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Commentaire de Sylvain Reboul

sur Les Murs du Ridicule


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Sylvain Reboul Sylvain Reboul 3 mars 2008 15:48

Je suis surpris, venant de vous, par la naïveté "techniciste" de votre regard sur l’immigration des plus pauvres dans nos pays moins pauvres en services (sociaux ?), comme vous dites.

Si vous étiez dans leur position désespérante , pourriez-vous nous dire que vous n’ essaieriez pas de profiter vous aussi d’un emploi et de droits sociaux qui vont avec, là où ils sont ?

Mais ce qui me semble curieux c’est que vous en restiez à une vision nationale de l’économie et des services dont vous bénéficiez , alors que ceux-ci ne se comprennent que dans le cadre des échanges internationaux inégaux et celui d’une économie sans frontières, dans un monde où circule sans contraintes les capitaux et les informations. Les entreprises vont là ou elles veulent en vue de profits maximums et vous voudriez empêcher les plu pauvres de circuler et de s’établir alors même que les plus riches peuvent le faire et le font sans restrictions ? le liberté de circuler ne serait-elle qu’un privilège des riches ? Que faire alors des droits de l’homme qui sont au fondements de nos principes démocratiques ?

Sur ce point, vous semblez oublier que les droits de l’homme et des enfants sont dans tous nos pays ou état de droit au dessus des droits des citoyens en cela qu’ils les fondent (ce que l’on appelle l’humanisme philosophique) , ce qui exclue que l’on refuse dans nos pays, sinon le droit au travail, celui aux soins et à l’éducation à des personnes et des enfants qui ne sont pour ces derniers en rien responsables de leur situation. Tous ces droits dont ces personnes n’ont pas la possibilité de faire valoir chez eux et que la misère et le désespoir font partir dans les pires conditions.

De plus et je suis en cela réaliste, vous ne pouvez pas faire semblant de ne pas savoir que les économies les plus dynamiques trouvent un intérêt certain dans l’immigration. Dès lors que vous interdisez aux entreprises d’embaucher légalement , elle le font et le feront dans des conditions illégales encore plus avantageuses pour elles ; c’est pourquoi un nombre considérable de décideurs économiques et politiques aux USA et ailleurs refuse le mur dont vous parlez et réclame plus d’immigrés encore, sous la menace des délocalisations. Ce qui veut dire, si l’on veut ne pas être hypocritement cynique, qu’il vaut toujours mieux intégrer ces travailleurs en leur accordant les droits du travail et les droits sociaux , dans le cadre de la société-monde qui s’affirme comme une réalité irrésistible ( sauf à faire de la violence sur les plus pauvres une violence légitime et à accréditer par là les projets terroristes de ceux qui refusent la modernité et la démocratie), voire le droit de citoyenneté dans la durée, que de leur refuser des services qui tiennent aux droits de l’homme, avant même ceux qui relèvent de la citoyenneté.

Vous ne pourrez refuser, sauf à verser dans la cruauté, à une femme enceinte d’accoucher gratuitement dans nos hôpitaux publics et aux enfants d’aller à l’école au prétexte qu’ils n’ont pas leur carte de citoyenneté.

Votre mur des services ne tiendra pas plus que le mur en béton dans les conditions d’inégalité dont "bénéficie" l’économie capitaliste mondialisée et dont nous profitons encore plus ou moins. Là où tous les biens et informations circulent, les hommes doivent pouvoir circuler. Là où le capital circule, il est vain d’interdire la circulation du travail, sauf à maintenir des inégalités insupportables qui sont une des sources de cette violence sans visage ni frontière qu’est le terrorisme prétendument religieux. Sinon autant, en effet, prétendre interdire l’inondation d’une fleuve qui déborde et les grandes migrations qui ont été et qui sont une constante de l’espèce humaine et dont nous sommes tous les héritiers (c’est, je pense, particulièrement le cas aux USA et au Canada !)...

La première règle pour qui veut penser philosophiquement un problème est de se mettre à la place d’autrui et de mettre autrui en position d’égalité dans la réciprocité, y compris à l’échelle de la planète, ce qui n’est pas le cas : vous savez que vous pouvez avec les moyens qui sont les vôtres vous installer quasiment partout dans le monde. De quel droit ,sinon celui de leurs moyens, interdire le même droit aux autres ?

Reste à gérer et à traiter les effets négatifs et positifs ainsi que les conditions de la mondialisation inégalitaire qui est la source incontournable de l’immigration au bénéfice des plus pauvres, sauf à révoquer l’idée même de justice. Mais c’est une question seconde : l’humanisme de principe est premier par rapport à cette question technique et qui ne peut être politique que parce qu’elle est seconde.


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