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La famille Pinochet écrouée Chili . La justice a ordonné l’arrestation des proches de l’ex-dictateur accusés de détournement de fonds publics.

Santiago,

correspondance particulière.

Après tant d’années d’impunité, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe au Chili : jeudi 4 octobre au matin, le juge Carlos Cerda a ordonné l’arrestation et le placement en détention de la famille Pinochet au grand complet, soupçonnée de détournement de fonds publics. La veuve de l’ancien dictateur, Lucia Hiriart, quatre-vingt-quatre ans, et ses cinq enfants - Augusto, Marco Antonio, Lucia, Jacqueline et Maria Pinochet - ont été immédiatement remis à la justice. Cette décision spectaculaire a été prise dans le cadre de l’enquête visant à établir l’origine de l’énorme fortune accumulée par la famille. Pour les Chiliens, il s’agit de l’affaire « Riggs », en référence à la banque nord-américaine dans laquelle le vieux général avait établi l’essentiel de ses comptes à l’étranger.

Dix-sept autres personnes, qui ont longtemps formé la garde rapprochée de l’ex-commandant en chef, sont également poursuivies. Se trouvent notamment sur la liste l’exécuteur testamentaire de Pinochet, Oscar Aitken, tête pensante du placement des fonds à l’étranger, ainsi que plusieurs militaires hauts gradés dont deux sont encore en activité. En une journée, le juge Cerda a donc mis sous les verrous l’ensemble du « système » Pinochet.

L’affaire « Riggs » a éclaté en juillet 2004, lorsque le Sénat des États-Unis a révélé l’existence de fonds secrets appartenant au dictateur. Pour brouiller les pistes, celui-ci avait utilisé plus d’une centaine de comptes différents, souvent ouverts sous de fausses identités. « Lorsque tout cela a été découvert, la banque Riggs a fermé les comptes et renvoyé l’argent à Pinochet pour qu’il puisse le déposer ailleurs », indique le sénateur démocrate américain Carl Levin, cité par le journal La Tercera. La justice chilienne ouvre alors une enquête : le butin amassé est rapidement évalué à 28 millions de dollars... Dans sa décision de jeudi, qui s’appuie sur un dossier de plus de 3 000 pages, le juge Carlos Cerda affirme que Pinochet n’aurait jamais pu obtenir une telle somme avec ses seules indemnités de chef des armées.

« La différence provient du détournement desfonds publics qui étaient assignés à la présidence de la République et au commandement en chef de l’armée de terre », soutient le magistrat. Et Carlos Cerda de citer quelques-unes des dépenses effectuées par le dictateur : des biens immobiliers, des soins médicaux, des vêtements, des montres et même... des statues de Napoléon Bonaparte. Sans compter les placements à l’étranger. Autant dire que le mythe de « l’intégrité » de Pinochet, longtemps entretenu par ses partisans, a volé en éclats au cours de ces dernières années. Avec l’affaire « Riggs », les Chiliens ont fini par découvrir que le dictateur en uniforme, responsable de la mort et de la disparition d’au moins 3 000 personnes, était également un voleur en costume-cravate.

Jean Boulangé