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Commentaire de easy

sur William Dupré : « Le mariage homosexuel est un symbole ! »


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easy easy 5 février 2011 14:54

Difficile sujet.

Il me semble que ce qui rend l’appréciation ou le jugement de cette question aussi difficile c’est le fait que depuis la nuit des temps, surtout ici, en Occident, on aura considéré que les choses et situations sont soit normales (ou naturelles) soit anormales (ou contre nature).

Nous ne savons pas faire autrement que procéder de façon binaire.

Plus exactement, quand nous sommes entre amis autour d’une bière, nous parvenons parfois à une discussion sans tranchées ni tranchants. Chacun dit son point de vue sans chercher à clore, en maintenant très ostensiblement toutes les portes ouvertes.
Mais dès que l’ambiance devient moins détendue, c’est très rapidement que les orateurs vont vers la radicalisation des positions ; qui deviennent alors forcément manichéennes ; qui versent alors très vite vers les diverses références Godwin (il n’y a pas que Hitler).

Tout se passe comme s’il était absolument impossible de convaincre, lors d’un débat, par exemple à l’Assemblée, en restant dans un positionnement large, souple et tolérant. Il faut que le discours soit tranché pour qu’il ressorte violent donc fort donc convaincant.




Manichéisme oblige, les homos, qui n’en voulaient profondément pas, sont obligés de jouer la carte de la normalité. Car c’est ça ou l’exclusion, le lynchage.

Et du coup, quand hypocritement ou l’air de rien, ils cherchent à se faufiler dans le bon camp de la normalité, ils choquent les hétéros qui estiment que l’homosexualité n’est en rien normale. C’est que la normalité, au lieu de ressortir plutôt comme une indigence, comme une banalité, comme un manque d’originalité et d’intérêt, ressort, lors des jugements sociaux, lors des ordalies aussi, comme une force.

Le jeu subtil d’un Alain Delon ou d’un BLH ou d’un Bidochon, consiste, face à des petits cercles, face à une dame, à ressortir comme étant extraordinaire, original, tout en conservant intacts les atouts leur permettant de se prévaloir de la normalité au cas où ils seraient mis en examen. Ah là c’est sûr, aux assises, c’est pas l’endroit où il faut mettre en avant son anormalité.


Pour tout un chacun, à cause de la menace permanente d’être lapidé pour cause d’anormalité, il est impératif de pouvoir se rattacher, le cas échéant, lors de situation à haut risque, au camp des normauxpathes, des névrosés de la norme.

Et le visa de la normalité n’est pas gratuit. Ceux qui pensent l’avoir de bon droit en sont jaloux. Ils defendent leur exclusivité, leur chance. Car, ils le savent, en un rien de temps, une Saint Barthélemy peut s’inverser et les chasseurs devenir des proies.

Par exemple, l’entrée d’un noir dans un bar réservé aux blancs, si elle devient normale, bousculerait complètement la notion de normalité qui faisait celle du blanc. Et si le blanc perd des points de normalité, il se sent en danger selon le bête principe de meute. Il va donc refuser cette perturbation. A moins qu’en échange on lui offre un autre médaille de normalité.
Si on dit au blanc qu’en échange d’une normalité établie sur sa seule couleur de peau, il peut en obtenir une autre sur la foi de son aptitude à calculer la trajectoire de la comète Halley, il va verdir. Il va refuser. On le comprend.

Quand bien même on coulerait dans le bronze une loi édictant que plus jamais on ne lynchera une minorité, un quasimodo, un monstre (de forme ou d’attitude) chacun comprendra que rien, aucune loi n’arrête une foule hystérique.

Aujourd’hui et dans 1000 ans, une femme sait et saura toujours que si elle couche avec l’occupant, elle risque le lynchage. Aujourd’hui et dans 1000 ans, un homo, parce qu’il est clairement dans un camp minoritaire, sait et saura toujours qu’il risque le lynchage, quelles que soient les lois.

Cette peur sourde mais constante qu’on s’inflige mutuellement, aboutit à ce que chacun tortille sa singularité pour pouvoir, tout de même quelque part, prétendre au visa de la normalité.

Fondamentalement, qu’est-ce qu’ils en ont à foutre les homos du mariage ; rien, absolument rien.
Sauf que très stressés par le risque qu’ils encourent constamment d’être piétinés et livrés aux chiens, ils tentent par toutes sortes de ruses de grapiller ici ou là quelques marques, quelques indices, quelques cachets de normalité. Comment ne pas les comprendre.


Mutatis mutandis, ces minoritaire de l’amour que sont les homos, (il y en a d’autres encore bien plus minoritaires) sont dans une situation comparable à celle de Juifs ayant à vivre sous un régime nazi. Ils doivent se déguiser, ils doivent voler, ils doivent tricher, ils doivent ramper dans les égouts. Et parfois, si la loi et l’ambiance le leur permet, ils défilent très visiblement en groupe très singulier. Ya pas moyen de faire autrement pour survivre. Ramper quand on est isolé, faire tintamarre quand on est en bande.


Tant que nous en resterons à considérer qu’il est bon de pendre, de fusiller, de lyncher, de torturer, d’incarcérer, de ruiner, d’insulter, d’humilier publiquement un être humain pendant qu’il peut être mal voire monstrueux d’aimer hors cadre, tous les minoritaires seront obligés de ramper et de grenouiller pour dérober quelque titre de normalité à la masse majoritaire.


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