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Commentaire de Anne-Cécile

sur Outreau : l'ontologie du juge Burgaud


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Anne-Cécile (---.---.108.95) 20 janvier 2006 14:02

L’instruction de l’affaire d’Outreau a débuté sur des suspicions graves d’abus sexuels sur mineurs. Vérification faite, ces suspicions étaient fondées, les mineurs avaient bien été abusés, violés pour parler clairement. Ils accusaient leurs parents de les avoir ainsi violés. Lesdits parents reconnaissaient les viols qu’on leur reprochait tout en mettant en cause plusieurs autres adultes. Les enfants confirmaient avoir été violés par ces adultes extérieurs à la famille. Les expertises psychiatriques des personnes mises en cause parlaient de structure perverse de la personnalité et de risque important de réitération de faits de nature pédophile. Le propre fils de M. Marécaux, complètement extérieur à la famille BADAOUI, accusait son père de l’avoir violé et il était établi qu’il avait fait plusieurs tentatives de suicide en lien avec les faits qu’il reprochait à son père de lui avoir fait subir. Des témoins décrivaient la « boulangère », Roselyne GODARD, comme ayant curieusement l’habitude delivrer du pain aux BADAOUI vers 23 h, heure à laquelle il est établi que se déroulait dans la pièce voisine de terribles scènes de viol collectif sur les enfants du couple. Compte tenu des investigations restant à mener, de la nécessité d’éviter toute collusion entre les mis en cause ou pression sur les victimes ainsi qu’en raison du grave trouble causé à l’ordre public, il ne faut pas oublier le matraquage médiatique de l’époque sur les « monstres d’Outreau » et le spectre d’une affaire Dutroux en France, le juge d’instruction a demandé le placement en détention des intéressés au Juge des Libertés et de la Détention, qui l’a ordonné. Le fait, comme les médias aiment le rappeler à tout va avec cette expression ridicule, que les personnes concernées « clament leur innocence » n’est pas de nature en soi à devoir écarter une mesure de détention provisoire. Allez voir une audience correctionnelle et vous en verrez des prévenus qui « clament... » alors que tout les accable, qu’ils ont été pris sur le fait, reconnus formellement par les victimes et les témoins etc... Qui sont d’ailleurs condamnés à juste titre et qui ne font jamais appel de leur condamnation parce qu’ils savent bien que se prétendre innocent, c’est bien souvent une stratégie, tout à fait normale et humaine, pour essayer de se sortir du pétrin où on s’est fourré, ni plus ni moins... Comme tout enfant pris les doigts dans la confiture commence toujours par dire piteusement que ce n’est pas lui et qu’il n’a rien fait. S’il suffisait de nier pour que la Justice ne puisse pas se pencher sur des infractions, ce serait somme toute assez simple et la porte ouverte à l’impunité totale des délinquants et des criminels. Fin de la digression. En l’occurrence, ils ont été acquittés et ils se disaient innocents. Leur innocence a été reconnue par la Justice. Il n’y a donc pas d’erreur judiciaire. Qu’au stade de l’instruction, ils soient restés longtemps en détention provisoire, c’est la seule question intéressante qui se pose. Une évidence à rappeler tout de même, et que tout le monde semble oublier : si, dès le début d’une enquête, on savait tout des responsabilités de chacun, il n’y aurait plus qu’à supprimer enquête et instruction et s’en remettre à la boule de cristal de Mme Irma. Bien sûr que les éléments de ce dossier ont été récoltés petit à petit et qu’il ne s’est pas présenté à la fin comme il se présentait au début. C’est le principe même d’une enquête de faire évoluer la conception que l’on peut avoir de ce qui s’est passé ou pas. Et le Juge BURGAUD ne lit pas dans le marc de café. Comment pouvait-il s’imaginer, lorsqu’elles ont été faites, que les accusations de Mme BADAOUI et de ses enfants, étaient fausses et allaient être rétractées plusieurs mois plus tard, compte tenu des autres éléments troublants dont il disposait ? Que n’aurait-on entendu de la part des médias sur le prétendu laxisme des juges si les mis en cause avaient été mis dehors à l’époque, ç’aurait été de nouveau une mise au pilori. Tout ceci pour dire quoi ? Que nécessairement, le juge a toujours tort dans la bouche des médias, qui croient tout savoir mieux que les professionnels même sans avoir jamais lu l’entier dossier, et qui s’en remettent sans distance ni critique à la parole des avocats, en n’ayant jamais conscience que l’avocat n’a jamais une parole neutre ni objective. L’avocat est la voix de son client. Il défend une thèse et est prêt à tout pour que celle-ci soit relayée par les médias qui n’y voient que du feu. Il instrumentalise les médias au service de sa version, parcellaire et tronquée, voire purement mensongère. Parce que c’est son rôle et son métier. Le seul à ne pas avoir de raison de mentir et de cacher quoi que ce soit du dossier, c’est la magistrat. Or il est enserré par les contraintes de son statut qui lui interdisent de parler, alors que les avocats ont un boulevard devant eux pour s’exprimer. C’est le comble de l’absurde ! J’espère seulement qu’un jour viendra où les journalistes s’interrogeront sur le contenu et le bien-fondé de cette parole de l’avocat recueillie avec complaisance sur les marches du palais en les prenant pour des cons qui gobent n’importe quoi. A ce stade, il n’y a nulle preuve que le Juge Burgaud n’ait pas bien fait son travail. Comme il existe l’aléa thérapeutique, notion juridique qui reconnaît la possibilité pour le malade d’être indemnisé pour un accident de traitement en l’absence même de faute du médecin, il devrait être possible d’admettre la possibilité d’un aléa judiciaire. A savoir la prise de conscience qu’il n’y a pas nécessairement de faute humaine à l’origine d’une telle affaire, mais que ce sont les risques qui peuvent se produire dans 2% des cas lors de la conduite de ce type d’enquête. Et parler systématiquement du corporatisme des magistrats, uniquement au prétexte qu’ils demandent à attendre les conclusions des organes d’enquête et de contrôle sur cette histoire, c’est scandaleux. C’est la seule attitude raisonnable à avoir. Les médias qui reprochent à Fabrice Burgaud de s’être fait trop vite une opinion faussée, tombent pile poil dans le travers qu’ils dénoncent. Sans rien connaître au contenu précis du dossier, ni à la loi pénale ni à la procédure pénale, auxquelles les magistrats sont tenus de se conformer, ils croient avoir tout compris et tout deviné avant les autres !... Un peu d’humilité et d’honnêteté intellectuelle ne feraient pas de mal de temps en temps chez ces manipulateurs d’opinion sans scrupule !


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