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Commentaire de Christophe

sur Le retour de la circulaire Bolkestein


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Christophe (---.---.58.18) 13 février 2006 23:29

Monsieur,

Vous avez sans doute une approche qui vous semble justifiée, et je la respecte. Cependant, je ne suis absolument pas en accord avec votre approche qui me semble très naïve dans votre connaissance des relations du travail.

Rappelons cette phase :

« “Modèle social européen”... je ne comprends pas bien le sens de cette expression » Frits Bolkestein, France Inter, 6 avril 2005

Ensuite, reprenons quelques propos d’économistes sur cette directive avant le vote sur le TCE qu’il semble vous tenir à coeur d’imposer démocratiquement :

Le gouvernement français, en proie à quelques légères angoisses électorales, a obtenu de ses partenaires européens que l’épouvantail du projet de directive européenne dite Bolkestein soit remisé le temps qu’il faudra. Evidemment, il faut avoir le sens du merveilleux pour imaginer la directive « services » totalement terrassée, ou une certaine tendance à l’affabulation pour nier qu’elle réapparaîtra propre comme un sou neuf sitôt dissipée la « chienlit » populaire. Frédéric LORDON, chercheur au CNRS, au Bureau d’économie théorique et appliquée (mais pas spécialiste de l’art divinatoire)

Revenons à votre raisonnement :

Pour votre information, absolument rien ne garantie à un expatrié les conditions française dès lors qu’il est sous contrat dans un pays de l’Union dans une entreprise n’appartenant pas au territoire national ; c’est le cas que vous citez concernant les propositions de délocalisation en Roumanie ou ailleurs. Cependant, il faut admettre qu’un salarié d’une entreprise française peut être « détaché » dans une autre pays en ayant droit aux convertures sociales françaises (au minimum) par l’application d’articles du code du travail ; code, si je ne m’abuse qui est largement attaqué par le patronat français et étant donné que je ne crois guère aux hasards, entre dans la ligne de conduite logique du développement actuel de l’Europe que vous semblez appeler de tout coeur.

La relation que vous faites entre les différentes notions de services publics mettent en évidence que les derniers bastions publics seront maintenus par le principe de dérogation ; une dérogation n’est guère un système viable à long terme et nous nous engageons, cela est incontestable, vers la disparition totale desdits services qui seront maintenus, pour un temps, sous la perfusion de la dérogation.

Lorsque vous citez l’Espagne et l’Irlande, je tiens à vous signaler qu’ils n’ont pas attendu cette directive pour progresser socialement. Certes, ils ont progressé, je vous l’accorde mais le PPO n’y est absolument pour rien. Or, le PPO a un autre objectif ; sinon quel serait l’intérêt de mettre en pratique une directive qui finalement ne servirait à rien ? Ne serait-ce pas prendre des vessies pour des lanternes ? Bien sûr vous abondez, comme moi par ailleurs, vers une homogénéïté des statuts sociaux. Cependant, vous laissez entendre que l’opposition à une telle directive serait purement et simplement du protectionnisme, vois même du nationalisme. Si l’objectif de la Commission de Bruxelles consiste à oeuvrer en ce sens, pourquoi, alors, avoir refuser :
- d’intégrer une clause de non régression sociale permettant de laisser le temps aux pays membres moins avancés socialement d’assurer leurs progrès en assurant aux autres de conserver leur niveau propre (certes cela risque d’engendrer une contradiction avec le marché libre et non faussé ; pierre angulaire de la construction européenne)
- de définir des minima sociaux, au niveau des moins bien lotis, pour initier ainsi leur évolution vers le haut en faisant par la suite progresser ces minima en fonctions des diverses possibilités.

L’homogénéïté économique est certes recherchée par l’Union Européenne ; l’homogénéïté sociale découlera de l’économie car jamais l’Europe n’a daignée s’attaquer à cette lourde réforme nécessaire pour atteindre un objectif d’Europe sociale. J’appuierai d’ailleurs cet argument sur les propos de Antoine Rémond : À l’issue du dernier Conseil européen des 22 et 23 mars, le président de la République a affirmé qu’il avait obtenu la « remise à plat » de la proposition de directive Bolkestein, qu’il avait demandée en janvier 2005. Les conclusions de la présidence du Conseil ont indiqué que « le marché intérieur des services doit être pleinement opérationnel tout en préservant le modèle social européen ». Pourtant cette précision n’est pas nouvelle. Lors de la deuxième discussion au conseil sur la compétitivité, les 25 et 26 novembre 2004, celui-ci avait déjà souligné que « la directive ne porterait pas atteinte au modèle social européen ». Cette référence doit être considérée pour ce qu’elle est : elle n’offre aucune garantie sociale étant donné que, d’une part, il n’existe pas de modèle social commun clairement défini et que, d’autre part, le principe du pays d’origine (PPO), cause d’un possible dumping social, n’a pas été retiré par le Conseil. Et pour cause : lors de la deuxième discussion, il l’avait considéré comme « un élément essentiel de la proposition de directive ». Il n’y eut donc rien de nouveau au conseil de printemps si ce n’est que, en y regardant de plus près, la « remise à plat », ça fait « pschitt ».

Encore une fois vous revenez sur le TCE. Critiqueriez-vous le bien fondé des préceptes Démocratique de notre vieille République ? Les français ont jugés, peut-être à tord, peut-être à raison ; personne ne détient de vérité absolue ! Par contre, votre critique sur le mal lu et le mal interprété est, à mon sens déplacée. Etes-vous le dépositaire de l’entendement des textes juridiques ?

De surcroît, vous laissez entendre que les nonnistes portent la responsabilité non d’un avis, mais d’un report desdits textes. La encore, nos valeurs démocratiques sont quelque peu malmenées, n’est-il pas ?

D’après l’avis de certains spécialistes, nous pourrions faire un petit point sur des positions avant le vote sur le TCE :

Vingt ans de promesses de prospérité, de certitudes d’économistes et d’experts catégoriques. Qui se souvient des monts et merveilles annoncés à la veille du « grand marché » de 1993 ? La directive Bolkestein nous les promet à nouveau, avec en elle la même foi granitique en l’universelle efficacité de la concurrence. Mais, coinçant les entreprises entre des prix industriels qui baissent et des exigences de rentabilité financière qui montent, la concurrence généralisée n’a rien généralisé de plus que l’ajustement salarial et la précarité. Par un extraordinaire privilège idéologique, le modèle du marché jouit donc de la possibilité de prolonger indéfiniment ses expériences en vraie grandeur en dépit de ses échecs répétés : des décennies de libéralisation sans le moindre effet, sinon sur le pouvoir de négociation des entreprises ; autant de baisse du coût du travail sans le moindre tremblement spécifique sur le chiffre du chômage. En attendant, réservant l’éventuel surplus de richesse créée à quelques-uns au prix de l’inquiétude de tous les autres, la concurrence généralisée dévaste la société. Or voilà que pour la première fois depuis qu’elle a été lancée malgré elle dans l’aventure néolibérale, la société se trouve confrontée, non plus aux seuls symptômes, mais aux vraies causes de sa dévastation. Frédéric LORDON, chercheur au CNRS, au Bureau d’économie théorique et appliquée

ou encore :

On l’a bien vu avec la directive Bolkestein. La réaction de certains va forcément être : les Polonais, les Lituaniens, les Lettons, dehors, ne venez pas nous piquer nos emplois et faire du dumping social et fiscal chez nous ! Or le problème n’est pas « non aux autres », mais « oui à la progression des normes sociales partout comme condition de coopération et d’échanges non destructeurs en Europe ». Solidarnosc a fort heureusement dit la même chose à propos de la directive Bolkestein. Jean Gadrey, Professeur émérite d’économie à l’Université Lille I

Je vous recommande la lecture de l’article du monde du 09/04/05 : http://econon.free.fr/R%E9mondleMonde.html

Je vous renvoie donc à l’avis d’une Organisation Syndicale (La tribune du 10/02/06) qui semble assez bien connaître le monde du travail et peut reposer son jugement sur des conseillés juridiques : http://www.latribune.fr/News/News.nsf/AllByID/ID27D49199F5E5423DC1257111002 FCC3E*-Directive-%C2%ABServices%C2%BB-(Bolkestein)---FO-maintient-sa-demande-de-retrait-du-projet ?OpenDocument

Certes, vous ne serez pas en accord avec ces propos, comme je ne le suis avec les votres. Mais comme le dit Personne, vous faites un raisonnement en partant d’une hypothèse fausse ; et en appliquant un principe de logique initié par Aristote Avec du faux, je fais ce que je veux !


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