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Le très surprenant Jean Dujardin

« Ce qui m’intéresse dans Brice ce n’est pas "Je t’ai cassé" ou "Salut, ça farte ?" que la presse a retenus, c’est ce personnage en attente sur sa planche sur une mer d’huile qui dit : "Le surf, c’est pas un sport, c’est un rêve". » (Jean Dujardin).

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L’acteur Jean Dujardin fête son 50e anniversaire le dimanche 19 juin 2022. On peut le considérer comme un acteur mineur, il n’empêche qu’il est très populaire, du moins dans le sens notoire. Il suffit de regarder sur le site Wikipédia et de rechercher "jean d" : son nom arrive en deuxième position, juste après Jean de La Fontaine, mais avant Jean d’Ormesson, le maréchal Jean de Lattre de Tassigny, Jean d’Orléans (l’actuel prétendant au trône de France), Jean Dubuffet, Jean Desailly, etc.

La raison ? Probablement grâce au film "The Artist" de Michel Hazanavicius (sorti le 12 octobre 2011) où il a obtenu tant le Prix d’interprétation masculine de Festival de Cannes que l’Oscar du meilleur acteur (c’est le premier Français a obtenir cette distinction américaine), sans avoir le César du meilleur acteur (il y est seulement nommé). Un film par ailleurs plébiscité par la critique et la profession de tous les pays. Je n’en sais pas vraiment la raison car il était tourné en noir et blanc, ce qui, de nos jours, est peu lisible, et donne lieu à une histoire très vintage, mais peut-être que cette histoire proche de jeu de Charlie Chaplin (Jean Dujardin a plutôt revendiqué Douglas Fairbanks) a su synthétiser une impression générale de nostalgie du cinéma d’antan (la fin du cinéma muet au profit du cinéma parlant). Le film est remarquablement interprété et multiplie (comme l’habitude du réalisateur) les nombreux clins d’œil de l’histoire du cinéma.

À partir de ce film, Jean Dujardin a été considéré comme un "vrai" acteur autant qu’un "grand" acteur, car il a su interpréter un rôle qui pouvait surprendre. Il faut dire qu’il revient de loin. Surtout connu par son couple formé avec Alexandra Lamy (un couple télévisuel avant de l’être dans le civil), Jean Dujardin faisait surtout figure d’humoriste et même d’humoriste un peu lourdingue. Sa participation aux 438 séquences de "Un gars, une fille" diffusées sur France 2 du 11 octobre 1999 au 16 octobre 2003 (au générique tonitruant) lui a apporté une notoriété extraordinaire. Ces scènes d’humour au sein du couple ont été très appréciées, en particulier par leur nouveauté ("Scènes de ménages" sur M6 a repris la relève) et par les nombreux sujets abordés. Il en a même reçu un Sept d’or en 2001, celui de la meilleure émission de divertissement.

Fort de sa notoriété télévisuelle, entre 2001 et 2011, Jean Dujardin a essayé de percer au cinéma, et ce fut un peu laborieux. Après quelques seconds rôles, il a joué dans "Brice de Nice" de James Huth (sorti le 30 mars 2005), avec Élodie Bouchez, Alexandra Lamy, Clovis Cornillac, Bruno Salomone, Delphine Chanéac, etc. Le film met en scène un personnage fictif créé par Jean Dujardin dans un sketch de 1995 (sur M6 dans "Graines de star"). Il a certes eu beaucoup de succès, avec même des phrases "cultes" ("Je t’ai cassé !") mais j’ai trouvé ce film épouvantable, sans aucun intérêt, lourdingue, ennuyeux, abêtissant… avis partagé par une nomination aux Gérard du cinéma dans la catégorie Pire film. Comme il y a eu un succès commercial, le film a fait l’objet d’un second opus numéroté troisième (sorti le 19 octobre 2016).

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Peu de temps après ce lamentable navet, Jean Dujardin est devenu la star d’un excellent film de Michel Hazanavicius, "OSS 117 : Le Caire, nid d’espions" (sorti le 19 avril 2006), avec Bérénice Bejo (sa future complice dans "The Artist", par ailleurs compagne du réalisateur). L’idée était de faire une véritable parodie cinématographique de la série des James Bond, et elle a été très réussie. Mille clins d’œil sur le cinéma dans ce film très dense avec un humour beaucoup plus sophistiqué et décalé que le lourdingue Brice de Nice. Avec ce film, Jean Dujardin est resté dans la comédie mais au moins, dans la comédie réussie.

