale grâce à son insularité mais aussi grâce à une traque sans répit des clandestins. La fécondité en France et au Japon était peu différente entre les années 1975 et 1985. Une baisse rapide de la natalité au Japon surviendra par la suite. Le contingentement rigoureux de l’immigration conduira à une augmentation très modeste de la population japonaise de 112 millions d’habitants en 1980 à 124 millions en 2020 (après avoir culminé à 128 millions en 2010), soit une augmentation de 10,7% à comparer avec l’augmentation de la population mondiale de 74,5% dans le même temps (23,8% en France). Le Japon a choisi de vivre en très grande partie en vase clos pas seulement pour les populations mais aussi pour son économie. Ainsi, le Japon se prête à lui-même dans sa propre monnaie. Il ne doit donc rien, ou pas grand-chose, au FMI. Cette façon de procéder a probablement des avantages mais aussi à quelques inconvénients : les semaines de travail de 70 heures ne sont pas rares, des projets de loi ont été adoptés pour laisser travailler les employés jusqu’à 70 ans. Cette approche qui est qualifiée de rabougrissement par certains n’a pas conduit à un désastre économique puisque le PIB engendré par habitant est pratiquement le même au Japon et en France (autour de 45 000$ PPA).
La France, apparemment au nom de valeurs morales mais il faudra y revenir, a choisi d’ouvrir assez largement ses frontières ce qui fait que son essor démographique fut assez important, ce qui la place en terme de démographie largement au delà de l’Allemagne ou de la moyenne de l’Union Européenne. Son économie est dans une situation proche de celle du Japon. Le déficit public Français pour 2020 s’établit à 211,5 milliards d’euros, soit 9,2 % du produit intérieur brut (PIB), celui du Japon atteint 8,5% du PIB.
D’après l’INSEE, en 2018, 4,8 millions d’étrangers et 6,5 millions d’immigrés vivaient en France, soit respectivement 7,1 % et 9,7 % de la population totale. Au Japon, résident 2,7 millions d’étrangers soit 2,2% du total. L’homogénéité relative des populations est clairement différente au Japon et en France et n’a pas abouti à des résultats économiques immensément différents.
Restent les problèmes de sécurité.
Le Japon est connu pour être un pays sûr, et si, par exemple, vous oubliez un objet dans la rue, vous le retrouverez très probablement au même endroit un peu plus tard, les enfants même très jeunes rentrent seuls tard de l’école, les vols à la tire y sont pour ainsi dire inconnus... Il existe toutefois des exceptions : des pickpockets se trouvent près des lieux touristiques. Se promener le soir ne pose aucun problème mais aller déambuler dans le quartier des bars peut se révéler risqué. Au delà des impressions, le nombre d’homicides pour 100 000 habitants est presque 3 fois moins important au Japon qu’en France. La peine de mort par pendaison existe au Japon et en décembre 2021 trois personnes ont été exécutées après avoir été condamnées pour des doubles homicides. Après le temps de l’Armée rouge japonaise et de quelques autres organisations dites criminelles qui firent des attentats jusqu’au tout début des années 2000, il n’y eut plus d’actes terroristes significatifs par la suite. Le chapelet des attentats en France n’a pas connu d’interruption depuis 1980, l’un des points culminants se produisit en 2015 au Bataclan avec 129 morts.
Mais les plus grandes différences entre nations ouvertes et nations fermées ne peuvent pas se décrire en ces termes.
Il existe au Japon un ‘esprit japonais’ le Yamato-Damashii qui désigne les valeurs spirituelles et culturelles du peuple japonais par opposition aux valeurs des pays étrangers. Il existe un empereur du Japon, rôle devenu symbolique mais qui reste important comme rassembleur et image de la Nation. L’actuel premier ministre est conservateur et nationaliste. Il s’est prononcé en faveur de la relance des centrales nucléaires et défend une augmentation des dépenses militaires, il voit en particulier la Chine comme une menace. Conservateur, il est opposé à la légalisation du mariage homosexuel et au droit pour les femmes mariées de conserver leur nom de jeune fille.
Existe-t-il encore un esprit français du même ordre ? Il est possible d’en douter tant les injures, les amalgames, les préjugés émaillent toute discussion entre les uns et les autres. Les institutions et les structures qui se créent tendent à distendre les liens nationaux qu’il est devenu dangereux de défendre ou de mettre en avant. Il est parfaitement exclu de pouvoir dire que l’immigration a été utilisée non seulement pour abaisser les conditions salariales offertes aux résidents, mais aussi elle a surtout été utilisée pour diviser les français afin qu’une infime minorité de nantis puisse asseoir sa prééminence sur les ‘gens-qui-ne-sont-rien’. Tout le monde est conscient maintenant que l’heure des sacrifices et de la sobriété arrivent à grandes enjambées : les nouveaux arrivés ayant soufferts les pires malheurs dans un passé récent sauront peut-être mieux supporter que les autres les afflictions qui s’annoncent.
60 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON