Extrême-droite et droite : Sauver la face, la comédie doit continuer pour les porteurs de mandats et les états majors qui en vivent
Où est passée la démocratie ?
Réglons d’abord un problème de vocabulaire, la droite, c’est l’ensemble des forces politiques qui gravitent autour du centre de gravité représenté par Emmanuel Macron, délégué du moment des forces économiques et financières qui dominent notre aire économique et qui subordonnent pour l’essentiel le pouvoir politique.
A partir de cette trame, les réseaux, les intérêts personnels, les égos s’en donnent à cœur joie avec les étiquettes et les postes. C’est aussi une formidable machine à égarer, éparpiller les citoyens et subvertir les aspirations démocratiques et sociales qui cherchent une issue politique. L’extrême-droite bien sûr a une place de choix dans cette mise en scène.
Le stratagème a presque marché mais il est parvenu au point où il devient de plus en plus difficile d’en cacher les mécanismes, les effets délétères et leur relative efficacité en train de se gripper. Les petits jeux aussi des acteurs puissants ou insignifiants. Qui en jouent en devant recourir à de nouveaux tours de passe (comme le combat des extrêmes-droites mitonné dans la chaîne d’info d’un parrain du CAC 40) afin de détourner l’attention d’évidences économiques, sociales, démocratiques et de leurs causes profondes qui attendent dans une impatience tendue une authentique solution politique et démocratique. Qui sont obligés d’avoir recours à des éléments de langage et d’explication outranciers et provoquants, des peurs malsaines, des procédés tordus qui repoussent les limites du politiquement correct maintenant testées en permanence, s’appuyant sur un bluff inquiet et agressif de plus en plus perceptible afin de donner le change. Et détourner les colères et exaspérations d’un mouvement social qui traverse toutes les couches de la société et que l’on cherche à diviser et affaiblir en espérant le dissoudre ou l'épuiser.
France Inter (25/04/22) La chronique étrangère d'Anthony Bellanger.
- El PaÏs de Madrid s’en prend lui au système électoral français… A ce qu’il appelle « la crise grave de la représentativité démocratique » : « à cause du vote majoritaire à deux tours, le Rassemblement national de Marine Le Pen est, de fait, un parti paria, sans groupe parlementaire et comptant seulement une dizaine de villes sur les 36 000 communes de France. »
- Le Corriere de Milan reprend le même raisonnement mais avec un angle original, celui de la chance ! « Comme disait Napoléon, en politique, la chance est plus importante que l’habileté et l’intelligence. La « chance » d’Emmanuel Macron est d’avoir affronté pour la seconde fois sa meilleure ennemie, la cheffe de l’extrême-droite, Marine le Pen ».
- la Suddeutsche Seitung : « ouf ! ». Un « ouf » de soulagement que la Frankfurter Allgemeine Zeitung, cette fois, tente de positiver en expliquant que « la victoire d’Emmanuel Macron en cette année sombre est la meilleure nouvelle depuis longtemps pour l’Allemagne ».
-TagesZeitung : « Emmanuel Macron n’est pas réélu parce qu’il a été convainquant. Il doit sa victoire à son adversaire Marine Le Pen dont l’extrémisme, la démagogie et l’incompétence manifeste ont donné au président sortant les voix qui lui étaient nécessaires ».
-New York Time : « en général, les Français n’aiment pas leurs présidents et aucun n’est parvenu à se faire réélire depuis 2002. Sa réélection, Emmanuel Macron la doit à sa gestion de la crise Covid, à la reprise économique et à son intelligence politique à occuper tout le centre du spectre politique. Et sa victoire claire a sauvé la France du nationalisme xénophobe… même si son capital politique est aujourd’hui plus limité » qu’il y a cinq ans ».
Très instructif. Il y a visiblement des étrangers qui voient et comprennent bien mieux certains aspects de la politique française qu’une partie de nos concitoyens ainsi que bon nombre de journalistes et metteurs en scène de l’opinion publique. Je reprends donc un de mes posts d’avant les élections.
A tous seigneurs tous honneurs.
