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Commentaire de Frédéric Mahé

sur Néandertal, le frère que je n'ai plus !


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Frédéric Mahé Frédéric Mahé 26 septembre 2006 11:53

Ben les amis, je savais que l’Homme de Néandertal était un sujet passionnant, que ce soit un sujet passionnel, c’est une découverte pour moi ! C’est incroyable comme on arrive à trouver des occasions de s’envoyer des gracieusetés, si vous démarrez la semaine comme ça, comment attaquerez-vous votre weekend ?

La cohabitation géographique a dû durer plutôt 50 000 ans, et comme le souligne La Taverne, les contacts devaient être limités. Cependant assez fréquents pour des échanges technologiques, c’est certain. Assez également pour des échanges de reproducteurs(trices) ? On ne sait pas. Le spécimen suspect de métissage est un jeune enfant, ça n’est pas très clair.

Ce qui me frappe, c’est que Nénadertal sert facilement de miroir à notre temps. Au début du siècle, on en fait un arriéré sauvage et brutal, que le Sapiens sapiens a « vaincu » (comme pendant une guerre franc-prussienne, par exemple), faute de l’avoir « éduqué » (comme en Afrique, où nous avons c’est bien connu porté la science et la civilisation). Il est peut-être même mort tout seul, comme un pauvre arriéré dépassé par l’Evolution, loi sévère mais juste. En gros, c’était une espèce de pauvre, ou de sauvage poilu, dommage qu’on ait pas pu lui apprendre à tirer une charrue.

Dans les années 60 et 70 (décolonisation et logique des blocs), Néandertal devient un frère malencontreusement et massivement exterminé par le Sapiens sapiens, lors d’une guerre de territoire continentale. On concède qu’il a pu parler, mais des sons grossiers et gutturaux, il devait surtout parler par gestes et ne dire que des trucs très simples. Un bon sauvage pacifique face aux méchants colonisateurs.

Dans les années 80, le bon sauvage devient un vieux sage de la nature (voir les romans de Jean Auel). Il connaissait les plantes, était religieux, et peut-être même (suivez mon regard) plus intelligent que certains d’entre nous, il avait un plus gros cerveau. Il a dû y avoir des métissages (ah l’amour !), il doit rester des traits néandertaliens en nous. Un bon grand-père près de la terre et des plantes, certainement pacifique, garanti sans additifs chimiques, le vrai baba bobo.

Années 90 : alors là on ne rigole plus, la génétique entre en scène. On gratte des os, et on affirme que « à coup sûr » il s’agit d’une autre espèce. On a obtenu une fraction ridicule d’ADN, mais tant pis, on affirme à grands coups de publications, pas d’interfécondité. Tantôt on parle d’ADN normal, tantôt d’ADN mitochondrial, pas grave, l’enjeu est de lui trouver une altérité incontestable : pensez, si on l’a tué, autant que ce ne soit pas un frère, ni même un vague cousin à la rigueur, il faut à tout prix que ce soit une autre espèce.

Et maintenant ? Ben comme vous le voyez, tout le monde se dispute sur le sujet. Un frère ? Un pote ? Un Autre ? Chacun juge en fonction de ses convictions, et souvent de ses fantasmes à propos de ce qu’est un Homme.

Ce qui est rigolo, c’est qu’à chaque période, les arguments scientifiques sont là, bétonnés, bien carossés et bien coupants, mais terriblement datés et il me semble, socialement et historiquement très situés.

Et si finalement nous n’y étions pour rien ? Si ce pauvre Néandertal avait disparu tout simplement parce qu’il ne se reproduisait pas assez vite pour compenser ses pertes ? Ou à cause d’une épidémie lente ? Ou parce que le changement climatique lui avait été défavorable ? Il mangeait 95 % de viande, du gibier, des huîtres et très peu de poisson. Un coup de canicule ou de frimas un peu prolongés et hop !

Mais ça, ce serait inacceptable. Par ce qu’à ce moment, ça voudrait dire que nous aussi, on pourrait très bien disparaître .. comme ça, tout seuls. C’est ça, que nous apprend Néandertal, et qui nous rend mal à l’aise, et qui fait que nous voulons à tout prix en faire la victime de quelque chose de simple à comprendre : l’homme, ça peut s’arrêter un jour.


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