• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Bernard Dugué

sur Plan Fillon : trop peu, trop tard


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Bernard Dugué Bernard Dugué 4 février 2009 13:44
ntervenir ou pas face à « la crise » ? Bretton Woods ou plan social Marshall (D-2) ? 		 	 	 	A l’occasion de la crise financière de 2008, nombreux sont ceux qui en appellent à un nouveau Bretton Woods. L’occasion de suggérer une seconde version de mon propre plan après avoir réfléchi à la nécessité d’intervenir au niveau monétaire, étatique, et d’agir sur la crise économique.

Ceux qui invoquent Bretton Woods jouent sans doute sur le côté incantatoire de ce nom aux consonances magiques et symboliques. Bretton Woods, c’est un symbole fort, non pas pour les Chinois ou les Russes, mais pour les Occidentaux. Ces accords sont intervenus en 1944, alors que les Etats-Unis sortaient de la dépression de 29 et que le nazisme allait être vaincu. 44 nations alliées ont participé aux négociations pour établir un système monétaire capable de permettre les échanges internationaux et, par voie de conséquence, la reconstruction des pays ruinés par la guerre de 39. L’Occident n’a pas vécu une crise, mais un désastre. On comprend le côté presque magique du mot Bretton Woods. Un peu comme dans cette petite province du monde. Ses habitants invoquent parfois le Grenelle. Dont les accords ont symbolisé la réconciliation nationale après le déchirement consécutif à cette crise sociale que fut Mai-68.

Les dirigeants européens préparent un nouveau Bretton Woods. C’est ce qui se raconte dans la presse. Après le Grenelle de l’environnement qui va sauver la planète du désastre climatique, voilà le Bretton Woods européen qui va sauver le monde (crise de rire). Plus sérieusement, tous les analystes, y compris J.-C. Juncker, un peu au fait des choses économiques, savent qu’évoquer un nouveau Bretton Woods est déplacé car nul ne sait quoi y mettre comme mesure, ni comment réformer le système monétaire. Car tel fut l’objectif de ces accords signés en 1944 dont l’effet fut positif pour l’économie ; tandis que les esprits critiquent y ont vu aussi un outil pour la domination des Etats-Unis à travers la position du dollar comme monnaie de réserve et de référence. Toutes les monnaies furent définies par rapport au dollar et seul le dollar est défini par rapport à l’or, dont 80 % des réserves étaient entre les mains des Américains. 35 dollars l’once. La crise de confiance des années 1970 a engendré l’abandon de ce système au profit des changes flottants ; suggéré par Friedman et l’école de Chicago. Et notre seul Nobel d’économie, Maurice Allais, de voir d’autres problèmes apparaître, notamment la création de produits financiers complexes. Mais est-ce vraiment la faute de ce système flottant. La crise de 2008 montre que les banquiers n’ont pas forcément besoin de jouer sur les changes pour créer ces produits de plus en plus complexes, avec les subprimes titrisées, par exemple. Quant à Bretton Woods, le symbole paraît bien déplacé et mal employé, surtout par Sarkozy, mais nous sommes habitués. Surtout que ces accords ont assuré la domination du dollar (mais la fin de cette hégémonie est proche). Après la guerre, ce qui a permis de retaper les économies européennes délabrées c’est surtout le plan Marshall. Et si un plan devait être appliqué, ce serait pour renflouer les gens délabrés et, donc, un plan Marshall social.

 

