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Commentaire de Regis Tence

sur Voile intégral : la question est tranchée clairement depuis 1984


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Regis Tence Regis Tence 10 avril 2010 01:38

Beaucoup de réactions (c’était prévisible, le sujet passionne). Je vais essayer de répondre de manière synthétique, et pas trop passionnée. Certains intervenants ont d’ailleurs déjà répondu à une partie des objections ; ils se sont même donné la peine de réagir aux inévitables insultes, très classiques quant à elles. Merci à eux de me faire gagner du temps. Reste trois familles d’objections méritant débat :

  • distinction / discrimination : une distinction imposée EST une discrimination ! N’oublions pas qu’ « apartheid » ne veut pas dire « infériorité » mais « séparation » ; lorsque, disons un bar, (ou une pîscine..) étaient « réservé aux blancs » et un autre « réservé aux noirs », les défenseurs de l’apartheid nous disaient que ce qui était, servi, et le prix, étaient les mêmes, et qu’il n’y avait « donc » pas discrimination. Cette hypocrisie a vécu, ne la ravivons pas dans une version alambiquée à laquelle la religion donnerait une noblesse usurpée. En outre, ce n’est pas moi mais la Convention Internationale des droits de la femme qui emploie le mot de distinction : on a le droit d’être « contre » cette convention, et même de réclamer, avec les pays qui ne l’ont pas signée, qu’elle soit réécrite dans le sens qu’on veut, mais jusque-là,, en France comme dans toute l’union européenne, elle a force de loi. Cela veut dire qu’on peut légiférer sur le voile intégral, au contraire de ce que tentent de faire croire de « fins politiques » dont la fausse prudence ne fera que laisser pourrir la situation. La phrase qui fâche souvent : (voile, étoile jaune de la femme) est un raccourci ,et si on y tient, quoique le contexte le rende évident, on peut la faire précéder de la précaution « Dans les lieux ou groupes sociaux où il est imposé, le voile ...etc » Mais l’équivalence reste valable : partout où le voile est imposé, que ce soit par une législation ou par une coutume, il est discriminant : il détermine par exemple les lieux où on peut aller et ceux où ce n’est pas « licite », les gens à qui on peut parler et ceux avec qui on ne le doit pas, etc : il est, comme l’étoile jaune, l’outil d’une discrimination quotidienne. Ce qui nous amène à la deuxième famille d’objections :

  • Caractère « volontaire » du port du voile, nécessité qu’il y ait un « discriminant » pour qu’il y ait un discriminé... Je peux attester, pour avoir vécu, et même un peu géré, les deux époques de législation, que la loi sur le port des signes ostentatoires à l’école a en quelques mois révélé que 90% des jeunes filles concernées étaient forcées par leur entourage, et que la loi les a libérées. C’est bien pour ça que la loi a rapidement atteint son objectif, divisant en quelques mois par dix le nombre des situations conflictuelles. Il en sera de même pour une loi sur le voile intégral. Là aussi, regardons la réalité, et écoutons les femmes qui osent s’exprimer ailleurs que dans des manifestions bien encadrées, où quelques porteuses de voile ont le droit de brandir des pancartes mais pas de parler aux journalistes. Ecoutons Chahdort Djavann, Taslima Nasreen, Ayaan Hirsi Ali. Elles savent de quoi elles parlent. Lisons aussi le Coran  : le voile est essentiellement justifié par le verset 33/59, et sa rédaction est très intéressante « Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles » Ce n’est pas « Mesdames, vous devriez... » Parole d’homme, imposée aux femmes, et qui dans sa forme même donne aux hommes la mission d’assurer le respect de la règle. Il y a bien coercition, discriminant et discriminée.

  • Troisième critique : le point de vue « occidental » ne serait qu’un point de vue parmi d’autres. C’est un argument qui mérite examen, et chacun de nous a appris à se défier de l’ethnocentrisme. Un premier niveau de réponse est que dans ce cas il faut choisir : on ne peut pas, pour réfuter un modèle, faire appel aux valeurs et principes qui le constituent : s’ ils sont utilisables pour cela, c’est qu’alors ils sont universels, la preuve est faite. Le second niveau est plus concret : dans notre pays, c’est ce point de vue « occidental » qui fonde la loi ; vouloir lui en substituer un autre est précisément la tentative de modifier unilatéralement un modèle de société. On a le droit de le vouloir, mais il faut le dire franchement, et non prétendre que « ce n’est pas important » ou que « c’est l’application même de nos valeurs ». Incidemment, dire que « du point de vue moyen-oriental, le voile est une chance pour la femme » (et les vêtements informes une chance pour les filles dans certains quartiers ? Hola  !), c’est faire injure aux hommes de ces pays, les croire bien dangereusement harceleurs ou pire. C’est surtout admettre qu’il s’agit pour les femmes d’une précaution, d’une condition de leur sécurité : çà ressemble beaucoup à une contrainte, çà ! En tout cas on est bien loin de la « manifestation d’une conviction religieuse »  : C.Q.F.D...


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