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Commentaire de Illel Kieser ’l Baz

sur Le crime d'inceste désormais au pénal ?


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Illel Kieser ’l Baz 30 janvier 2009 14:13
@La Taverne des Poètes
 
Vous dites :
Ce qui est proposé ici est de créer un crime d’un genre nouveau et non pas simplement de rétablir des qualifications criminelles supprimées comme la zoophilie par exemple, délit supprimé du Code pénal en 1791 qui a dépénalisé les comportements homosexuels et zoophiles en vertu de l’article 4 de la Déclaration des drois de l’homme "la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui". La zoophilie est de nouveau punissable en France depuis 2004.
 
Il ne s’agit pas tout à fait de cela, pour la France. Ailleurs le crime d’inceste (défini plus ou moins comme cela s’est dessiné à travers certains commentaires) est déjà inscrit dans les tablettes.
Ce n’est pas une nouveauté. L’interdit était inscrit explicitement dans les usages juridiques anciens. En témoignent de nombreuses définitions qui ont conduit Françoise Héritier à définir une théorie de l’inceste du deuxième type (au-delà des liens biologiques)
Le terme inceste a été effacé des règles écrites et du code pénal en 1804 et tous les historiens du droit s’accordent à dire que, depuis, les règles d’application de l’interdit demeurent imprécises. (Selon Agnès Martial, S’apparenter).
Mais votre glissement en parallèle avec la zoophilie et l’homosexualité introduit un trouble. Heureusement, vous le rappelez : « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Précisément les actes d’inceste répété, soumettant la jeune victime durant des années nuisent gravement à leur structuration psychique. Cela, il faudra bien en tenir compte un jour. Il s’agit d’un crime spécifique, perpétré par des prédateurs d’un type singulier dont les méfaits s’étendent largement au-delà du cercle familial. Là, la société est globalement concernée.
 
Je précise [...] C’est cela l’unanimité sans doute !!!
 
Très sincèrement, je me fiche de la couleur des mots du rapport, le code civil et le code pénal sont écrits en noir sur blanc. La vigilance nécessaire à la lutte contre une politique ultra sécuritaire et de la peur impose d’autres angles de vue et renvoie à d’autres stratégies. Sous l’argument moral gisent des intentions plus ambigües, d’ordre politique. Je vous renvoie l’argument.
 
- S’il y a, disent certains, un vide juridique, [...] Il convient de prendre en compte les particularités de chaque affaire...
 
Bien entendu ! Comme si les juges et autres acteurs sociaux vous avaient attendu pour tenter d’adapter des procédures à chaque cas. Mais que peuvent les juges quand le législateur traîne les pieds ?
 
 
 On ne peut imposer une criminalisation de l’inceste sans prendre en compte ses différents composantes et son histoire : extrait de mon article précité :
 
 Imposer une criminalisation... ? Il me semble que vous allez un peu trop loin, restez dans le champ de notre article. Rien ne laisse présager ce qui va se passer dans les prochains mois. L’objectif de l’article était d’informer. Pour la suite, étant donné votre engagement vous pouvez faire ce que vous avez à faire.
Je reviens sur cette allégation qui laisse supposer qu’il faille relativiser la criminalisation de l’inceste en tenant compte des particularités de son insertion dans l’histoire.
En préalable, quand on croise une victime rescapée de l’inceste, ce ne sont pas tant les savantes déductions de Durkheim mais de faire, d’abord, un état des lieux, faire une évaluation des conséquences (quand on accède aux souvenirs, s’il n’y a rien, on attend et on fait avec ce qu’on a) Et, avant de faire quoique ce soit on s’intéresse au contexte de la personne : son mode de vie, son milieu socioprofessionnel, etc. Cela ne se fait jamais en une seule fois... La plupart du temps force nous est donnée de constater l’ampleur des dégâts. (Je me répète, quand on connaît la source du problème) Ces dégâts s’étalent le plus souvent sur plusieurs années et plus le temps a passé moins la blessure a pu se cautériser. Au fil du temps, des mois, des années, des décades, on en croise de plus en plus souvent et on se dit que, décidément, ça fait des dégâts cette chose-là ! Nos vieux qui disent : « Bah, d’mon temps sa ’sréglait en famille... » ne sont plus tout à fait dans le coup. Il se passe quelque chose à tous les étages de la société et de son mode de fonctionnement, de ses idéaux, s’il en reste, et de ses moyens de sauvegarde. Mais, en attendant de régler un problème de philosophie, il nous faut faire face. Alors le relativisme culturel ou historique ...
Non que je sois opportuniste au point de laisser de côté un souci de cohérence. Je réponds plus loin à la critique qui ne manquerait pas de venir.
Et quand bien même serais-je un relativiste pur et dur, je me dois d’enregistrer que, sous nos cieux, sous nos cultures, la pratique de l’inceste fait des ravages. On fait de ce constat ce que l’on veut mais on doit alors se poser la question suivante : existe-t-il dans l’Histoire des sociétés qui ont duré tout en sacrifiant sciemment certains de leurs membres ? Des sociétés qui ont toléré, par le déni, par le silence la perpétuation d’un acte qui empêchait d’autres membres de s’épanouir et de vivre pleinement leur identité ?
Vous voyez que, peu à peu, sans changer de thématique, je peux passer du registre de l’enfant violé à d’autres objets sourds de nos cultures, on remplace enfant par main d’œuvré étrangère, par ouvriers, par intermittents du spectacle... ? À des degrés divers de soumission, on voit se dresser le profil prédateur d’une société qui se transforme en un molosse cannibale. Quoi de surprenant alors de laisser s’épanouir des prédateurs domestiques rendus libres de leurs actes par un consensus environnant ?

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