Faut-il intervenir sur la crise qui semble se dessiner sans être certaine ? L’urgence est pour une bonne part décidée pour répondre aux hantises de cette crise amplifiée par les médias. Comme l’explique parfaitement Carl Schmitt, les époques définissent un problème prépondérant et les sociétés s’imaginent qu’en le solutionnant le reste suivra. Ainsi pense-t-on qu’un nouveau Bretton Woods s’impose. Mais cette crise n’invite-t-elle pas à revoir le type de société occidentale basé sur une frénésie productiviste et une consommation effrénée avec une hystérie du crédit ? Une addiction généralisée des masses et classes. Une addiction qui cette fois marque le pas. L’utile n’est pas sacrifié, le futile oui. Ne voit-on pas aussi d’autres questions de société qui perdurent et que les gouvernants oublient pendant que les affaires des financiers et des classes économiques prospèrent ? La jeunesse, l’éducation, les valeurs, les inégalités, la drogue, les addictions, les inégalités, les banlieues, l’incivilité... On comprend bien (comme Schmitt) qu’au cas où tout rentrerait dans l’ordre, ces problèmes perdureraient. Et puis comme le notait un observateur du Credoc, en supposant une baisse de pouvoir d’achat de 4 points sur deux ans ramènerait le niveau matériel de 2010 à celui de 2004. Etions-nous malheureux et démunis à cette époque ? Non, sauf un cinquième de la population dans une situation précaire et ce sera ce même cinquième qui paiera le plus lourd tribut à cette éventuelle récession.

On comprend que tout est relatif et qu’il y a largement de quoi satisfaire tous les gens, sauf que les gens, plus ils montent, plus ils deviennent insatiables. En bas, la raréfaction du pouvoir d’achat renforcera certainement le développement des solidarités familiales déjà en place depuis des années. J’ai eu vent d’un jeune de 27 ans retournant habiter chez sa mère. Pourtant il a un job, mais sans doute insuffisant pour mener une vie décente, épargner, une fois le loyer payé. 


Dernier volet, le plan que j’avais proposé. Et que je vais tenter de préciser et élargir dans un contexte international. Voici le plan Dugué-2, dans l’esprit d’un plan Marshall social. Le principe, une création nette de monnaie sans dette, bref, selon un mécanisme distinct de celui de la BCE. J’avais misé sur 600 milliards d’euros. Mais soyons audacieux doublons la mise (ou triplons si on veut un plan sur trois ans). Prenons un ménage français. Une personne seule reçoit 200 euros par mois. 300 pour un couple. La durée est doublée par rapport à mon plan initial. Une astuce, verser en une seule fois la somme sur un compte bancaire qui ne rapportera pas. Et chaque mois, le ménage pourra débloquer son montant mensuel. C’est sympa, ça fait une belle petite somme. Pour les banques, ça crée d’un seul coup des actifs liquides sous forme de dépôt. 7 200 euros par client. 9 200 pour un couple. Ce dispositif est étendu à la zone euro. Et pourquoi pas une extension généralisée ?

D’ailleurs, une extension est nécessaire parce que la création nette de centaines de milliards d’euros risque de faire chuter la devise européenne. Mais si toutes les monnaies jouent le même jeu, alors il est possible, avec un bon calcul, de ne laisser invariantes les parités. Le principe est simple, comme en physique l’invariance par changement de jauge. Prenons deux sources électriques dont les potentiels sont de 100 et 200 volts. Si on les relie, un courant va passer. Admettons que l’on ajoute 20 volts pour chaque source. Nous retrouvons avec 120 et 220 volts et le courant circulant sera le même. Admettons que l’on crée par exemple une quantité Y’ de yens, face à la création de E’ d’euros. Si le calcul est bien fait, proportionnel aux masses monétaires respectives, eh bien la parité yen/euro, qui dépend des échanges de devises, en quelque sorte l’équivalent du courant électrique, cette parité ne sera pas modifiée. Il est possible de faire entrer toutes les devises sous réserve que les pays participent à ce nouveau contrat social et économique mondial.

Mais, au final, une telle idée est bien trop généreuse. Elle aurait pour conséquence d’atténuer les inégalités de revenus. Et je ne suis pas certain que ça corresponde à une aspiration des peuples, à une profonde demande des sociétés. Et comme ça n’apporte aucun avantage aux élites, il est préférable d’enterrer ce plan avant même qu’il ne soit discuté. Le monde peut très bien tourner avec des tas de précaires, de pauvres. Et quand il y aura moins de ressources à se partager, ça sera ramadan ou shabbat pour les uns, carême pour les autres. De quoi régénérer l’âme du monde par une abstinence économique ?


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès