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Commentaire de Daniel RIOT

sur « L'affaire Grégory ! » Merci à Laurence Lacour, honneur d'un journalisme qu'il faut réhabiliter


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Daniel RIOT Daniel RIOT 1er novembre 2006 14:06

Personnellement, je n’ai pas vu d’acharnement contre qui que ce soit dans cette excellente fiction-docu. Je cite ici une ITW de Raoul Peck dans « affaires criminelles » "- Qu’est-ce qui fait la singularité de l’affaire Villemin ?
- C’est l’une des affaires les plus lourdes et les plus médiatisées de ces 60 dernières années... Il n’y a qu’à voir la polémique qui entoure la sortie du téléfilm. Mais en ce qui me concerne, mon approche est toute personnelle : je ne me suis pas intéressé à l’affaire en tant que cinéaste, celle-ci est venue à moi. Il y avait urgence pour les époux Villemin : ils étaient terrorisés à l’idée qu’une chaîne de télévision ne s’empare de l’affaire pour réaliser des audiences mirifiques. C’est pourquoi je m’y suis consacré.

- Une affaire complexe... ou très simple, au contraire ? Cette affaire paraît embrouillée alors qu’elle est limpide. Mon propos n’est pas d’accuser telle ou telle personne. Jusqu’ici, il fallait être pour ou contre Christine Villemin ou Bernard Laroche. Une stratégie qui permettait aux avocats de brouiller les pistes, et de cacher des choses peu avouables. Mais quand on se donne la peine d’enquêter, on trouve. Et les arrêtés de justice sont clairs... Celle-ci n’a pas abdiqué comme certains le pensent. Il est trop facile de croire pouvoir se faire une opinion à partir de quelques articles parcourus dans la presse. Et peu de journalistes ont fait leur mea culpa, après avoir commis l’inacceptable : avoir véhiculé le doute à propos de Christine.

- Insister sur l’innocence de Christine Villemin était l’un de vos objectifs ?
- C’est l’une des résultantes du film, mais ce n’est que le reflet de la réalité : la justice n’a pas trouvé de preuves à son encontre et s’est excusée pour l’avoir mise en cause injustement. Christine accusée, cela permettait qu’on ne désigne pas le vrai coupable. Pascal Bonitzer et moi avons simplement suivi les documents à notre disposition, traité des erreurs des uns et des autres. Quand on suit la chronologie de l’affaire, on se rend compte des moments où gendarmes, juges et policiers ont fait leurs erreurs. C’est au téléspectateur de se forger son opinion à partir de ces faits, pas à nous de leur imposer le coupable. La machine judiciaire, devenue folle, a fabriqué un faux coupable en la personne de Christine. Dire qui a tué Grégory, c’est le rôle de la justice... Ceux qui veulent des accusations plus nettes liront le livre publié par le colonel Sesmat. Pour beaucoup, ce sera une vraie découverte...

- Les atermoiements judiciaires de ces dernières semaines vous ont gêné ?
- Nous avons travaillé durant plus de trois ans en toute discrétion. Certaines personnes, toujours les mêmes, se sont inquiétées de ce que nous faisions... Elles devaient se sentir menacées par la diffusion du film. S’il doit y avoir des poursuites judiciaires, qu’il y en ait. Mais nous avons travaillé avec une dizaine d’avocats pour adopter le comportement le plus digne possible, sans blesser inutilement les personnes impliquées dans ce drame. On ne peut pas parler de la souffrance des uns et ignorer celle des autres.

- Les acteurs sont physiquement très ressemblants, mais leurs noms ont été changés...
- Notre objectif n’était pas d’arriver à une telle ressemblance, même si ça peut sembler absurde. Nous sommes partis sur certains types de visages et, sans trop le vouloir, pour une bonne partie des protagonistes la ressemblance est plus vraie que nature. Nous voulions juste approcher au plus près la réalité de ce drame.

- Qu’ont pensé les époux Villemin de votre travail ?
- Ce sont les seuls dont on traite de la vie privée. Leur montrer le téléfilm était donc une évidence, presque une responsabilité légale vis-à-vis d’eux. La vision des épisodes fut pour eux une confrontation avec la terrible histoire qu’ils ont vécue. Avec « Le bûcher des innocents », le livre de Laurence Lacour, ce film est ce qui se rapproche le plus de leur réalité. Ils m’ont fait part de leur impression que Grégory revit à travers ce film. On oublie souvent qu’il est avant tout question d’un petit garçon qui aurait aujourd’hui 25 ans...

- Laurence Lacour est toujours hantée par ce drame ?
- C’est une histoire qui ne va jamais la quitter... Après avoir passé sept années à écrire ce livre, elle est toujours hantée par le drame. Son ouvrage est une véritable bible consacrée à l’affaire. Après l’avoir écrit, elle a décidé d’abandonner son métier. Elle ne croit plus au métier de journaliste... Sur le mode privé et professionnel, c’est une des seules à avoir publiquement réfléchi à son attitude pendant l’emballement médiatique.

- La récente affaire d’Outreau vous a rappelé les errements de 1984 ?
- Le mécanisme médiatique et judiciaire s’est révélé assez similaire. Ceux qui sont venus témoigner lors de l’enquête parlementaire ont expliqué comment cette machine s’est emballée. La structure de la justice est évidemment en cause. Outreau ne m’a pas étonné... Dans le téléfilm, un ministre explique : « Pour l’affaire Grégory, c’est trop tard, mais je vais m’atteler à la réforme de la justice ». Le ministre français qui a prononcé cette phrase est malheureusement parti sans réaliser la réforme en question..."


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