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Commentaire de sevand

sur Une institution judiciaire jugée par ses propres jugements


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sevand (---.---.116.163) 21 février 2006 14:48

Bonjour M.Villach, J’ai eu l’occasion d’intervenir dans un de vos articles sur l’ENM sous le pseudo inconnu (pour la précision).

Réponse à l’article de VILLACH du 17/02/06 :

1/ « des centaines de personnes connaissent, en effet, chaque année, l’infamie et le désespoir de la prison préventive avant d’être innocentées » :

On ne parle plus de « prison préventive » mais de « détention provisoire ». Cette différence est essentielle pour comprendre le fond. La prison « préventive » signifierait que les personnes exécutent « par avance » une peine de prison. La Détention provisoire ne sous-entend pas cette idée. La notion de culpabilité est exclue de cette expression. Vous, qui êtes un homme de lettres, devriez faire attention à la signification des mots....

La détention provisoire telle que prévue par notre droit n’est pas conditionnée par les preuves de culpabilité. Les motifs d’un placement en DP sont expressément prévus par les textes (article 144 du code de procédure pénale) et regroupent trois idées : Les nécessités de l’enquête (conservation des preuves, empêcher des pressions sur les victimes ou témoins, empêcher une concertation frauduleuse avec d’autres personnes impliquées), la personnalité du mis en examen (protéger le mis en examen, garantir le maintien du mis en examen à la disposition de la justice, mettre fin à l’infraction, prévenir le renouvellement de l’infraction) et le trouble à l’ordre public (en raison de la gravité des faits, des circonstances de sa commission, de l’importance du préjudice causé ). Certes, il serait incongru de solliciter un placement en détention provisoire lorsque aucun élément ne vient conforter la mise en cause d’une personne. Mais, je le rappelle, la détention provisoire ne peut être prononcée que pour des personnes mise en examen, c’est à dire, contre lequel il existe « il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions » dont le juge d’instruction est saisi (article 80-1 du code de procédure pénale.

Il est toujours possible pour les avocats de solliciter l’annulation de la mise en examen (s’ils estiment qu’il n’existe pas contre leurs clients des « indices graves ou concordants ») ou de faire appel de la décision de placement en détention provisoire.

Je rappelle juste que pour un certain nombre d’enquête, la durée de la garde à vue (en principe 48 heures sauf cas particuliers) ne permet pas de réunir tous les éléments dans un dossier, d’entendre toutes les victimes ou toutes les personnes mises en cause, de faire toutes les expertises.... C’est pour cette raison que l’instruction existe. Certes, il arrive qu’après une détention provisoire, un non-lieu ou une relaxe soit prononcée, mais ceci démontre justement que la justice fonctionne et qu’il arrive qu’une instruction réunisse plus d’éléments à décharge qu’à charge... mais pour cela, il faut du temps et du temps pendant lequel la détention provisoire s’impose parfois...

Si on suit le raisonnement de certains en ce moment, seules les personnes qui avouent les faits devraient être placées en détention provisoire, mais dans ce cas-là, il s’agit effectivement de « prison préventive » et d’exécution de peines anticipées. Or, notre droit prévoit que seules les juridictions de jugement peuvent se prononcer sur la culpabilité et sur la peine.

Sincèrement, j’espère avoir été clair dans mes explications. Par principe, je n’ai pas fait état d’affaires particulières, car on ne peut apprécier les choses que si on a tous les éléments...

2- « les issues édulcorées des affaires gigantesques de corruption politiques »

Alors, pour vous, il faudrait deux poids deux mesures. Lorsqu’il s’agit d’affaires politico-financières, les principes devraient être différents de ceux appliqués au commun des mortels ? je ne connais pas ces dossiers, je ne connais pas les raisons qui ont fait qu’on a abouti à ce résultat, donc je ne me prononcerais pas...

3- affaires où les magistrats ont été menacés ou n’ont pas été aidés dans leur enquête.. ;

Je ne peux qu’adhérer à votre indignation. La Justice et ses magistrats dérangent parfois les politiques et ils ne bénéficient d’aucune protection contre les pressions en tout genre... Mais, une autre réflexion me vient : quand les citoyens élisent un homme politique condamné, font-ils preuve de responsabilités ?

4- sur les affaires particulières que vous évoquez...

Je ne peux, je le répète, apprécier sans TOUS les éléments. Je rappellerais seulement que les textes d’incrimination sont d’application stricte et qu’il est impossible pour les magistrats d’étendre leur application. Vous faîtes état d’appréciations différentes entre les juridictions qui ont été amenées à statuer. C’est vrai que ça arrive, la justice est humaine... et les textes parfois si mal rédigés qu’ils laissent place à des interprétations différentes (les textes de la diffamation datent de 1881 !).

Toutefois, en France, il existe des textes contrairement aux pays anglo-saxons dont les lois évoluent au bon vouloir des Cours Suprêmes créant une instabilité de tous les instants. Notre système n’est pas parfait, certes, mais il est « moins pire » !

5- le coût et la lenteur de la Justice

Dans les exemples que vous citez, ce n’est finalement pas la Justice, service public, qui est onéreuse, mais les professions libérales qui sont autour (avocats, experts.... On ne peut affirmer que la Justice coûte cher aux justiciables, quand on voit le pourcentage du budget qui y est affecté !

Alors oui, pour le justiciable, un procès peut couter cher mais il existe une concurrence qu’il faut bien entendu faire jouer. Il existe également l’Aide Juridictionnelle pour les plus démunis, et les avocats à l’AJ ne sont pas aussi incompétents ou inefficaces qu’on l’affirme parfois !

Enfin, notre société se judiciarise énormément, alors que nos institutions sont les mêmes qu’il y a 100 ans. Il est demandé à la Justice d’intervenir dans des domaines de plus en plus vastes sans lui donner les moyens d’accomplir ces nouvelles missions. Même si aujourd’hui, on assiste à une crise de confiance, les magistrats sont amenés à contrôler des situations qui, finalement, ne sont pas de sa mission fondamentale. Un seul exemple : le contrôle des hôpitaux psychiatriques. Mais aussi, le contrôle des établissements pénitentiaires, des locaux de garde à vue.... Alors que dans ses domaines, les magistrats n’ont aucun pouvoir d’action !

Sur l’exemple que vous donnez, il ne s’agit pas de l’institution judiciaire mais de la justice administrative... Les choses sont différentes car les juges administratifs n’ont aucune indépendance par rapport à l’Administration, puisqu’ils en sont membres... Il ne faut pas tout mélanger et mettre sur le dos des mêmes personnes tous les maux de la société (les juges administratifs n’ont pas le même statut que les magistrats de l’ordre judiciaire (plus avantageux pour les juges administratifs), pas la même formation, et appliquent un droit dont les règles sont modifiées plus facilement par la jurisprudence. Les Tribunaux administratifs NE FONT PAS PARTIE DE L’INSTITUTION JUDICIAIRE !

Les mots reflètent une réalité particulière, Monsieur le Professeur, il faut donc faire attention à leur utilisation et ne pas faire de confusion...


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