Le cauri, ce coquillage qui a longtemps servi de monnaie
Depuis l’Antiquité jusqu’à un passé récent, un petit coquillage de la famille des « porcelaines » a servi de monnaie. Une fonction qui lui a valu son nom scientifique : cypraea moneta. Cette étonnante histoire étant très méconnue de nos concitoyens, zoom sur le cauri, son usage monétaire et les symboliques qui s’y attachent encore de nos jours...
Le cauri – nom usuel de Cypraea moneta et de son proche cousin cypraea annulus – avait toutes les qualités pour servir autrefois de monnaie : non périssable, ce coquillage de taille réduite (pas plus de 3 cm) est solide, maniable et impossible à contrefaire. Principalement localisé dans les eaux des Maldives (océan Indien), le cauri semble avoir initialement pris le statut de monnaie primaire en Chine au moins mille ans avant notre ère. Mais c’est en Afrique qu’il a connu son apogée monétaire après que des marchands arabes l’aient ramené depuis l’Asie sur le continent noir dès le 8e siècle de notre ère. Le cauri a, par la suite, et cela durant plusieurs siècles, principalement servi de monnaie d’échange lors des épisodes de la traite négrière transsaharienne mise en place par les trafiquants du Maghreb au détriment des populations noires subsahariennes.
Cet usage du cauri n’en a pas moins contribué à son succès en Afrique subsaharienne. Rapidement, ce coquillage a été employé dans différents types de transactions entre particuliers et commerçants. Il a également servi de monnaie compensatoire lors des transactions matrimoniales, pratique très répandue sur le continent. Ici et là, le cauri a même été utilisé pour le paiement des taxes et des tributs. À son apogée, au temps des colonisations, le cauri a été utilisé, d’ouest en est, quasiment dans toute l’Afrique noire comprise entre le Sahara au nord et le Congo au sud. Et, malgré les évolutions modernes des modes de transaction commerciale, sans doute eût-il prolongé sa vie monétaire si, en décembre 1945, n’était survenu un évènement qui a brusquement mis un coup d’arrêt à l’existence du cauri en tant que monnaie d’échange : la création du franc CFA.
Mortellement atteint, le cauri a très vite disparu des échanges commerciaux. Il n’en est pas moins resté très populaire dans les populations. Des cauris illustrent d’ailleurs plusieurs monnaies africaines. Le nom de ce coquillage aurait même pu devenir celui d’une monnaie unique commune aux pays de l’ouest africain, si l’on en croit ce qu’écrivait en 2016 l’hebdomadaire Jeune Afrique (lien). Cela ne s’est pas fait, la Banque Centrale des États de l’Ouest Africain (BCEAO) ayant refusé à ce jour de sauter le pas, possiblement échaudée par les tensions de la zone euro.
Le rôle monétaire du cauri ayant définitivement cessé au cours du 20e siècle, on aurait pu penser que ce coquillage serait délaissé pour n’être plus qu’une modeste porcelaine parmi tant d’autres. Il n’en a rien été : le cauri garde de nos jours dans certaines régions d’Afrique de réels attraits décoratifs dans le domaine de la bijouterie, notamment sous la forme de colliers composés, ici de cauris naturels, là de cauris peints. En outre, l’aspect particulier de cypraea moneta et cypraea annulus a fait depuis des millénaires de ce petit coquillage un symbole de féminité et un talisman de fertilité qui ne se sont jamais démentis au fil du temps dans les populations subsahariennes. Localement, l’on prête même à ce coquillage des vertus divinatoires utilisées dans la voyance, et pas seulement en Afrique : importé par les esclaves noirs sur le territoire américain, le cauri est encore, de nos jours, utilisé dans les rites vaudous en Louisiane.
Une histoire étonnante pour une si modeste porcelaine.
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