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kakadou n’diaye

Prof université, consultant Unesco, spécialiste développement, écrivain et essayiste, bibliophile et courtiers en art moderne . Collaboration à Atlas, Le monde, Libé, critique socialiste, etc....co-réalisateur de documentaires, fermier au sénégal.

Tableau de bord

  • Premier article le 10/07/2008
  • Modérateur depuis le 09/10/2008
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  • kakadou n’diaye 6 juillet 2008 15:55

    N’enterrons pas Ian Smith si précipitamment !!

    Ou quand un blanc égale deux noirs.

     

     

    « Bon débarras » titre Jeune Afrique  dans son numéro 2446 (page41) en évoquant la mort, survenue le 20 Novembre dernier, de Ian Smith, « roi » sanguinaire et raciste d’une Rhodésie autoproclamée indépendante ( devenue Zimbabwe) de 1964 à 1980 ? Ian Smith qui n’hésitait pas à proclamer partout haut et fort que « sans les blancs l’Afrique ne peut fonctionner » et qui nous fit, plusieurs fois descendre dans les rues, pour manifester, à Londres, à Paris dans les années 75-79 tant la répression exercée contre le mouvement de libération de Nkomo-Mugabe était féroce et les propos inacceptables.

    N’enterrons pas Ian Smith si précipitamment.

    D’abord parce qu’il y a du Ian Smith en nous tous. Le mépris ostentatoire d’un individu envers un groupe d’individus constitué et défini par sa race ( « les noirs », les « arabes »…) sa religion (les juifs, les mahométans..)ou son statut social ( les « paysans-cul-terreux, les prolos, les forgerons, les intouchables..) est non seulement le phénomène social le plus partagé mais chaque individu en détient une parcelle, cette parcelle de Dieu ou d’Allah ou plutôt son antithèse exact, Satan ou Lucifer. Le racisme n’est qu’une des formes d’un mépris global,  celui spécifique à la race, qui incite à penser que l’autre appartient non à un groupe social différent mais à une autre espèce humaine, différente ..et inférieure. La réalité sociale ( celle des paysans et des propriétaires, des patrons et des ouvriers ) s’appuie et se consolide mais surtout se dissimule et se nie sous un constat génétique : » Je m’enrichis, je domine, j’appartiens aux strates supérieures de la société par justice et droit : je suis supérieur , de naissance, par ma couleur, ma religion , ma nationalité , ma culture » bref, l’inné remplace l’acquis, l’essence, l’histoire. Le racisme de I Smith n’est que l’expression idéologique d’un état de fait social, économique et politique : deux cents familles détiennent plus de 80% des richesses du pays et la totalité d’un pouvoir politique, garant de leurs richesses, qu’ils n’entendent pas céder.

    N’enterrons pas I.Smith si précipitamment car force est de constater que I. Smith avait raison. Dans les 30 ou 40 dernières années, l’Afrique, maitresse d’elle-même, s’est enfoncée. Si statistiquement la richesse a augmenté elle a été largement confisquée et en terme de santé, d’éducation, d’environnement, de développement agricole, d’hygiène, de justice sociale et de participation citoyenne voire même souvent d’infrastructures, l’Afrique a régressé et continue de régresser, vite.

    L’africain comme disait Smith serait-il, génétiquement, incapable de gouverner et de diriger ses affaires ?

    Aussi ne l’enterrons pas si précipitamment avant que le fumet de ce constat n’ait été balayé et que l’on comprenne bien que la volonté hégémonique de la minorité blanche n’ a laissé place qu’à un soulèvement armé et que le roi  parti, nu, sans partie, sans patrie, sans amis, sans appuis, après quelques années de vaine opposition, n’a laissé derrière lui, pour gouverner, qu’un quarteron de militaires qui n’en peuvent mais. C’est-à-dire que, en tant que raciste, Ian Smith a mis en scène une pièce de théâtre où se jouait et continue de se jouer maintenant qu’il est sorti de scène, sous les applaudissements effarés du public international, l’incapacité africaine à gérer les affaires d’un pays, en faisant en sorte que les seuls qui lui succèdent, hors de tout recours démocratique sont des militaires qui encombreront et encombrent encore largement la place qu’il a laissé. Les Mugabe, A.Dada, Bokassa, S.Abacha, Eyadema, Mobutu, S.Barré, Taylor, ….j’en oublie quelques dizaines, sont bien là pour nous rappeler que le mépris global, la certitude d’appartenir à une espèce supérieure, n’est pas mort, lui, qu’il s’embarrassât ou pas de la « farce démocratique » dénoncée, sans relâche, par le Prix Nobel de littérature, Soyinka ou encore de paix, de justice et d’ordre comme ces officiers envoyés par l’Union Africaine au Darfour et qui n’y ont apporté que viols vol des populations et détournements des sommes dévoluées à la troupe.

    Ainsi I.Smith triomphe. Le mépris qu’il manifestait à l’égard des africains a été repris par les africains eux-mêmes contre leurs « frères » de race et de culture.

    En enterrant Smith n’enterrons pas le mépris qui nous taraude tous envers tous ceux qui ne jouissent pas d’un statut social égale au notre. N’enterrons pas  le fait que le combat politique et en particulier le combat démocratique est d’abord le combat contre toutes les formes de discriminations.

