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Commentaire de Cosmic Dancer

sur En France, un écrivain, père de huit enfants, est incarcéré pour ses recherches historiques


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Cosmic Dancer Cosmic Dancer 10 août 2010 14:56

L’hypercritique, à la recherche de la « preuve » décisive, permet de disqualifier tous les témoignages et les documents gênants : les témoins juifs sont suspects, et l’exagération ou l’erreur d’un témoignage sur un point de détail suffit à le discréditer entièrement : les témoignages datant de la guerre sont propagande ou rumeur ceux d’après la guerre sont intéressés : les aveux et dépositions des S. S, à leurs procès ont été extorqués ou dictés par les vainqueurs. En décidant que deux témoignages qui se contredisent sur un point s’annulent entièrement, et que ceux qui s’accordent sont peu fiables (copiés l’un sur l’autre, ou émanant tous deux d’une source commune, donc d’une pression extérieure), on disqualifie radicalement tous les témoins. Quant aux documents nazis, on prend au sens littéral les expressions du langage codé (ex. « évacuation » qui désigne en réalité « liquidation ») sans tenir compte des informations qu’on a sur ce codage  ; les affirmations directes (les discours secrets de Himmler parlant de « l’extermination du peuple juif » de « tuer » aussi les femmes et les enfants) sont minimisées. Comme les paroles de menace, de haine ou de xénophobie prononcées du côté allié sont prises, elles, au sens le plus fort, on obtient un bilan équilibré entre deux propagandes de guerre toutes deux excessives, Enfin les lieux et les objets (chambres à gaz et leurs annexes, fours crématoires) perdent tout caractère meurtrier, devenant locaux d’épouillage et de désinfection et crématoires pour les cadavres des victimes du typhus. Il ne subsiste donc « aucune preuve », puisqu’on ne veut pas les voir34.

— Une argumentation technique subtile et acharnée prétend démontrer l’impossibilité matérielle du meurtre en masse par les gaz : problèmes d’étanchéité ou de ventilation, de sécurité, de nombre, etc. : des experts35 sont invoqués pour de sinistres reconstitutions imaginaires, à grands renforts de « démonstrations » théoriques invérifiables. Ainsi ce dont on n’a « aucune preuve » est présenté d’autre part comme impossible ou invraisemblable.

— Une imagination fabulatrice se déploie, au contraire, pour attribuer un sens banal aux documents (ex. : le Dr Kremer assistant aux « Sonderaktionen » d’Auschwitz parle de « l’horreur » de « scènes épouvantables », c’est qu’il a assisté à l’exécution de quelques détenus condamnés à mort. Quant il parle d’« enfer » et de « camp de l’extermination » c’est à cause du typhus qui sévit). Donc tout « s’explique » sans génocide, par les circonstances de la guerre.

Enfin ces « démonstrations » sont menées avec myopie, le nez sur le détail qui prête à contestation, en ignorant massivement le contexte d’ensemble. La question des chambres à gaz est traitée en « oubliant » les massacres des Einsatzgruppen qui les ont précédées, les opérations d’euthanasie qui en ont été la préface et surtout le délire meurtrier et le mépris de la vie humaine qui sont au centre de la mentalité nazie, De même les listes nominatives et les statistiques sur les disparus sont écartées au profit de spéculations hasardeuses fondées sur des sources contestables.

Toutes ces pratiques sont contraires à une saine méthode historique. Les écrivains révisionnistes ignorent le métier d’historien — non qu’il faille un label universitaire, diplôme ou agrément officiel, pour faire de l’histoire, mais parce que cela suppose l’application de règles de méthode qui ne sont pas seulement celles de la critique littéraire ou de la discussion technique d’« experts ».

Il est inutile d’insister sur l’esprit dans lequel sont menées ces « enquêtes » qui prétendent chercher la vérité et dénoncer le mensonge : conclusions préfabriquées, qui dictent le choix des « preuves » et des arguments : obsession du complot, de l’escroquerie géante et de la falsification à l’échelle mondiale dont les « révisionnistes » sont les seuls à apercevoir la fausseté ; intentions sousjacentes troubles ou trop claires : l’antisionisme obsessionnel qui refuse l’idée que les Juifs aient été victimes (sinon d’eux-mêmes), les hantises soit anticommuniste (Staline seul despote totalitaire) soit antilibérale (le capitalisme responsable de tous les maux) qui poussent à banaliser le nazisme. La singularité liée au génocide doit disparaître, pour montrer que « le vrai crime », c’est la guerre elle-même, avec son cortège d’horreurs : horreurs volontaires comme le terrorisme sous toutes ses formes, horreurs involontaires comme les épidémies de typhus qui ont ravagé les camps" (R. Faurisson)36.

Il s’agit donc bien de « négationnisme » passionné et maniaque, sans valeur démonstrative. Mais le scandale causé par la publication de ces thèses, les procès et les condamnations donnent prétexte à leurs auteurs pour se poser en victimes de la répression et de la censure. Ils mettent leurs adversaires au défi de répondre par des documents et des arguments aux documents et arguments qu’ils produisent. La majorité des historiens refuse d’engager la discussion pour ne pas accréditer l’idée d’un débat scientifique entre deux écoles historiques : on ne peut mener en effet un débat scientifique avec celui qui nie qu’il fait jour en plein midi. Cependant pour P. Vidal-Naquet, s’il n’est pas question de discuter avec les révisionnistes, on peut et on doit discuter sur les révisionnistes : expliquer ce que sont leurs procédés et leurs postulats, rappeler ce qu’est la « vérité historique », qui n’est pas une vérité mathématique, et sur quoi elle est fondée. Et il reste, bien sûr à continuer à faire avancer la véritable connaissance historique, en confrontant les documents et les témoignages.

phdn


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