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Commentaire de Mammon

sur Tibet : la démocratie tibétaine confisquée au Népal


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Mammon 10 octobre 2010 10:56

Bonjour Cathy et amipb

Ce ne sont pas les tibétains (en exil ou non) que l’on critique, loin de là, mais plutôt la vision très manichéenne qu’ont leurs « amis » et défenseurs de la situation au Tibet...

Voyez-vous, j’en faisais moi-même partie, allant jusqu’à comparer la présence chinoise au Tibet à l’occupation japonaise de la Mandchourie (ce qui n’était pas très malin, en y repensant), mais une série d’éléments nouveaux m’ont amené à nuancer ma position :
- plusieurs voyages en Chine m’ont fait découvrir un pays bien plus complexe qu’on ne pourrait l’imaginer, loin de la dictature oppressante que se plaisent à décrire certains médias, bien que beaucoup reste à faire (à ce titre, l’élection de Liu Xiabo au Nobel de la Paix peut paraître à première vue une bonne chose, mais je crains qu’elle ait l’effet inverse à celui escompté). Les chinois eux-mêmes ont des opinions très tranchées sur tout, quoique parfois biaisées - l’information n’y est pas encore tout à fait libre...cependant, une chose est sûre : ils sont très patriotes et n’aiment pas qu’on (les occidentaux surtout) leur fasse la morale alors qu’eux-même s’abstiennent soigneusement de le faire...
- les forums des défenseurs du Tibet, surtout anglophones, sont de véritables lieux de « chinese bashing » où fleurissent les « fuck chinese », « chinks » et autres joyeusetés de ce genre. Le problème est que pour certains (beaucoup même), TOUS les chinois han sont tenus pour responsables de la situation au Tibet, y compris les chinois d’outre-mer (franco-chinois, ABC/american born chinese etc.), les taiwanais ou les singapouriens !!! A rebours, cela entraîne une montée d’un nationalisme chinois nauséabond, alors que le chinois « moyen » est d’habitude plus préoccupé par des considérations terre-à-terre (argent, famille, études) que de supériorité culturelle ou ethnique...
- l’ignorance qu’ont les dirigeants tibétains et leurs défenseur de l’histoire et la culture chinoises est frappante. Ils reprochent à leurs interlocuteurs de ne pas connaître la culture tibétaine, mais ne font eux-mêmes pas grand chose pour combler leurs propres lacunes. Comment espérer dans ces conditions faire croire aux autorités chinoises que les tibétains veulent rester dans le giron de la Chine ???
- l’ethnicisme poussé des tibétains en exil est gênant. Ceux-ci, au nom de la préservation à tout prix de leur culture, refusent d’adopter la nationalité de leur pays d’accueil (surtout l’Inde), ce qui est un peu cracher dans la soupe, quand on connaît le sort des réfugiés dans d’autres pays du monde (ex. les palestiniens dans divers pays arabes). Il faut savoir par exemple qu’un tibétain réfugié qui décide d’adopter la nationalité indienne pour bénéficier de meilleures opportunités (étude, emploi) est banni à vie des communautés tibétaines en exil...
- le sort révoltant des lhotsampas du Bhoutan, victimes d’une véritable purification ethnique parce que hindouistes, montre que le bouddhisme tibétain/vajrayana n’est pas cette religion pacifique qu’aiment tant à vanter les défenseurs de la cause tibétaine (dont Mathieu Ricard, le traducteur personnel du Dalai Lama) ni la préservation du mode de vie traditionnel un objectif très noble... A la décharge du Dalai Lama, la présence de nombreux camps de réfugiés tibétains au Bhoutan l’empêchent peut-être de s’exprimer clairement sur ce sujet. Mais quand les chinois voient ça, ils ne peuvent s’empêcher de faire le parallèle avec ce qui se passera au Tibet si celui-ci se séparait du reste de la Chine...

Bref, tout n’est pas blanc ou noir, il n’y a pas de « gentils » tibétains d’un côté ni de « méchants » chinois de l’autre. La situation est bien plus complexe que ça. Et encore, je n’ai pas abordé les aspects géopolitiques...

Mais pour répondre à votre question : le peuple tibétain devra évoluer. Le danger n’est pas tant la présence chinoise en elle-même que la difficulté à concilier les traditions et/ou la religion avec la modernité. C’est un problème qui se pose dans tout le reste de la Chine, et seule une évolution de la Chine toute entière vers un état de droit peut le résoudre. Mais il faut lui en laisser le temps. Taiwan, la Corée du sud, les Philippines ont tous évolué vers la démocratie, le Viêt-Nam sera peut-être le prochain à suivre, mais avec 1,3 milliards d’habitants, il faut avancer plus prudemment...


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