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Commentaire de Achéron

sur Carcassonne : quand l'armée française tire sur la foule


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Achéron 3 juillet 2008 14:01

@ Cambronne

En tant qu’ancien militaire, Sous-Officier munitionnaire de mon unité puis Instructeur de Tir de mon régiment je vais me permettre d’apporter quelques précisions, tant m’indisposent les commentaires et les supputations des uns et des autres. Qu’ils soient journalistes ou non et n’ayant probablement, pour une majorité d’entre-eux, jamais tenu cette arme dans leurs mains de leur vie, leur acharnement à tirer des hypothèses scabreuses à partir de données techniques qu’ils ont raccolées de gauche et de droite afin d’en faire des commentaires sans queue ni tête afin de s’autoriser à dire tout et surtout n’importe quoi à le don de m’exaspérer.

plusieurs précisions donc ...

Le BTB n’empêche en rien le tir de munition réelles : il ne s’agit pas d’une sécurité (dispositif intégré à l’arme, sur lequel l’action de l’homme est impossible, pour empêcher le tir en cas de mauvaise manipulation ou de mauvais fonctionnement de l’arme), ni d’une sûreté (dispositif actionné par l’homme afin de neutraliser le tir). Le BTB est fixé sur le manchon cache-famme de l’arme par une tige enfoncée dans le canon, vissée dans le corps du BTB qui vient prendre appuis sur la partie arrière du cache flamme afin de le maintenir en position. Ce même cache-flamme est maintenu, quant à lui, par un simple pas-de-vis taraudé sur le fût du canon sur à peu près 1.5 à 2 cm (de mémoire). ce qui amoindrit la solidité du canon à cet endroit (fatalement puiqu’il y a moins de métal...CQFD). Ce BTB sert à faire fonctionner le système de réarmement par emprunt de gaz dont est équipé le FAMAS, système inopérant avec des munitions à blanc contenant moins de poudre, et dont le seul but est de produire une détonation. Cette munition reste dangereuse en dessous d’une portée de 3 m (effet de souffle + résidus de poudre en combustion).

CE QUI SE PASSE EN CAS DE TIR AVAC UN BTB  : Si une munition de type "guerre" est mise à feu, le projectile vient heurter la tige filetée en acier du BTB qui mesure environ 8cm. Un point de rupture se produit donc au niveau de la base du pas de vis du cache flamme qui retient lui-même le BTB : le canon casse net et le projectile projette le BTB à quelques mètres,. Cette "fragilité" du canon permet de protéger le tireur de l’explosion de son canon, en cas d’obstruction involontaire (caillou, bouchon de boue, etc.). La suite est logique : plus d’obstruction du canon, donc le tir se poursuit normalement (si on est en rafale), un peu comme avec un fusil à pompe avec un canon scié... avec les mêmes répercussions sur la balistique (plus de dispersion des balles suivantes, conjugué à l’effet naturel de dispersion dû aux rampes hélicoïdales participant à la mise rotation de la munition, contribuant à l’augmentation de sa vélocité, à l’accroissement de son pouvoir de perforation et à la diminution de la flêche de sa courbe de trajectoire). Ce type d’incident arrive "fréquemment" dans les unités de combat (j’en ai été le témoin) notamment lors des exercices de tir de nuits inclus dans des périodes de "Drill" terrain de plusieurs jours : la fatigue aidant, l’attention des cadres peut se relâcher et l’inspection des armes réglementaire avant tout tir et obligatoire après chaque séance (voire à chaque montée/descente de l’arme sur le pas de tir) être "bâclée", ce qui n’est pas pour autant une excuse...

EN CE QUI CONCERNE LES MUNITIONS DE GUERRE NON REVERSEES  : Hier soir dans l’émission "C’est dans l’air" sur ARTE, il a été dit par l’un des intervenants miltaires d’un des reportages que le munitionnaire de l’unité élémentaire (la compagnie, pour les néophytes) responsable de leur distribution au pas de tir à droit à un taux de perte des étuis (le terme douille est réservé aux munitions d’un calibre supérieur à 20mm, soit dit en passant, mais là je pinaille...) de 4/1000. Exact. mais ce taux monte à 10/1000 en cas de tir sur "stand" ouvert (comprendre : en pleine nature)... ce qui inclus de tirer dans des conditons parfois exécrables : boue/neige/sable... où retrouver TOUS les étuis devient parfois une gageure. Ce qui nous amène généralement, enfin quand je dis nous je devrais plutôt dire le sous officier munitionnaire, à adopter un "système D" (baptisé le "French System" par non amis anglo-saxons, ça veut tout dire...) regrettable mais tout -à-fait compréhensible : plutôt que de passer 3 heures (au sens propre du terme) à râtisser la zône de tir (impératifs horaires oblige) et sachant que les munitions tirées en stand "couvert" sont généralement retrouvées à 100%, le Sous-Off TAM (Tir-Armement-Munitions) prélève lors des séances de tir en stand lourd les fameux 4/1000 jusqu’à ce constituer un petit stock de munitions "de secours", qu’il suffira de faire tirer ultérieurement pour "avoir le compte" en cas de dépassement des quotas de perte... Pourquoi ne pas ce contenter de prendre des étuis de munitions déjà tirées, me direz-vous à juste raison ? Parce qu’il est notoire dans toutes les unités de combats (dans toutes celles que j’ai fréquentées en tous cas...) que certains se constituent généralement des "chargeurs de sécurité", "pour le cas où"... Je l’ai vu faire à maintes reprises.

Je crois qu’il est temps que nos officiers arrêtent un peu l’hypocrysie dont ils font preuve sur un sujet dont TOUS sont parfaitement conscients... Ce "malheureux" sergent du "3" devait en faire partie, et l’automatisme acquis par le biais du Drill aidant, la catastrophe est arrivée, tout simplement, sans que celui-ci soit un dangereux psychopathe de retour des opérations sur le front Afghan, comme le sous-entendait lourdement l’animateur de l’émission d’hier soir... ce qui m’a profondément agacé... Il s’agit, je le répète, d’une "triste"/"malheureuse" boulette (les qualificatifs ne manquent pas) d’un seul, ce qui ne nécessitait pas qu’on jette l’opprobre sur une profession toute entière... 

Dans ce cas, et s’il veut rester logique avec lui-même, il ne reste plus à notre Président, chef suprême des armées, qu’à démissionner de ses fonctions, pour l’honneur et pour l’exemple (qui, paraît-il, doit toujours venir d’en haut, du moins, c’est ce qu’on nous apprend, à nous autres militaires...). Mais les politiques sont passés maîtres dans l’art de désigner les autres "aux lions" afin d’éviter d’y être eux-même... Je pense également, en passant, que Mr Sarkozy vient de se couper d’une partie non-négligeable de son électorat... mais ceci est une autre histoire...



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