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Commentaire de easy

sur La liberté d'expression et ses limites à débattre


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easy easy 4 mars 2011 12:52

En effet, sous des régimes rouges, il y avait des espaces de liberté de parole (autant dire de protestation) étonnants.
Prenons le cas très précis et très formel des dazibaos. Depuis la nuit des temps, en Chine, il était possible (je n’ose pas dire permis) de placarder l’expression de ses pensées sur une affiche exposée en public. Comme ça allait bien plus souvent à des critiques qu’à des compliments, on pourrait avoir l’impression que ça entamait le pouvoir. En fait non. Ces dazibaos dénonçaient éventuellement une surcharge d’impôts, éventuellement un fonctionnaire (qui courait alors de grands risque de perdre sa place) mais ils préservaient une chose sacrée, l’empereur. Attaquer les imperfections des satellites du Soleil c’est implicitement reconnaître la perfection de l’astre central. Surtout quand l’Empereur faisait décapiter le fonctionnaire critiqué.

Et, chose amusante et éclairante du principe, sous le régime rouge de Mao, est apparu, spontanément, un premier dazibao (qui protestait contre le pouvoir d’un ponte régional je crois). Mao avait pris connaissance de ce pamphlet, avait sévi contre ce potentat et avait applaudi le principe du dazibao dénonciateur. Il encourageait la délation. Sous Mao, jamais un dazibao ne visait le principe de la révolution et encore moins Mao. Il ne visait que ceux qui semblaient ne pas jouer le jeu de la révolution. Et ce fut une période de terreur.

Mais au fil des années, les gens finissaient par déchanter de tous les aspects de la révolution maoïste et les dazibaos portaient de plus en plus de coups directs aux fondamentaux révolutionnaires. Alors en 1979, ils furent interdits. De nos jours, il ne reste plus dans les panneaux à dazibaos que les exposés des journaux à grands tirages. Il n’y a plus d’espace de protestation individuelle.


Détails techniques à souligner. Un dazibao était une affiche écrite à la main. On en écrivait une qu’on collait sur un panneau de la ville et basta. Il était hors de question de monter une entreprise allant à multiplier l’affichage d’une même protestation. Jamais le pouvoir n’aurait accepté qu’il y ait une organisation, un groupe, une coagulation échappant à son contrôle total.
Autre point. Un dazibao est fait pour être lu en place publique et en silence. L’Etat encourageant la délation, il y a toujours des mouchards pour dire aux autorités qui a passé 15 minutes devant un dazibao. Un dazibao ne permet pas la coagulation par la théâtralisation et surtout par l’émulation que provoque le spectacle d’un individu criant haut et fort sa révolte en exposant son corps aux coups de la police.
 
Partant de ces expériences, la véritable liberté de parole (je répète qu’il s’agit au fond de la liberté de PROTESTER contre le système dominant) serait obtenue le jour où une loi dira qu’il est impossible d’interdire à qui que ce soit, de se tenir en n’importe quel lieu public, y compris devant les grilles du palais et au travers ou par le biais de n’importe quel autre moyen d’expression (dont le Net) pour dire tout le mal qu’il pense de la situation s’il en a envie et pour coaguler les esprits, pour les encourager à la révolte s’il en a envie.

Une révolution devrait d’abord permettre le principe de la révolte, même si elle doit aboutir à une autre révolution.
Le premier interdit d’une constitution devrait aller à l’Etat. L’article premier devrait lui interdire de sévir de quelque manière que ce soit contre des gens en révolte politique.





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