    Le mépris est la matrice d’un ressentiment, qui est lui-même la matrice fondamentale des guerres et des conflits comme vient de le démontrer R.Girard dans son dernier ouvrage

    En refusant d’enterrer I.Smith sans autre forme de procès qu’un « bon débarras » vite lâché nous répondons, de fait, à la réaction de Doudou Dienne, rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, au « Discours de Dakar » du 26 juillet dernier, du Président Sarkozy. Lors de la séance du 7 novembre il n’a pas hésité comme le dit Jeune Afrique « à dire tout haut ce que beaucoup d’africains ont ressenti… ». Le discours de Dakar, vitupéra-t-il, « s’inscrit une dynamique de légitimation du racisme » auquel fait écho l’invective de BHL :« discours raciste ». Et tout un chacun d’intervenir. « Mais non … »disent d’aucuns qui soulignent, comme Jean Daniel, la condamnation sans équivoque de la traite et du colonialisme, « mais si… » disent d’autres qui n’acceptent pas qu’on puisse avoir une vision si condescendante a-historique, a-sociologique de l’Afrique et de son histoire.

    Il ne fallait peut-être pas attendre une analyse pertinente d’un Président qui est avant tout un homme de communication et un homme foncièrement de droite.

    Raciste le discours de Dakar ? Paternaliste plus certainement qui est une forme atténuée de ce mépris global qu’est le racisme.

    Mais est-ce que le problème est vraiment là ? Au  racisme smithien, déclaré, droit dans ses bottes, avec ses centaines de milliers de victimes, tant du fait de la répression féroce que du maintien des populations dans un dénuement indicible, le paternalisme sarkozien ne fait pas figure d’ogre d’autant que l’échec complet du système politique et économique mugabien compte aussi des victimes  par centaine de milliers.

    Au mépris de I.Smith pour les africains répond le mépris de Mugabe pour ses mêmes africains et peut-être celui que Sarkozy laisse filtrer dans son discours, mais enfin ! les conséquences ne sont pas les mêmes !

    Arrêtons de chercher le racisme partout où il se trouve. Il est partout. Le mépris, avec le bon sens, est la chose du monde la mieux partagée.

    Avec la grande, très grande, majorité des africains il est bien évident que le problème n’est pas là. Il n’est pas dans la vertu. Mais dans l’efficacité.

    A la parodie de démocratie, aujourd’hui en œuvre dans une grande partie de l’Afrique, à la tragique  guignolade des ministres choisis dans l’ethnie, le clan, la religion, le statut, loin de leurs compétences, a la distribution des terres des blancs, en Rhodésie, aux « anciens combattants » -comme si ce statut garantissait l’efficacité agricole- à la réalité de ce  mépris global, répond la régression économique, la famine, la misère…

    Au mépris blanc  répond le mépris noir.

    La démocratie est aussi dans l’efficacité économique, dans la redistribution sociale, dans la possibilité pour chacun de vivre sans rêver d’improbables et souvent tragiques voyages. Le reste, pour important qu’il puisse être, est secondaire.

    Il importe plus de dénoncer le mépris des dirigeants africains actuels, dont Mugabe, pour leurs peuples, que le mépris supposé et sous-jacent d’un Sarkozy ( ou de sa « plume » Guaino), ou le mépris réel et publié d’intellectuel comme Watson . Il importe de ne pas occulter le présent en prétendant faire ressurgir le passé.

    C’est d’ailleurs la voie choisie par Soyinka.

    L’instrumentalisation du racisme de I.Smith est ainsi au service d’une caste qui pratique le même mépris du peuple, caste qui entend se cacher derrière le racisme de Smith afin de mieux faire oublier le sien avec, comme en écho, les mêmes milliers de morts, les mêmes millions de victimes ..

    Le racisme ne peut en aucune façon être vu, pensé, ressenti, analysé sans référence explicite aux oppositions fondatrices entre propriétaires et paysans, entre capital et travail et aux formes politiques et idéologiques qui les sous-tendent. Au bénéfice quasi exclusif des uns, au détriment mortifère des autres. Si Mugabe a triomphé du racisme ( encore que de nombreuses réactions zimbabwienes anti-blancs clairement racistes peuvent se comprendre et non s’excuser) il est loin d’avoir vaincu ce mépris global dont le racisme n’est qu’une expression parmi d’autres, pas vaincu le fait qu’une minorité exploite une majorité et détient tous les pouvoirs, y compris la force, la torture, la violence, la prison, la répression, la censure..) afin de maintenir son exploitation.

    C’est Ian Smith que l’on ovationne au dernier sommet du SADC de Johannesbourg en ovationnant Mugabe. C’est l’invraisemblable, l’incroyable domination haineuse et stupide d’un groupe d’illuminés sur l’ensemble d’un peuple. C’est Ubu salué par ses affidés et ses sbires mais surtout par ses semblables.

    Elle leur permet de masquer leur propre mépris envers leur pays. Alors que l’espérance de vie croit de plusieurs mois par an en Occident l’Afrique des dirigeants qui font une « standing ovation » à Mugabe, la voit décroitre de plusieurs mois par an depuis trente ans qu’ils sont à la tête de leur pays jusqu’à atteindre aujourd’hui moins de 40 ans ! Un blanc égale deux noirs non seulement en musique mais en espérance de vie…c’est ça aussi le racisme. La réalité crue et atroce de ce chiffre est bien un crime comme l’humanité.

     

     

     

     

    Kakadou N’diaye.-Mbour- Sénégal

     

     

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