• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de armand

sur Agora ou l'extinction du phare de la connaissance d'Alexandrie


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

armand armand 5 avril 2010 10:41

Bonjour à tous,

Merci, Yannick, de cet article que je n’ai pas remarqué plus tôt.
Je finirai par voir ce film en DVD, ne m’étant pas pressé pour le voir lors de ses deux petites semaines à l’affiche, et soupçonnant qu’il fût un peu trop « glamour » et caricatural. Effectivement, des Romains vêtus comme à l’époque de César, alors que nous savons que le fantassin du Bas-Empire portait une tunique galonnée à manches longues, un bouclier ovale et dédaignait le casque (Ammien Marcellin lui en fait grief), c’est dommage alors que le cinéma moderne affiche le souci de l’exactitude.
Pour la pauvre Hypatie, son histoire m’avait déjà bouleversé quand je l’ai lue pour la première fois vers l’âge de douze ans. Surtout sa fameuse réplique à l’étudiant amoureux, soulevant le pan de sa jupe et lui désignant ce que d’ordinaire on cache et lui disant que c’était de cela qu’il était amoureux, et non de quelque chose de beau.
Je ne sais si le film respecte ce que l’on sait de cette affaire - l’arrière-plan une quasi-guerre civile entre le fanatique Cyrille et le préfet Oreste, ami d’Hypatie ; des émeutes opposant chrétiens et juifs avec des massacres réciproques ; le fait qu’une véritable commission d’enquête fut diligentée par l’empereur d’Orient à la suite de l’assassinat d’Hypatie conduisant à quelques condamnations de lampistes.
Tous les chrétiens du Ve siècle se reconnaissaient-ils dans ces excès ? je ne le pense pas, Alexandrie a toujours été une poudrière religieuse. Et puis on ferait une erreur anachronique en accusant le christianisme constantinien ou même théodosien d’instituer une police de la pensée - on proscrivait la pratique publique de la religion païenne, et non le débat d’idées, car on avait une vision magique des rites. Cette même logique avait conduit en d’autres temps les empereurs païens à exiger des chrétiens une pincée d’encens devant les effigies impériales, et non le reniement de leurs idées.

On est à juste titre épouvanté par la fin horrible d’Hypatie (la sacralisation de la beauté féminine nous rend pareil traitement doublement sacrilège, surtout aux mains de moines sales et vociférants) et les parallèles tracés avec le fanatisme islamiste actuel sont évidents. Mais le christianisme adoucit également de nombreuses pratiques barbares de l’Empire romain - interdiction des combats de gladiateurs, atténuation des peines, l’empereur Théodose II allant jusqu’à s’enorgueillir de ne jamais condamner à mort. Et le christianisme ne fit que parachever un lieu de citoyenneté commune entre Romains et Barbares déjà amorcé imparfaitement par le culte de Sol Invictus.

SINON, pour les amateurs des « époques sombres », je vous recommande absolument le roman de Frederick LEES, The Arthuriad of Catumandus (1996). C’est prétendument l’autobiographie d’un fils du « roi » Arthur, élevé en Alexandrie, païen philosophe, qui se rend en Grande Bretagne pour le compte de l’empereur d’Orient - et aussi pour retrouver son père. Le’auteur, ancien pilote de la RAF, a une connaissance du monde de l’Antiquité tardive assez époustouflante dans le domaine du roman historique. Mieux encore, son roman étant épuisé, il l’a publié intégralement en ligne (site de Frederick Lees).


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès