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Commentaire de J. GRAU

sur On achève bien les vieillards


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Jordi Grau J. GRAU 12 janvier 2011 21:18

Bonsoir M. Cabanel


Je n’aime pas plus Alain Minc que vous, mais je crois que vous caricaturez un peu ses propos. Il ne me semble pas qu’il fasse l’apologie de l’euthanasie des vieux pauvres... au moins en apparence. En réalité, son discours est plus subtil - mais peut-être encore plus dangereux, à cause même de sa subtilité. Si l’on en croit Serge Halimi, dans le Monde diplomatique du mois dernier, les propos de Minc s’inscrivent dans une propagande libérale qui consiste à dire : les riches sont des privilégiés, ils profitent des cotisations sociales des citoyens pour avoir gratis des services qu’ils pourraient payer de leur poche. Discours apparemment très généreux, puisqu’il émane de gens aisés (comme Minc, entre autres), mais qui dissimule une arrière-pensée qui l’est beaucoup moins. Ce que veulent les élites libérales, c’est en réalité mettre fin aux services publics gratuits - soi-disant par souci d’équité envers les pauvres, mais en fait pour engraisser le secteur privé. Mais je vous laisse lire l’article de Serge Halimi, qui explique cela mieux que moi :

"Désormais, les libéraux se soucient des pauvres. Au Royaume-Uni, par exemple, le premier ministre conservateur David Cameron veut, s’inspirant de son prédécesseur travailliste Anthony Blair, augmenter massivement les frais d’inscription à l’université (1). Il s’agirait d’une mesure sociale. Objectif ? Ne pas mettre à la charge de l’ensemble des contribuables des études supérieures dont la plupart des « clients » proviennent des couches aisées. L’Etat réalise une économie ; les pauvres disposent de bourses. Il y a trois ans, en France, l’éditorialiste Jacques Julliard estimait déjà que « la gratuité, c’est une subvention aux riches qui envoient leurs enfants à l’université (2). » Faire payer des droits d’inscription élevés constituerait donc une réforme égalitaire…

L’ampleur des déficits publics permet d’étendre ce raisonnement à l’ensemble des prestations sociales, en remettant en cause leur caractère universel. Les allocations familiales, pour commencer : « Au-delà d’un certain seuil [de revenus], on ne s’aperçoit tout simplement pas qu’on touche des “allocs”. L’argent de l’Etat est ici dépensé en pure perte », a réitéré l’ancien ministre de droite Luc Ferry, auquel fit écho l’ancien premier ministre socialiste Laurent Fabius (3). Vient ensuite la couverture médicale : évoquant son père, « hospitalisé pendant quinze jours en service de pointe »,Alain Minc, conseiller de M. Nicolas Sarkozy et néanmoins proche de Mme Martine Aubry, a feint de s’offusquer que « la collectivité française ait dépensé 100 000 euros pour soigner un homme de 102 ans. (...) Il va falloir s’interroger pour savoir comment on récupère les dépenses médicales sur les très vieux en mettant à contribution leur patrimoine ou celui de leurs ayants droit. Ce serait au programme socialiste de le proposer (4). » Enfin, vient le tour des pensions de retraite : l’hebdomadaire libéral The Economist a regretté que M. George Osborne, ministre britannique des finances, n’ait pas systématisé son attaque « contre le principe d’universalisme propre au système social. Il aurait pu, par exemple, cibler les avantages coûteux accordés aux retraités indépendamment de leurs revenus (5). »

Ainsi, les libéraux paraissent se soucier de l’« équité » de la redistribution après avoir amoindri la progressivité de l’impôt... Leur prochaine étape est connue d’avance ; les Etats-Unis en ont fait l’expérience : dans des systèmes politiques dominés par les classes moyennes et supérieures, l’amputation des services publics et des aides sociales devient un jeu d’enfant quand les couches privilégiées cessent d’y avoir accès. Elles estiment alors que ces avantages alimentent une culture de la dépendance et de la fraude ; le nombre des bénéficiaires se réduit ; un contrôle tatillon leur est imposé. Placer les aides sociales sous condition de ressources, c’est donc presque toujours programmer leur disparition pour tous."

Serge Halimi

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