• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de L’Ankou

sur Osez le phallus, ou le paradoxe de la clitocratie décomplexée


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

L’Ankou 28 juin 2011 16:34

Je confesse avoir un peu de mal avec votre article.

Déjà, je ne vois pas le rapport avec Sarkozy, et a fortiori avec son éventuelle engeance. La décomplexion est, en principe, loin d’être de droite, tant il est vrai que le dynamisme, le progressisme et l’évolution des valeurs a rarement été le fait de traditionalistes, de conservateurs et de nostalgiques d’un âge d’or mythifié à l’extrême. Le seul tabou qui tombe avec la décomplexion de droite, c’est qu’on peut accumuler des millions immérités sans avoir a en rougir. Belle décomplexion !

« Une secte féministe » ? Allons donc ! En quoi donc serait-ce un mouvement sectaire ? Je n’ai pas vu ce mouvement dans les listes publiées par la Miviludes.
http://www.miviludes.gouv.fr/spip.php?page=recherches&recherche=f%E9minisme&ok=

Je ne me suis jamais agenouillé devant Halimi ou Simone de Beauvoir, faute, surtout, de les avoir rencontrées. J’ai pu croiser Simone Weil, qui fut leur alliée dans quelque combat homérique, et si les convenances m’ont imposé de ne pas m’agenouiller devant elle, c’est un hommage auquel, pourtant, l’immense respect que j’ai pour cette grande dame m’aurait volontiers poussé. Et, face à elles, s’il faut demander pardon, ce n’est pas d’être un homme mais d’être un idiot qui n’est pas à la hauteur des enjeux historiques ou un pleutre devant le sens de l’histoire. Les temps changent. Oui. C’est heureux.

Or donc, voilà. Un dessin, fort stylisé, de sexe s’affiche à Paris et c’est le scandale. Juste quelques traits, qui évoqueront aux ignorants une mystérieuse calligraphie chinoise ou un poulpe étrange. Pour les « initiés », le sens saute aux yeux. Mais le dessin est si peu limpide aux niais que vous-même estimez devoir nous l’expliquer.

A l’usage de qui ces explications sont-elles nécessaires ? Se pourrait-il, à l’heure du free-gonzo gratos et des web-cams utilisables en macro-photographie, que des internautes ignorassent encore l’anatomie féminine ?

Si oui, alors effectivement, cette campagne s’impose pour attirer la conscience du passant sur son inculture. Et sinon, cette campagne n’aurait choqué que quelques-uns et on parlerait d’un « flop » et non d’un « buzz » (ah, la richesse du vocabulaire contemporain...)

Je suis à peu prêt certain que les enfants ne reconnaîtront pas ce que figure ce dessin. Devant cette affiche, les enfants seront bien plus surement sensibles à la gêne de leurs parents, et c’est de leur couvrir les yeux avec horreur qui leur mettra la puce à l’oreille. Protection de l’innocence ? Je vous renvoie à cette blague, qui démontre que la perversion est surtout dans l’oeil et le cerveau du pervers...
http://www.naruto-ninja-rpg.com/t3897-test-de-maturite

Je cite le poulpe plus que le crabe. Je reconnais à ce propos que le poulpe symbolise, dans nos fantasmes culturels, un appétit sexuel féminin exigeant et inextinguible. Bon. Et après ? Pourquoi donc la femme n’aurait-elle pas aussi ses exigences, ses besoins, ses désirs, ses orgasmes ? Eh, les mecs ! On nous parle d’apporter du plaisir, là ! Pas de renoncer à nos retraites ! On nous propose même une cartographie et presque un mode d’emploi ! « Osez le clitoris », c’est surtout à nous que s’adresse ce précieux conseil. Et apporter du plaisir est bien la moindre des choses quand on prétend en partager !

C’est à croire que certains se représentent le partage du plaisir comme le partage un gâteau : plus il y aurait de part et plus elles seraient petites. Faut-il méconnaître les mécaniques du plaisir pour ignorer que, pour le sexe, c’est l’inverse : Plus on partage de plaisir et plus on en augmente la quantité !

