L’article de Aufrere témoigne d’une étonnante confusion entre :
- d’une part, les dirigeants (forcément collabo) de la Sncf et les 50% d’actionnaires privés de la Sncf de l’époque, qui participèrent à la Shoah et en exigèrent rémunération, y compris de la France libérée,
- et, d’autre part, les cheminots résistants qui s’efforcèrent de limiter l’effet de ces ordres odieux (en rafraîchissant les déportés, en transmettant leurs messages, en convoyant dans des caches des juifs et des résistants poursuivis, en parvenant à « égarer » certains trains, et même en refusant, comme Léon Bronchart, de conduire un train de déportation.
Les premiers étaient en lutte farouche contre les seconds. La thèse d’Aufrere revient à dire que la condamnation de l’administration de Vichy salirait la mémoire des fonctionnaires résistants !
C’est le mérite étrangement méconnu du discours de G. Pepy d’avoir posé au contraire un droit à l’indignation et même « à l’insubordination » des cheminots contre des ordres odieux de leur direction.
S’agissant maintenant de la direction, seule à engager la responsabilité civile et morale de la Sncf, le discours de Pepy a le mérite d’exprimer l’horreur de ses actes, mais minimise leur degré d’autonomie.
Pour un article de synthèse sur la responsabilité de ces actes de la direction de l’époque, à propos du procès G. Lipietz, voir :
http://lipietz.net/?article2583.
Quant à l’intérêt de ce débat, rappelons seulement qu’outre le fait qu’il reste des rescapés non-indemnisés, outre la nécessité générale de comprendre l’Histoire du passé pour éclairer l’avenir, c’est la direction Sncf elle-même qui revendiquait encore en 2006 la légitimité de ne pas avoir distribué d’eau aux déportés, « aujourd’hui comme à l’époque ».
Regrettons que la Sncf ne l’ait pas compris d’elle-même, et qu’il ait fallu des procès et la menace d’un boycott commercial aux USA pour qu’elle s’en rende compte.
Alain Lipietz