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Commentaire de Zawgyi

sur La Chine : démesure en tout et réussite insolente


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Zawgyi 12 août 2008 11:21

Il est vrai que les Chinois ont tout inventé bien avant les Occidentaux. J’en veux pour preuve l’encyclopédie des inventions chinoises qui a été publié récemment. Mais, l’auteur de l’article manifeste cependant une grande méconnaissance de l’histoire de la Chine. Les empereurs n’ont jamais soutenu les savant et autres chercheurs par amour pour la modernité.

Tout d’abord, la Chine n’a jamais été à la recherche de la modernité. Son histoire montre en effet que sa culture est millénariste, orientée vers la recherche d’un âge d’or passé, un peu comme dans la philosphie d’Aristote. Pour les Chinois d’avant le communiste, il existait un âge d’or dont l’équilibre a été rompu. A l’empereur de faire en sorte de retrouver et de maintenir son équilibre. La philosophie chinoise n’a ainsi jamais été tournée vers l’avenir, mais vers la perduration de la sagesse systématisée par ses grands penseurs antiques : Conficius, Lao Tseu, etc... Cela se retrouve dans le modèle d’éducation à la chinoise où il fallait connaître par coeur les écrits de ces auteurs pour devenir Mandarin. Il ne fallait surtout pas faire preuve de faculté de réflexion ou d’innovation. Enfin, l’histoire de la Chine montre que jusqu’au communisme, les luttes pour le pouvoir se sont toujours faites entre trois idéologies dominantes et présentes depuis des siècles : le confucianisme, le taoisme et le bouddhisme.

De plus les empereurs n’ont jamais encouragé la modernité pour d’autres raisons : il était hors de question que les inventions ou le progrès qui résulteraient de l’innovation leur échappent. Ainsi, les Chinois avaient très tôt mis au point des horloges, mais elles ne sont jamais sorties du domaine royale car le temps n’appartenait qu’à l’empereur, garant de l’équilibre divin. De même, malgré l’invention de la poudre à canon, les armes à feu ne se sont jamais développé en Chine alors que l’évolution fut rapide en Occident. En fait, le progrès ne s’est jamais fait jour en Chine malgré les nombreuses inventions à leur actif, car toute innovation relevait du domaine du divin et donc de l’empereur. Le but des inventeurs n’étaient donc pas d’introduire de la modernité et de favoriser le progrès de la société chinoise, mais simplement d’acquérir les bonnes grâces de l’empereur afin d’obtenir des terres et de devenir ainsi des nobles rentiers.

Car n’oublions pas que le fondement de l’économie de la Chine a toujours été la terre. C’est le but de tout Chinois encore aujourd’hui : devenir propriétaire. Toutes les révoltes se sont faites sur ce thème, lancées par les paysans. Même Mao a fondé sa révolution sur la paysannerie chinoise, à l’inverse des Soviétiques. Deng Xia Ping a accordé le droit de cultiver librement la terre, justement pour éviter une révolution en période de famine. Et c’est à la suite de cette réforme qu’il a sorti sa célèbre phrase sur la couleur des chats : il s’agissait d’une réponse aux critiques des durs du PC chinois, encore défavorables à la propriété privée. L’auteur fait donc ici une mauvaise interprétation. Cela montre simplement l’intelligence de certains dignitaires chinois qui ont su s’adapter aux circonstances, comme c’est encore le cas aujourd’hui avec une libéralisation économique encadrée à la manière communiste. C’est simplement une preuve de réalisme et non de modernisme. C’est d’ailleurs plutôt un aveu de défaite du communisme chinois.

Quoiqu’il en soit, je partage l’avis de nombreux commentateurs : le miracle chinois est en fait un peu un mirage chinois. La croissance actuelle est fondée sur des investissements massifs qui ont créé une bulle financière qui risque d’éclater à tout moment. De plus, viennent s’ajouter les problèmes énergétiques, environnementaux, et surtout sociaux : les campagnes grondent alors que les expropriations se multiplient et que la corruption devient pandémique. Et si l’histoire de la Chine nous a appris quelquechose, c’est qu’il faut se méfier du paysan chinois. La Chine pourra-t-elle encore maintenir cette stabilité apparente quand les mouvements s’organiseront, quand le chômage apparaîtra du fait des délocalisations qu’entraînera la hausse des salaires ? (Adidas vient déjà d’annoncer qu’elle délocalisait ses usines au Vietnam où la main d’oeuvre est moins chère). Les ouvriers continueront-ils à travailler dans ces conditions en voyant le reste de la société s’enrichir ? Les exportations pourront-elles se maintenir en cas de hausse brutale des coûts du brut ?

La croissance chinoise est liée à bien trop de "si" pour se maintenir à ce niveau. Sans oublier que les principaux consommateurs ne sont pas en Chine mais aux USA et en UE : qu’adviendra-t-il du miracle chinois en cas de récession dans les pays occidentaux ?


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