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Commentaire de Pierre R. - Montréal

sur Accroc à la Charte de la langue française du Québec


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Pierre R. Chantelois Pierre R. - Montréal 29 août 2007 21:54

J’ai vécu à une époque, avant la Révolution des années 1960, où parler français à Montréal était un privilège concédé aux populations pauvres et catholiques. La situation était telle que plus de 85 pour cent des nouveaux arrivants au Québec optaient pour l’école anglaise et, malgré les premiers fruits de la Révolution tranquille, 80 pour cent des entreprises québécoises demeuraient à propriété anglophone. La langue française au Québec doit sa survivance en grande partie au clergé qui protégeait les canadiens français de toute influence extérieure - non en raison de la langue mais en raison du fait des autres religions qui avaient pour usage la langue anglaise ou une autre langue (hébreux, grecque, russe ou autre). En 1967, la commission scolaire de Saint-Léonard, sur l’Île de Montréal, statue que les enfants d’immigrants tombant sous son autorité n’ont accès qu’à l’enseignement en français. L’opposition des anglophones pousse le gouvernement de l’UNION NATIONALE à présenter le projet de loi 85, dont l’étude ne va cependant jamais au-delà de l’étape de l’étude en commission parlementaire. En situation de crise linguistique, le gouvernement du Québec décide alors de réagir : La commission Gendron fut alors mise sur pied pour enquêter sur les problèmes linguistiques au Québec.

Entre temps, des compromis proposés par l’administration scolaire de Saint-Léonard provoquent des manifestations violentes, et le gouvernement, en panique, dépose le projet de loi 63 sans attendre les recommandations de la Commission. Le projet de loi suscite un mouvement d’opposition sans précédent au sein de la population francophone du Québec, qui y voit une intervention beaucoup trop modérée. La Loi pour promouvoir la langue française au Québec, aussi appelée loi 63, est finalement adoptée sous le gouvernement de l’Union nationale de Jean-Jacques Bertrand, le 20 novembre 1969. Bien qu’elle n’aborde principalement que la question de la langue d’enseignement, il s’agit alors de la politique linguistique la plus étoffée jamais adoptée au Québec.

La nouvelle loi, appelée loi 63, consacre le libre choix d’enseignement. En quelque sorte, les parents peuvent envoyer leurs enfants dans des écoles de leur choix, anglaises ou françaises. La loi 63 proposait par contre des mesures incitatives afin de promouvoir l’usage de la langue française. Cette loi sème par contre l’indignation parmi les rangs des nationalistes, qui en débattront lors de manifestations jusqu’à l’aube des élections de 1970. A l’Assemblée nationale, René Lévesque et Yves Michaud mènent un long combat, en vain, contre cette législation qui obligeait les commissions scolaires à donner les cours en français mais accordait, surtout, le libre choix de la langue d’enseignement aux immigrants.

En 1972, la Commission d’enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec remet au gouvernement libéral de Robert Bourassa son rapport et propose l’idée d’une politique de francisation des domaines du commerce et du travail et de faire du français la langue officielle tout en décrivant l’anglais « langue nationale ». La Loi 22, soit la Loi sur la langue officielle, parrainée par le gouvernement libéral de Robert BOURASSA, est adoptée par l’Assemblée nationale le 19 juillet 1974 et sanctionnée le 31 juillet 1974. Désormais, le français est la langue de l’administration, des services et du lieu de travail. La loi souligne également que le français est la langue officielle de l’enseignement et exige que les enfants des immigrants connaissent bien une des deux langues d’enseignement dans les écoles québécoises ; sinon ; il faut fréquenter l’école française. Le ministre de l’Éducation, François Cloutier impose des tests pour mesurer les connaissances linguistiques des enfants d’immigrants. Ceux qui démontraient une connaissance suffisante de cette langue avaient accès à l’école anglaise.

En 1976, l’arrivée du Parti québécois a eu un effet dévastateur auprès des anglophones du Québec et auprès du reste du Canada (ROC). C’est ce gouvernement qui adopte la Loi 101, soit la Charte de la langue française (1977), laquelle constitue le point culminant d’un débat qui marqué par l’adoption de la LOI 63 (1969) et de la LOI 22 (1974). Elle fait du français la langue officielle de l’État et des cours de justice au Québec, tout en faisant du français la langue normale et habituelle au travail, dans l’enseignement, dans les communications, dans le commerce et dans les affaires. L’enseignement en français devient obligatoire pour les immigrants, même ceux en provenance d’autres provinces canadiennes, à moins qu’un « accord de réciprocité » n’intervienne entre le Québec et la province d’origine (ce qu’on désigne comme la clause Québec).

La Charte de la langue française a subi de nombreuses contestations judiciaires. Toutes sont venues de la part des groupes de pressions anglophones ou du gouvernement fédéral. Les résultats ont été plus que positifs pour la communauté anglophone qui a fini par gagner sur presque tous les plans. Les décisions de la Cour suprême du Canada ont même touché tous les articles majeurs de la loi 101, de telle sorte que les divers gouvernements québécois ont dû modifier à plusieurs reprises la Charte de la langue française. La loi la plus controversée fut la loi 178 (Loi modifiant la Charte de la langue française de 1988) concernant la langue de l’affichage et l’unilinguisme français, puis ont suivi la loi 86 (Loi modifiant la Charte de la langue française de 1993), la loi 40 (Loi modifiant la Charte de la langue française de 1997), la loi 171 (Loi modifiant la Charte de la langue française de 2000) et le projet de loi 104 (Loi modifiant la Charte de la langue française de 2002).

L’Assemblée nationale, après avoir découvert l’existence d’une brèche dans la loi 101 qui permettait à des enfants d’accéder à l’école anglaise régulière si leurs parents les envoyaient d’abord dans une école anglophone privée non subventionnée, avait adopté la loi 104 pour colmater cette brèche. Comme le notait Le Devoir, non seulement ce détour par l’école privée leur permettait-il un accès illimité à l’école anglaise publique, mais il donnait ces mêmes droits à leurs frères et sœurs ainsi qu’à leurs descendants. On estime que 4000 enfants auraient profité de cette possibilité entre 1997 et 2002. Un groupe d’une vingtaine de parents majoritairement allophones ont porté cette nouvelle disposition législative devant la Cour d’appel qui vient d’invalider cette disposition législative.

Les deux juges anglophones de la Cour d’appel ont notamment valoir dans le jugement qu’il y aurait d’autres moyens de protéger la loi 101 et qu’il faut tenir compte d’un arrêt de la Cour suprême de 2005 (l’arrêt Solski) selon lequel les dossiers devraient être évalués individuellement en matière d’accès à l’école anglaise. Le troisième magistrat, le juge Lorne Giroux, a estimé que les amendements apportés par la loi 104 étaient justifiés.

Le lecteur pourra trouver un historique complet sur l’histoire de la langue française en Amérique par l’auteur Jacques Leclerc.

Pierre R.

Montréal (Québec)


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