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Washington-Riyadh  : Des liens placés sous le microscope

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Les tensions politiques qui tourmentent les décideurs, les partis politiques et les assemblées législatives des États-Unis, notamment en ce qui concerne l’Arabie saoudite, sont peut-être la meilleure expression de la perte de boussole de la politique étrangère américaine ces dernières années. À tel point que Washington ne distingue plus les côtés du spectre politique.

Elle ne fait pas de distinction entre ami, allié et concurrent. Elle ne pèse même pas ou ne risque pas ses intérêts stratégiques en raison de son obsession pour la Russie et la Chine.

Le président américain Joe Biden a laissé de côté les préoccupations des États-Unis, les dossiers et les enjeux de la politique étrangère américaine, qui doivent déjà gérer des dossiers aussi graves que les crises en Ukraine et à Taïwan, le déclin de l’influence américaine et la possibilité d’une guerre nucléaire, pour se consacrer au différend avec l’Arabie saoudite, proche allié stratégique de son pays depuis des décennies.

Il est vrai que les dossiers stratégiques sur le bureau du président Biden sont liés. Ils partagent une influence mutuelle.

Mais la focalisation sur Riyad et les propos répétés sur la réévaluation des relations et les allusions ouvertes ou cachées à la rupture de la coopération militaire, etc. semblent excessifs et placent Riyad dans une position qui va à l’encontre de l’histoire et de l’évolution des relations entre les deux pays et de la base des intérêts existants et potentiels entre les deux pays.

Le bon sens fait défaut et la présomption américaine domine la gestion des relations avec les autres pays, même si elle est préjudiciable aux propres intérêts de Washington. Le président Biden peut être « contrarié », comme il le dit, par la position saoudienne. Il a le droit d’annoncer qu’il travaille avec le Congrès pour « réévaluer » les relations avec l’Arabie saoudite maintenant.

Il s’agit d’une tentative compréhensible de contenir le sentiment intérieur avant les élections de mi-mandat. Ce sont des positions, soit dit en passant, qui n’ont rien à voir avec la politique saoudienne, y compris la récente décision de l’OPEP+ et la recherche des intérêts stratégiques de leur pays, indépendamment de ce qui est bien ou mal dans cette approche.

Mais je ne sais pas pourquoi la Maison Blanche se réserve tout cela et ne voit pas que Riyad a aussi le droit de façonner ses relations avec les États-Unis et d’autres pays de la manière qui sert ses intérêts.

Je ne sais pas non plus où les États-Unis trouvent l’idée que l’Arabie saoudite ou tout autre pays devrait sacrifier ses intérêts pour satisfaire les désirs ou les objectifs de Washington en termes de pétrole ou autre. Et pourquoi la Maison Blanche n’a-t-elle pas pensé de la même manière lors des négociations avec l’Iran et ignoré les intérêts de l’Arabie Saoudite et du reste du Golfe  ?

Pourquoi n’a-t-elle pas pensé à inclure ces États dans les discussions de Vienne, ou du moins à prendre en compte leurs préoccupations  ? Et compte tenu de la menace sérieuse que représentent les attaques criminelles des Houthis pour les installations pétrolières saoudiennes, pourquoi n’a-t-elle pas pensé dans le même sens  ?

Il n’a pas pensé une seule fois à remplir les obligations découlant de l’alliance stratégique entre Riyad et Washington. Il s’est contenté de fermer les yeux et de faire des déclarations verbales pour faire plaisir à Téhéran et ne pas risquer de le fâcher par crainte d’une rupture des négociations pour relancer l’accord nucléaire.

En tant qu’observateurs, nous avons constaté il y a plusieurs mois le mépris des États-Unis pour leurs alliés au Moyen-Orient. Maintenant, nous voyons les États-Unis mettre ces alliés sous le microscope une fois de plus. Mais d’une perspective différente.

Ils les pointent du doigt et n’essaient pas de trouver les racines et les causes de ce qui se passe. Elle ne tient pas compte de la dynamique qui s’est développée dans les politiques étrangères et les mécanismes de gouvernance de ces pays à mesure que de jeunes dirigeants ayant de grandes ambitions pour leur pays prennent le dessus.

Ils cherchent à utiliser leurs ressources pour réaliser ces ambitions et placer leur pays dans la position stratégique qu’il mérite, loin de l’héritage des équations sur lesquelles les relations internationales ont été construites dans les époques précédentes, d’autant plus que les partenaires américains ne pensent qu’à cet héritage lorsqu’ils parlent de leurs intérêts.

Je ne sais pas comment il est possible que les milieux politiques américains n’aient pas reconnu le changement progressif de la politique des alliés. Plus important encore, ils n’ont pas essayé d’en examiner les causes et de les traiter à la lumière des faits actuels. Les causes se trouvent toutes à Washington et dans ses couloirs.

Pas à Riyad ou dans d’autres capitales du Moyen-Orient. D’ailleurs, l’Arabie saoudite et d’autres poids lourds voient de leurs propres yeux comment le nouvel ordre mondial émerge après l’apparition de la pandémie de coronavirus puis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Cela les oblige tous à agir avec prudence et à façonner les relations avec toutes les grandes puissances selon des calculs et des décisions réfléchis qui garantissent les intérêts de ces pays, et non par obéissance aveugle à des alliances auxquelles l’autre partenaire n’est pas lui-même engagé.

De nombreux pays poursuivent des politiques similaires à celles de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et des autres États arabes et du Golfe. Les grandes puissances régionales comme l’Inde se positionnent de la manière la plus neutre possible dans la crise ukrainienne. D’autres pays, dont la plupart des États africains et asiatiques, adoptent une position similaire.

Certains de ces pays ont des partenariats et des alliances avec les États-Unis. Ainsi, ce qui se passe dans la politique et la législature américaines concernant l’Arabie saoudite n’est rien d’autre que l’incarnation de l’art de perdre ses amis.

Les discussions sur la fin de la coopération militaire, etc. est une menace qui nuit aux entreprises américaines elles-mêmes avant de toucher aux intérêts saoudiens.

Tout cela exige des États-Unis qu’ils freinent leur impulsivité, qu’ils rationalisent leurs politiques, qu’ils s’adaptent au changement et qu’ils comprennent le contexte des attitudes et des politiques saoudiennes plutôt que de s’engager dans des théories du complot et autres explications qui alimentent l’hystérie américaine.


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