Un deuxième numéro a été tourné par le même réalisateur avec Jean Dujardin mais sans Bérénice Bejo, "remplacée" par Louise Monot, "OSS 117 : Rio ne répond plus" (sorti le 15 avril 2009). Même nombreux clins d’œil au cinéma, avec la participation de Pierre Bellemare, le patron des services secrets. Ce deuxième film de la série a été à la hauteur du premier. Ces films parodiques restent encore de comédies légères avec un Jean Dujardin toujours "frimeur".

Ce n’est pas le cas de plusieurs autres films dans les années 2010 où Jean Dujardin devient un acteur très "protéiforme". Ainsi, il a tourné dans "Les Petits Mouchoirs", le film larmoyant de Guillaume Canet (sorti le 20 octobre 2010), chronique d’une bande de copains avec François Cluzet, Gilles Lellouche, Marion Cotillard, Valérie Bonneton, Louise Monot, Benoît Magimel, etc. Rien de comique de cette histoire qui finit très mal pour Jean Dujardin, devenu objet de nouvelles larmes.

D’autres films avec Jean Dujardin frappent par leur particularité. Ainsi, dans "Le Bruit des glaçons" de Bertrand Blier (sorti le 25 août 2010), il est un écrivain fini, alcoolique, dépressif et malade ; dans "Un Balcon sur la mer", un très beau film de Nicole Garcia (sorti le 2010), Jean Dujardin, agent immobilier, croit reconnaître son amour d’adolescent, joué par Marie-Josée Croze, sur fond de fuite d’Algérie en guerre vers la France et d’arnaque immobilière, avec un va et vient d’images anciennes et récentes. Un film très subtil avec sa mère Claudia Cardinal, sa femme Sandrine Kiberlain et son beau-père Michel Aumont. Avec ces deux films, Jean Dujardin a quitté complètement son personnage de comique. "The Artist" arrive juste après, avec la consécration internationale de l’acteur.

Cela ne l’a toutefois pas empêché de tourner encore dans quelques comédies, comme dans "Les Infidèles" d’Emmanuelle Bercot et sept autres (sorti le 29 février 2012), avec Gilles Lellouche, Guillaume Canet, Manu Payet, Charles Gérard, Lionel Abelanski, Sandrine Kiberlain, Alexandra Lamy, Mathilda May, Isabelle Nanty, Gérarldine Nakache, etc.

Après un autre film d’espionnage avec des pincées d’humour, "Möbius" d’Éric Rochant (sorti le 16 octobre 2013), où Jean Dujardin joue le personnage principal, un espion qui surveille un oligarque russe, avec Cécile de France et Tim Roth, l’acteur fut appelé par Claude Lellouch pour son film "Un plus une" (sorti le 9 décembre 2015), où il est un grand compositeur qui rencontre en Inde Elsa Zylberstein, la femme de l’ambassadeur Christophe Lambert. Il a récidivé avec Claude Lellouch dans "Chacun sa vie" (sorti le 15 mars 2017), qui fut le dernier film de Johnny Hallyday. "Un homme à la hauteur" de Laurent Tirard (sorti le 4 mai 2016) met en situation amoureuse Jean Dujardin, courtois et élégant, avec l’avocate divorcée Virginie Efira.

Et puis est arrivé un autre grand film salué par la critique malgré le contexte sulfureux de son réalisateur talentueux, Roman Polanski : avec "J’accuse" (sorti le 13 novembre 2019), Jean Dujardin s’est excellemment mis dans la peau du lieutenant-colonel Piquart, héros nouveau d’une histoire pourtant très connue. Roman Polanski entendait évoquer l’affaire Dreyfus selon la perspective de son sauveur, celui qui a recueilli des preuves du "complot". Le capitaine Dreyfus, joué par Louis Garrel, est dans ce film un personnage secondaire.

Non seulement j’ai plongé complètement dans ce film, grâce au réalisateur mais aussi grâce au jeu d’acteur de Jean Dujardin, mais je m’en suis voulu d’avoir eu une lacune dans cette histoire politique : je n’avais jamais fait le rapprochement entre le lieutenant-colonel Picquart, le militaire "juste" de l’affaire Dreyfus et plus tard, le général Picquart, Ministre de la Guerre du premier gouvernement de Georges Clemenceau, exceptionnellement long, au pouvoir du 25 octobre 1906 au 23 juillet 1909. C’était le même homme réhabilité et récompensé par l’armée pour sa ténacité à faire triompher la vérité. Cette revisitation de l’affaire Dreyfus a été très instructive et originale. Le film fut récompensé par trois Césars et douze nominations au total, Jean Dujardin a raté de peu le César du meilleur acteur qu’il aurait mérité de recevoir.

