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Commentaire de Marre de la débilité d’AV

sur Vanneste et la vérité non travestie !


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Senatus populusque (Courouve) Marre de la débilité d’AV 3 octobre 2009 18:09

J’en suis !

Dans Les Origines de la langue française (1650), Gille Ménage avait commencé ainsi son fameux article sur bougre  :

«  Bougre  : je suis de l’avis […]  ». Tallemant des Réaux rapporta la plaisanterie faite à ce sujet  :

«  Ah  ! lui dit Bautru, vous en êtes donc aussi, et vous l’imprimez  ! tenez  : il y a, bien moulé  : Bougre je suis.  »

Historiettes, «  M. de Bautru  ».

Ce serait donc Guillaume Bautru (1588-1669), réputé pour avoir aimé les hommes, qui aurait forgé ou fait connaître cette expression, révélatrice d’une certaine notion d’identité homosexuelle. Au début du XVIIIe siècle, l’expression était connue des policiers parisiens et de ceux qu’ils épiaient  :

«  Si tous n’en étaient pas, il s’en trouverait peut-être un.  »

Rapport de police, septembre 1724, propos d’un dragueur optimiste.

«  Dubois, grand-maître des eaux et forêts  : en est.

L’Éveillé  : passe pour en être.

Cadet  : en est aussi.  »

Le grand mémoire, 1725-1726.

«  Entendant un des garçons du cabaret parler de la fouterie des hommes, il avait cru qu’il en était.  »

Rapport de police, juin 1726. Encore un optimiste.

«  En être à tout rompre  » se rencontre parfois dans ces archives (années 1724 et 1736).

L’expression s’est retrouvée dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau  :

«  Cette aventure me mit pour l’avenir à couvert des entreprises des Chevaliers de la manchette, et la vue des gens qui passaient pour en être, me rappelant l’air et les gestes de mon effroyable Maure, m’a toujours inspiré tant d’horreur, que j’avais peine à la cacher.  »

1ère partie, livre II.

Au XIXe siècle, l’expression est entrée dans les dictionnaires d’argot.

«  Être (en) – Aimer la pédérastie.  »

Vidocq, Les Voleurs, tome 1, 1837.

Pour Francisque Michel, en être, c’est «  être des amateurs  »  ; pour Alfred Delvau, dans son Dictionnaire de la langue verte, «  Faire partie de la corporation des non-conformistes.  » Entrée aussi dans la presse à l’occasion d’un écho sur la mort du général Nicolas Changarnier  :

«  Les journaux réactionnaires continuent à tresser des couronnes au défunt général Bergamotte [ainsi surnommé à cause de son goût pour les parfums].

Aucun n’a rappelé ce mot de Lamoricière sur son ancien compagon d’armes  :

« En Affrique nous en étions tous  ; mais lui il en est resté à Paris. »

Honni soit qui mal y pense  !  »

Le Ralliement, 23 février 1877 [repris deux jours plus tard par La Lanterne].

«  Comme Bautru, et dans le même sens, on dit encore  : Il en est. Sur ce terrain honteux, les synonymes pullulent  ; ils prouvent la persistance d’un vice qui semble éprouver, dans les deux sexes, le besoin de se cacher à chaque instant derrière un nom nouveau. Nous rappelerons ici pour mémoire et sans les expliquer ailleurs, les mots  : pédé, bique et bouc, coquine, pédéro, tante, tapette, corvette, frégate, jésus, persilleuse, honteuse, rivette, gosselin, emproseur, émile.  »

Larchey, Dictionnaire, 1881.

«  Voyons, Costi, il en est, ça saute aux yeux.  »

Binet-Valmer, Lucien, I, xi, Paris  : P. Ollendorff, 1910.

«  À peine arrivés, les sodomistes quitteraient la ville pour ne pas avoir l’air d’en être.  »

Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, I.

«  La question n’est pas, comme pour Hamlet, d’être ou de ne pas être[Shakespeare, Hamlet, III, 1], mais d’en être ou de ne pas en être.  »

Id. ibid., II, ii.

«  Quand il avait découvert qu’il « en était », il avait cru par là apprendre que son goût, comme dit Saint-Simon, n’était pas celui des femmes.’

Marcel Proust, La Prisonnière.

L’ouvrage de Jean Cocteau, La Difficullté d’être, avait inspiré à André Du Dognon un article titré «  La difficulté d’en être.  » (Arcadie, n° 1, janvier 1954).

L’expression s’est maintenue longtemps dans le milieu homosexuel, indiquant le sentiment d’appartenir à une communauté  ; ce que manifestait, a contrario, la réponse de Marcel Jouhandeau à André Baudry, lors de la création de la rvue Arcadie  :

«  Aujourd’hui, les goûts qui sont devenus les miens, mais que je domine, sont tombés dans une telle promiscuité, une si odieuse vulgarité les entoure, une si dégradante ignominie les suit trop souvent que je ne suis plus du tout fier d’en être, presque j’en ai honte.  »

NRF, mars 1954.

«  Savez vous ce qu’on dit de Zizi ? On dit qu’il en est.

Ce jeune homme poli et si gentil. On dit qu’il en est.

Il est pourtant de bonne famille, avec de bonnes fréquentations,

Toujours des garçons, jamais de fille, alors pourquoi que les gens font ?

Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout !

Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout !

Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout !

Ta ta ta, ta la ta ta, prout prout !

Ce garçon si drôle en travesti. On dit qu’il en est.

Ce fervent de la bicyclette. On dit qu’il en est.  »

Fernandel, chanson «  On dit qu’il en est  », 1968.

«  EN ÊTRE, ÊTRE COMME ÇA  : expressions par lesquelles nous désignons ceux ou celles qui sont susceptibles d’aimer une personne de leur sexe.  »

FHAR [Front homosexuel d’action révolutionnaire], Rapport contre la normalité, Paris : 1971.

«  Si ma tante en avait on l’appellerait mon oncle, et si mon oncle en était on l’appellerait ma tante.  »

Pierre Dac, Les Pensées, Paris : Éditions de Saint-Germain des Prés, 1972. Souvent cité de manière incomplète.


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