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Commentaire de Vincent Benard

sur La réglementation foncière, source de la crise du logement


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Vincent Benard Vincent Benard 2 décembre 2007 22:20

@Celine :

« Autrement dit, la règlementation urbaine a un rôle déterminant de la protection de la valeur des biens sur le long terme et cette protection est aussi un objectif légitime. »

Comme dirait Coluche, « voila un point qu’il est important », et en bon politique, « je vous remercie de l’avoir abordé ».

« cette protection est un objectif légitime » : tout dépend par quel moyen. Si cette protection se fait AU DETRIMENT d’autres possesseurs de biens (en décrétant l’inconstructibilité de leur terre, par exemple), ou de ceux qui ne peuvent pas entrer sur le marché du logement à cause des prix trop élevés engendrés par des réglementations visant clairement à la raréfaction des logements, alors il n’y a plus de légitimité qui vaille.

Il y a deux moyens d’augmenter la valeur de son bien : par l’effort : investissement régulier, bon entretien... Ou par la limitation de la concurrence, en promulgant des réglementations NIMBYistes. et ainsi, même des logements mal entretenus peuvent atteindre des prix stratosphériques. De quelle légitimité parle-t-on ?

Enfin, dernier gros problème de légitimité des réglementations de zonage : celui qui possède un logement bénéficie d’un droit à construire, qu’il soit le sien ou celui d’un des propriétaires précédents. Au nom de quoi peut il, par la réglementation, refuser ce droit à d’autres au motif profond que ça rompte sa tranquilité, ou que ça risque de réduire la valeur potentielle de son bien ? La déclaration de 89 parle d’égalité en droits, les droits étant « la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ». il me semble que lorsque l’on zone des terrains non constructibles et d’autres constructibles, on viole cette égalité.

Certes, la DDH prévoit aussi que « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ; On pourrait donc imaginer que limiter le droit d’usage de la propriété par réglementation pourrait ouvrir droit à indemnisation, et ma foi, ce serait un moindre mal (ça obligerait les collectivités à limiter les zones non constructibles à celles qui en valent vraiment la peine)

mais non, l’article L160-5 du code de l’urbanisme permet une interprétation très restrictive de l’indemnisation des servitudes d’urbanisme. La encore, de quelle légitimité parle t-on ?

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Renversons le problème : certes, la personne qui a bien entretenu son bien, qui a fait ce qu’il fallait pour le voir embellir, peut quand même voir sa valeur baisser, soit parce qu’un voisin produit des nuisances, auquel cas le droit libéral classique doit ou bien faire cesser la nuisance, ou bien aboutir à ce que la perte de valeur du bien lésé soit largement compensée ; soit parce que les conditions économiques de la région changent : il y a eu plus de constructions et des emplois ont changé de place, donc la demande diminue, et alors, effectivement, la valeur du bien de notre propriétaire baisse alors qu’il n’y est pour rien.

Et alors ? Il en va de même de l’acheteur d’actions, d’objets d’art, ou de tout autre placement : si la nature des biens demandés par le marché change, il peut voir ses investissements dépréciés. Il est parfaitement « légitime » qu’il veuille chercher à maintenir la valeur de son bien, pas légitime qu’il le fasse en réduisant les droits fondamentaux d’autrui.

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vous ajoutez : « ce que l’article de V.B. semble négliger totalement » : au risque de me répéter, j’ai voulu rester bref, et donc on pourra toujours pinailler sur un point que je n’ai pas abordé, du fait, naturellement, de mon évidente mauvaise foi, smiley , dans la volonté tout aussi évidente d’esquiver LE point essentiel vu par celui qui n’est pas d’accord.

Mais dans mon livre (pub ! smiley ) je consacre une grosse poignée de pages à ces problèmes de NIMBYisme, de jeux d’acteur autour des PLU, etc... ainsi que quelques pages à la naissance des lois de zonage dont j’affirme qu’elles ne sont en rien issues de soi-disant insuffisances du droit de propriété pour gérer la cohabitation entre activités. Démo trop longue pour un commentaire après 22heures.

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Je suis d’accord avec pas mal d’autres de vos constats : l’absence d’autonomie financière des communes rurales, la nécessité de mendier auprès des collectivités de rang supérieur (CG, CR, état) pour tout équipement important, obèrent gravement la capacité de développement équilibré des dites communes rurales.

De même, la propension des grandes communes à rejeter les problèmes sur les petites communes de très lointaine périphérie est absolument flagrante. Je ne dis pas autre chose lorsque je parle d’hyper étalement urbain provoqué par les règlementations : les communes des agglos « centrales » rejettent sciemment les couts de développement sur les petites communes rurales et elles s’en lavent les mains !...

l’hyper étalement urbain n’a rien d’un « argument incertain ». Pour prendre l’exemple que je connais le mieux, le pays de Retz (mais mes contacts m’abreuvent d’exemples similaires autour d’agglos autres comme Lyon, toulouse, montpellier, etc...), on constate que l’augmentation moyenne de population de ces communes (dont la plus grosse a 12 000 habitants hors période estivale, et dont la plus proche de Nantes est à 15km du périph’) a été de 2,5% par an depuis le recensement de 99. soit pratiquement 20% en moyenne en 7 ans, mais avec des disparités. Des communes ont gagné jusqu’à 30% de population en peu de temps, et le surcroit de recettes fiscales ne compense pas la charge créée, faute d’autonomie fiscale, on en revient au point précédent...

Or, jamais ces personnes qui s’installent dans des communes sans services n’auraient envisagé de telles distances si elles avaient pu trouver du foncier abordable à l’immédiate périphérie de Nantes (Orvault, Saint Herblain, la Chapelle, Rezé, Vertou, etc...), où le foncier techniquement aménageable est loin d’être rare, mais où le NIMBYisme joue à plein régime.

Pensez que les prix du terrain à bâtir en Euros dans le Pays de Retz étaient supérieurs en 2006 à ce qu’ils étaient en francs en 95 ! Et que les mairies avaient vu les coups de fil pour demande de terrain disponible multipliées dans des proportions inimaginables ! (ça baisse un peu, hors zones littorales, mais à peine...) - Des gens pleuraient au téléphone pour un terrain de 400m2 dans une commune de 3000 habitants sans charme particulier, pour 60 000 Euros ! De la pure folie smiley

Sans parler que bien des maisons sont de fait construites à l’économie : quand une famille avec 2 Smics a payé le terrain à ce prix, elle rogne sur le reste, les gens en gardent souvent à faire eux mêmes. Que le marché stagne (taux d’intérêts...), qu’une famille soit obligée de revendre et elle risque de se retrouver avec un bien invendable. Et le crédit qui court quand même...

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Voila quelques uns des inconvénients sociaux provoqués par le « désir légitime de protéger la valeur de leur propriété » par les masses embourgeoisées installées de la périphérie des grandes agglomérations... Et on dira que les libéraux défendent seulement les riches !


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