Les listes transnationales européennes et la post-démocratie
Les listes transnationales européennes et la post-démocratie.
Avec cette réforme, annoncée par les institutions « européennes », un pas supplémentaire est franchi dans la mise en place de la société post-démocratique.
Dans les conceptions d’un autre temps, les populations civilisées étaient régies selon la règle de Lincoln : « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Règle dont la mise en œuvre passe par l’élection.
- Election qui est censée permettre au peuple de choisir des dirigeants qui les « représentent », et à travers eux ou directement (par référendum quand il existe) de choisir le contenu des décisions qui seront ensuite imposées aux citoyens.
- Election qui donne la légitimité aux dirigeants et aux décisions que ceux-ci prennent. Double légitimité qui exclue la possibilité de contestation et de la personne des dirigeants tant qu’ils sont en place, et du contenu des décisions que ces derniers prennent.
Argument de la légitimité qui est très utile pour faire se tenir tranquille la « populace » (partie du peuple à la fois méprisée et redoutée de temps immémoriaux) quand ladite « populace » s’aperçoit que l’usage de leurs prérogatives par les dirigeants lui pose des problèmes de niveau de vie ou de libertés.
Depuis quelques années, « grâce » à F. Mitterrand (traité de Maastricht), N. Sarkozy ( traité de Lisbonne) et l’ensemble de la classe politique française, le peuple ne plus décider de rien du tout, tout en conservant le droit de vote.
Ce « coup de génie » repose sur le fait que la feuille de route imposée aux peuples a été arrêtée une fois pour toutes dans le texte de traités. Doublé par le transfert de la compétence des institutions nationales traditionnelles (gouvernements, parlements) vers des institutions sui generis (1) elles mêmes chargées de dire aux gouvernements ce qu’ils doivent faire.
Et ce qui doit être fait, c’est (traités et décisions des organismes « européens ») : faire fonctionner un système dans lequel capitaux, marchandises, individus circulent librement, sur un immense territoire (sous suzeraineté américaine). Sur lequel les institutions nationales sont priées d’utiliser leurs compétences résiduelles pour déréglementer ce qui faisait l’objet d’une réglementation : droit du travail, droit de la fonction publique – avec des fonctionnaires considérés comme des salariés comme les autres- (2) - . Donner au privé ce qui appartenait aux personnes publiques (services publics). Et, de manière générale, favoriser les affaires, indépendamment de toute considération d’intérêt national ( vente d’Alstom entre autres) .
Mais pour le fonctionnement de cette société nouvelle, les élections sont quand même très utiles. Car elles conservent leur fonction de « légitimation ».
Certes, beaucoup de gens ont compris que l’usage du bulletin de vote était devenu une « plaisanterie » : forts pourcentages d’abstentions et de votes blancs ou nuls ; propositions - de mandat impératif / de révocation d’un élu en cours de mandat, - de référendum d’initiative citoyenne, - de remplacement de l’élection par un tirage au sort, etc …
Mais la plupart des citoyens croient encore à la fonction de l’élection, surtout ceux ( = à peu près tout le monde) qui n’ont pas lu les traités ci-dessus (ni quelques autres). Et qui ne sont pas aperçu que ces textes les avaient dépouillés de la possibilité d’influer sur la politique. Citoyens, ou plutôt « sujets », aidés dans la pratique de l’ignorance, par une propagande habilement menée qui leur fait croire que l’idée de vivre en Europe selon d’autres règles que les règles actuelles est une monstruosité intellectuelle (3).
Mettre en place des listes « européennes », permet de déconnecter encore un peu plus « l’électeur » de « l’élu ». Déjà, avec les listes nationales pour les élections européennes, on ne voyait pas comment il pouvait bien exister un lien « physique » ou de quelle nature que ce soit, entre le citoyen et les quelques dizaines de personnes qui allaient faire le travail que les traités leur demandaient de faire (et, pour certaines, qui avaient besoin d’un « job » dans la politique en attendant de redevenir député ou ministre).
Avec les listes « européennes » les Français seront « représentés » tant par des Français qu’ils ne connaissent pas, que des Allemands, des Polonais ou des politiciens désignés par d’autres chefs de partis, qu’ils connaissent – si l’on peut dire- … encore moins.
Ce sera la négation totale de la notion de « représentation », mais les acteurs de la mise en œuvre de la politique non critiquable, non amendable, bénéficieront d’une légitimité, certes factice, mais opérationnelle.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités.
(1) Dans l’ordre interne, on a vu récemment que la « gouvernance » française avait subi une transformation : la politique sanitaire (entre autres) a été déterminée par le biais d’un contrat associant un opérateur privé ( la firme Mac Kinsey - pouvant être remplacée demain par le forum de Davos ou par toute autre structure regroupant les représentants d’intérêts financiers, industriels, commerciaux, médiatiques, …- ) aux décideurs « officiel ». Les « gens » du gouvernement conférant, selon les concepts théoriques traditionnels, la « légitimité à ce mode de gouvernance. Cependant nullement autorisé ni même envisagé par la constitution.
(2) La suppression des corps des ambassadeurs et des préfets, comme la suppression de l’ENA s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de règles et de la jurisprudence « européennes ». Le Président de la République a oublié de le dire. Ce qui nous donnera l’occasion de la publication d’une note sur ce sujet.
(3) On a vu, au cours de la campagne pour l’élection du président de la République, que la question de ce changement du régime politique n’avait guère passionné les candidats qui concourraient pour le même poste et qui préparaient la suite de leur carrière.
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