Un post de la semaine du 18 au 23 avril. « Marine Le Pen est déjà battue. On ne peut pas dire que le mercredi soir du débat elle respirait l’optimisme et l’enthousiasme. Les officiels et les militants de l'extrême-droite et les petites mains eux ne peuvent que donner le change. Certains parmi les soutiens sincères pousseront leurs croyances et les illusions qu'on leur a vendues jusqu'au bout en retardant le moment de la déception et entretenant l'espoir. Cela se comprend et est respectable. Les officiels, les militants, les petites mains assureront-ils le service après-vente ? »
Ce qui est beaucoup moins respectable, c’est le sale boulot des premiers sans qui ce stratagème ne serait pas possible au vu de la partie de plus en plus serrée qui se joue au premier tour. MLP s’est retrouvée de nouveau au second tour pour une différence 0.87% des inscrits avec JLM. Avec les compliments et le soulagement de la macronie. Pour attraper beaucoup de poissons, il s’agit d’amorcer avec toutes sortes d’ingrédients variés quelquefois incompatibles au point que certains le sachant refuseraient de s’asseoir à la même table mais peu importe, du moment que cela marche.
La bêtise est ici souvent virulente pour justifier l’absence d’argument, l’injure agressive est utilisée à l’occasion comme préalable, la xénophobie de moins en moins affichée prudemment mais sous-entendu dans un clin d’œil à l’occasion, la caricature, une des spécialités maison avec le lien hors sujet en prime qui dispense de construire une réponse. La caricature des personnes est pratiquée comme un sport ou un jeu de salon pour satisfaire la variété des goûts et surtout détourner de la réalité des faits, de la réflexion et susciter des réactions négatives. Viscérales si possible. Une recension des amabilités auxquelles a eu droit JLM comme un code de reconnaissance entre initiés ferait un article complet sur le sujet de la caricature en politique comme détournement du débat démocratique.
La survalorisation d’informations tronquées faisant écran et barrage à la réflexion, la désinformation au moyen de la sélection d’informations décontextualisées ou partielles, le trucage et biaisage de sondages sans pouvoir se passer de l’incontournable série de robustes mensonges répétés à l’infini parce que cela, comme chacun le sait, laisse toujours des traces, sont l’essentiel de la trame. Le primat est donné à la simplification, l’émotion et l’indignation sur l’information et l’explication avec l’éternel pari pris en commun entre la droite et sa cousine turbulente mais si utile l’extrême-droite, pari sur l’ignorance et la bonne volonté réputée naïve de nos concitoyens. La défense molle (c’est du travail et ce n’est pas trop le genre de la maison) d’un programme de dernière minute comme un panier garni bon marché (pourquoi faire plus pour des électeurs présumés peu difficiles) mais qui met quand même la candidate en difficulté de défendre les éléments et la cohérence de ses propres propositions sociales et économiques en face de son supposé meilleur adversaire. La facilité choisie de miser sur le rejet de sa personne ayant été jugée largement suffisante. Un indice quand même sur les motivations et la qualité de l’encadrement et des conseillers installés dans le confort des mandats du RN.
Pari sur le poids écrasant de la propagande médiatique qui joue au chat et à la souris avec l’extrême-droite pour la mettre en lumière laissant ainsi opportunément dans l’ombre les véritables enjeux d’une élection présidentielle et la réalité politique de la situation et des forces en présence.
Pari portant sur le peu de temps disponible pour s’informer, la tentation de réponses simples et rapides et la prégnance du quotidien qui rendent souvent plus difficile la prise de recul pour bon nombre de nos concitoyens quand ils passent l’essentiel de leur temps à essayer de joindre les deux bouts. A vivre dans l’humiliation sociale de ne pas avoir de travail ou de pouvoir en vivre dignement ou d’habiter dans des quartiers de relégation. Pari aussi sur la résignation entretenue d’une partie d’ entre-eux, invisibilisés ou qui n’ont droit qu’à des compassions ou des désignations menant à l’infériorisation. Populations défavorisés, cas sociaux, habitants des quartiers, jeunes de banlieue, quand on reste dans le registre du politiquement correct.
Pari sur les tensions et désordres, conséquences de la promiscuité engendrée par la création de ghettos de pauvres et d’immigrés, terrains de jeu de l’islam politique et rente électorale de la droite et l’extrême-droite.
Et surtout continuons de jouer la comédie.
