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Commentaire de Brieuc Le Fèvre

sur Ecole primaire, zone de non-droit au cœur de l'Education nationale


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Brieuc Le Fèvre Brieuc Le Fèvre 17 mars 2008 08:43

Il n’est pas ahurissant qu’un prof ne puisse pas renvoyer un élève de son propre chef, d’un claquement de doigt, tout simplement parce que le renvoi est une sanction, et en tant que telle, elle nécessite d’être débattue, avec droit de défense de l’élève, comme dans toute décision de justice entrainant une sanction. Le rôle de l’école, c’est aussi d’enseigner les règles de la vie sociale (pacte républicain, fonctionnement de la justice, etc), et elle se doit donc d’être elle même un exemple en la matière ; comment sinon donner à l’élève en faute un sentiment de justice et de confiance dans les institutions, si dès le premier niveau hiérarchique (le prof), c’est le règne de l’arbitraire ? Cela dit, la démission systématique de la hiérarchie de l’EN est un blocage terrible pour l’exercice de cette justice à l’école (appelons cela de la sorte, faute de mieux).

Pour revenir sur un point évoqué plus haut, à savoir le défaut d’éducation d’enfants déifiés, j’émets cette hypothèse : la vie dans les années 60 à 90 a été tellement facile (travaille peu et gagne un bon salaire, et hop ! le monde de la consommation est à toi) a probablement poussé les parents de cette époque à abandonner l’éducation plus stricte qui valait aux périodes antérieures, quand la vie quotidienne était surtout faite d’incertitude et de précarité, voire de disettes à répétition. En ces temps, il fallait bien avoir courage et droiture pour vivre. Dans la société hyper-égoïste d’aujourd’hui, il faut surtout avoir envie. Envie tout de suite de tout ce qui est en vitrine. Les parents, gavés de ce mode de vie, ont passé le virus à leurs enfants, en cédant toujours sur tout, en donnant le cadeau exigé plutôt que de laisser le braillard se rouler sur le trottoir. Les caprices et la colère du tout-petit sont une expression de sa rage devant le constat de son impuissance à faire fléchir l’adulte. Céder au caprice, c’est le conforter dans sa toute-puissance. Ne pas céder, c’est lui apprendre que tout n’est pas possible immédiatement ; c’est lui faire comprendre que la jouissance et le désir sont deux choses différentes, et que si la première est animale et instinctive, le second est humain et naît d’un acte civil (i.e., qui s’insère dans une logique de société).

Bien sûr, il est plus facile de na pas céder quand la demande du gamin est faite en une époque où la rareté et la chereté des objets voulus est un obstacle à la satisfaction. Ne pas céder quand l’objet voulu est une babiole à trois sous que n’importe quel parent peut consentir à payer sans douleur, c’est plus difficile. Par contre, mettre la main dans l’engrenage, c’est presque la fin, car ensuite il faut trouver des arguments pour y mettre fin, et c’est le règne de l’arbitraire des parents (ajourd’hui oui, mais demain non), arbitraire qui va conforter l’enfant dans l’idée que, quand on est grand, on fait ce qu’on veut, en fonction des envies du moment.

Pas facile d’être parent, et surtout pas facile d’être parent éducateur à la retenue dans un monde de débauche matérielle.

Cela dit, que personne ne s’inquiète, la société de consommation ne pourra pas continuer bien longtemps sur un mode de croissance à 5% par an, tout simplement parce que 5% de croissance par an, cela veut dire un doublement de nos capacités productives tous les 14 ans. Pensez-vous que la planète, qui tire déjà la langue, pourra nous suivre ? Non, et il faut nécessairement s’attendre à certains de ce que les gentils économistes qui sussurent à la radio et à la télé appellent fort joliment des "ajustements".


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