L’un des derniers films où a joué Jean Dujardin est "Présidents" (au pluriel) d’Anne Fontaine (sorti le 30 juin 2021), où l’acteur est Nicolas Sarkozy et Grégory Gadebois François Hollande, dans une alliance improbable à l’élection présidentielle contre Marine Le Pen. Mais les ex-Présidents restent impopulaires et finalement, c’est la femme de l’un d’eux qui est candidate (les femmes sont joués par Pascale Arbillot et Doria Tillier). Un film fantaisiste (pas fantastique !) dont l’idée a germé pendant le premier confinement.

Hubert Bonisseur de La Bath, personnage récurrent de Jean Dujardin, a également fait un retour remarqué au cinéma l’an dernier dans le troisième opus "OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire" de Nicolas Bedos (sorti le 4 août 2021), avec Pierre Niney, Wladimir Yordanoff (ce fut son dernier film), Natacha Lindinger et Fatou N’Diaye.

Dans ma lancée, j’ai oublié de citer quatre autres films également très différents : "Lucky Luke" de James Huth (sorti le 2009), où Jean Dujardin tire plus vite que son oncle (le film n’est pas inoubliable) ; un film de Martin Scorsese "Le Loup de Wall Street" (sorti le 25 décembre 2013) pour un second rôle, un autre film américain "The Monuments Men" de George Clooney (sorti le 2 février 2014), avec le réalisateur, Matt Damon, Bill Murray, etc. ; et "La French" de Cédric Jimenez (sorti le 3 décembre 2014) où Jean Dujardin est le juge Michel, assassiné le 21 octobre 1981 à Marseille.

D’autres films restent en attente de montage et de sortie pour Jean Dujardin qui, désormais, ne manquera plus de surprendre ceux qui restaient déçus des errements initiatiques de Brice de Nice et qui n’en reviennent pas du grand spectre de personnages qu’il est maintenant capable de jouer. Un acteur qui surprend, c’est un acteur dont la personnalité même forte s’efface derrière le personnage : « Je ne me sentirai jamais légitime ou arrivé. Je m’angoisse à chaque fois. Je recrée du doute et donc du plaisir. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 juin 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean Dujardin.
Alain Resnais.
Julie Gayet.
Johnny Depp.
Amber Heard.
Jacques Morel.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Alain Delon.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.


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10 réactions à cet article    



    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 25 juin 2022 13:42

      Putain le cinéma m’emmerde a un point depuis le début des 80 ’ .


      • pemile pemile 25 juin 2022 14:33

        @Aita Pea Pea « Putain le cinéma m’emmerde a un point depuis le début des 80 ’ »

        1992, c’est arrivé près de chez vous ?


      • pemile pemile 25 juin 2022 14:38

        @Aita Pea Pea
        PS : Et les Dupontel, t’accroches pas ?


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 25 juin 2022 14:44

        @pemile
        Ça dépend , il me déçoit souvent , et comme la majorité du cinoche payer 10 balles pour ça ...


      • charlyposte charlyposte 25 juin 2022 15:26

        @Aita Pea Pea
        Sources ?


      • John  Captain Jack 25 juin 2022 16:20

        Aita Salut !

        Même Grégoire moulin contre l’humanité ?


      • Mirlababo 25 juin 2022 19:49

        On se rappelle aussi de sa réaction après avoir joué dans le dernier Roman Polanski.

        Encore un pauvre type ce Dujardin... d’ailleurs il devait quitter la France ce fion. A t-il réussi à trouver le chemin ? 


        • Rinbeau Rinbeau 26 juin 2022 20:37

          Oui cela est bien, dit Candide, mais il faut cultiver Dujardin !


          • slave1802 slave1802 27 juin 2022 13:57

            Un petit oubli dans la filmographie :

            Le daim.

            Dujardin est un acteur populaire, ça a toujours fait chier les élites qui ne reconnaissent leurs talents que bien après leur mort. Regarder par exemple les critiques de De Funès de son vivant et ces dernières années

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