Elections pliées donc une nouvelle fois, résolument à côté de nos attentes au moins de formes démocratiques dans un affront de plus à notre impuissance de citoyen. Plutôt que tous ces sondages, cet argent gaspillé pour des supputations concernant des qui ne sont même pas candidats à qui on fabrique des pourcentages sur mesure afin d’annoncer l’ouverture de la foire, à quand des enquêtes sur nos attentes vis-à-vis du fonctionnement de nos institutions, de la préparation des élections et des règles souhaitables bien en amont ? Tant pis, les couloirs du temps nous menant à la soumission à l’UE et à l’OTAN (affaiblissement de notre diplomatie, renoncement de notre place au Conseil de Sécurité, dispersion de notre industrie de l’armement…), la préservation de la prédominance de la rentabilité financière au dépens de la valeur et la dignité du travail, de l’aménagement des territoires et de la bifurcation écologique, sont laissés bien ouverts grâce aux manœuvres de survie de minorités dirigeantes et de leurs mercenaires de l’extrême-droite se faisant passer pour des opposants. Quelle pignolade.
Il s’agit donc bien entendu pour ce genre d’opposants de se réjouir du résultat dans leur for intérieur tout en donnant le change pour la suite. Les sondeurs avec le goût de participer à la construction de l’opinion publique et surtout poussés par la concurrence qu’ils se font auprès de la presse et des politiques pour placer leurs prestations finissent par mettre à jour des situations dérangeantes de nature à attirer l’attention sur le parasitage de la vie démocratique et qui y contribue pour l’essentiel et à qui cela profite-t-il. C’est accablant mais en fait peu relayé comme tout ce qui dérange vraiment. Qui va voir ou a le temps d’aller voir les 33 tableaux qui constituent un sondage ?
Empressés et sans pause, une fois l’élection pliée, militants et petites mains, s’emploient à effacer leurs traces pour lancer de nouvelles fausses pistes en faisant semblant d’être d’accord avec tous ceux qui déplorent la victoire de celui pour qui ils avaient organisé la comédie de la rébellion pour livrer bien préparés le quota suffisant d’électeurs utiles aux jeux de l’arène médiatique et politique du second tour (c’est facile avec l’aide des médias, il en faut peu en fait). De super caméléons pour la plupart, qui donnent le change, plein de l’aplomb de qui est parvenu à ses fins et quelques autres, plus timides ou moins culottés, craignant la queue basse la brûlure d’un retour de flamme et qui tentent prudemment un petit jappement bien placé pour rester dans la ronde.
La comédie va-t-elle pouvoir durer encore longtemps ?
La comédie va-t-elle pouvoir durer encore longtemps alors que le coup de pouce salvateur a été donné une nouvelle fois à son partenaire de jeu la droite depuis plus de 20 ans maintenant essentiellement par l’extrême-droite et ses combinaisons et pseudos combats, boostée par les médias et des sondages truquées dès le 1er tour ? Pour rappel, MLP est qualifiée pour le second tour avec 16.69 % des inscrits devant JLM qui représente 15.82% (23.15 et 21.95 en exprimés). A quoi cela tient ? Pas à la démocratie ni à la qualité du travail des médias. Pas de débat démocratique au 1er tour. Donc pas de véritable débat démocratique au second non plus. Et nous sommes censés dépendre de ces gens-là et les respecter. Sommes-nous encore des citoyens ?
La comédie va-t-elle pouvoir durer encore longtemps ? Pas si sûr. Personne n’a dit son dernier mot et pas sûr que le stratagème ne subisse pas le déraillement salutaire. Cela dépend de nous et un peu de notre capacité à déjouer le sale boulot de qui vous savez et de ses jeux pervers avec la sphère médiatique.
A suivre.
Repères :
● 2022, comprendre le vote des français, second tour ( 4000 personnes, enquête du 21 au 23 avril).
https://www.ipsos.com/fr-fr/presidentielle-2022/second-tour-lapres-scrutin
● Devoir de mémoire des 160 scandales de la gouvernance Macron.
● 10 leçons sur les sondages politiques.
https://tempspresents.com/2022/02/20/sur-la-fabrique-des-sondages
● Bon à savoir pour l’avenir : Comment les sondages ont sous-estimé le score de Mélenchon (13 avril 2022)
https://linsoumission.fr/2022/04/13/sondages-sous-estime-melenchon
● A lire ou relire avec profit, comparaison méticuleuse entre le programme social de LFI et de Marine Le Pen, présentation simple et accessible de la rédactrice Carnac d’Agoravox après l’incapacité de MLP de défendre ses propres propositions économiques et sociales devant son pseudo adversaire lors du débat du second tour.
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/peut-on-etre-de-droite-et-sociale-240574
● A lire ou à relire pour le plaisir, revigorant « La classe dominante a besoin que l’on se croit trop con pour prendre sa place »
https://www.frustrationmagazine.fr/gens-sont-cons
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