Votre thèse est intéressante mais elle repose sur un double postulat contestable :
1 - La croissance de la complexité est un phénomène autonome (une loi de la nature).
2 - La capacité d’adaptation à la complexité de l’être humain est constante.
La complexité des sociétés humaines n’a rien de naturelle : elle est humaine. Or nous avons quelques idées sur la manière de réduire la complexité d’un système social :
a) en le décomposant en sous-systèmes ;
b) en découplant les sous-systèmes qui le composent ;
c) en les dotant de ressources excédentaires ;
d) en standardisant les produits ou les processus.
Plus simplement, notre monde se complexifie à une vitesse grand V, car on pose comme un impératif catégorique :
- La mondialisation à marche forcée qui supprime les sous-systèmes « nations », « régions » ; etc... qui permettent des régulations locales, alors que personne ne gouverne la mondialisation, pas même l’empire américain qui a succédé au « rule britania ».
- La réduction de toutes ressources excédentaires, les fameux flux tendus et les stocks zéro.
Un bel exemple de la conjonction de ces deux phénomènes - qui n’ont rien de naturels - résultant de l’application volontaire du dogme libéral, est la récente panne d’électricité en Europe : on dérégule le marché de l’énergie, on interconnecte les réseaux domestiques, on réduit les ressources excédentaires (on construit moins de centrales, alors qu’on invite à consommer d’avantage)... et au moindre incident... Black out !
- La multiplication des produits et des services : les distributeurs offrent des centaines de références quasi identiques qui ne diffèrent que sur des détails : marques, packaging, et quelques centimes d’écart...
L’externalisation des fonctions et des processus : au lieu de fabriquer un produit simple dans un même lieu, dans une seule organisation, ont multiplie la sous-traitance en cascade, on globalise...
Résultat : plus personne n’est en mesure de garantir l’absence d’un allergène dans un aliment ou de le certifier sans OGM.
Votre deuxième postulat est également contestable :
Certes les capacités de l’esprit humain ne sont pas infinies mais je constate que votre poinçonneur des Lilas sait - après une brève formation - utiliser un ordinateur !
Et si les bacheliers d’aujourd’hui maîtrisent moins bien que leurs aînées l’orthographe, la grammaire et le calcul mental, c’est tout simplement parce qu’on a réduit ces enseignements à la portion congrue, au profit d’autres activités et d’autres apprentissages.
Si le chômage semble résister à toutes tentatives de réduction, c’est tout simplement parce qu’il y a beaucoup moins d’emplois que de candidats. Quel que soit le niveau de réactivité des participants, au jeu des chaises musicales il y a toujours un éliminé !
Posté sur AgoraVox le 8/11/06