Vous rapprochez cette vision, qui visiblement vous horrifie, des immenses phallus de l’Inde, que vous jugez moins « moches »... question de goût, sans doute. Peut-être est-ce aussi que notre culture nous aurait conditionné à trouver le membre viril plus esthétique et plus respectable, plus digne de représentation que l’anatomie intime féminine. Si c’est un conditionnement culturel, il est arbitraire et si l’affiche contribue à le déconstruire, j’y souscris.

Vous interprétez l’affiche comme prêtant une âme à ce clitoris... Est-ce pour vois une façon de vous inscrire dans le prolongement historique de ceux qui estimaient que la femme, dans son entier, n’en avait pas ? Quant à lui prêter des intentions, je vous invite à considérer que c’est pratique assez courante dans les jeux amoureux, et que les hommes en font autant avec leur propre sexe sans que ça ne choque pas grand monde... (sauf dans les cas où ils invoquent cet argument d’autorité pour imposer des rapports non consentis ou s’exonérer de la responsabilité pénale qui s’ensuit).

Des termes « instigateur de plaisir », vous ne relevez que le caractère prétendument péjoratif de l’instigation, sans relever le caractère positif, éminemment positif, du plaisir. Pourquoi donc ?

Vous y lisez une promotion des amours lesbiens. C’est un procès d’intention : je ne trouve rien qui corrobore ce point de vue.

C’est l’impératif, qui vous choque ? « Les hommes qui auront cette image dans les yeux en regardant le sexe de leur compagne risquent fort de débander. » Et alors... ne nous reste-t-il pas, dans ces conditions, les doigts et la langue ? Et qui sait quoi d’autre encore ? S’il est des personnes pour qui la femme est un continent encore inexploré, autant, contrairement à ce que vous semblez préconiser, qu’ils aient dans la tête une représentation schématique des lieux. Je ne vois pas en quoi cela nuirait à leur épanouissement.

Vous condescendez, ensuite, à nous rappeler les liens qui existeraient entre un mouvement féministe et le parti socialiste. Ah, tiens ? Donc, ce n’est plus le Sarkozisme, alors ! Mais au delà de l’incohérence que cette mention révèle, qu’apporte-t-elle au propos ? Il y aurait des arrières pensées ? Un risque de récupération politique ? Y’a du par-dessous la-dessous, selon vous ? Ne me dites pas que vous y voyez la trace d’un complot ! Vous n’auriez pas tenté de relier tout ça à la franc-maçonnerie, à tout hasard ? Ce n’est pas moi qui ai employé le mot secte... hein ?

Vous notez, et pour une fois, je vous approuve, que les mutilations sexuelles ne concernent pas que les femmes. Je tiens, moi aussi, la circoncision rituelle pour une pratique barbare et archaïque contraire à la dignité humaine et aux lois républicaines. Mais bon, c’est fabuleux : vous reprochez à un site consacré aux femmes de ne pas parler du prépuce ? La cause est bonne, mais pas le lieu où vous voulez mener bataille ! Je suis surpris aussi que vous appeliez « poncif » l’idée que l’excision servirait avant tout à asservir le corps et la sexualité de la femme. Je ne vois pas en quoi ce serait un poncif... Pour quelle autre raison, selon-vous, se livrerait-on à des mutilations ? Le fait que ce soit les femmes qui, par endroit, véhiculent et reproduisent cet asservissement n’est évidemment pas un argument : d’ailleurs il ne tient pas plus pour la circoncision que nous semblons dénoncer, vous comme moi.

L’occident a, il me semble, construit son devenir historique en questionnant sans cesse le bien fondé des mythes, des croyances, des traditions et des valeurs ancestrales, et en abandonnant progressivement beaucoup de valeurs inutiles. Nous sommes donc bien placés pour savoir combien les traditions et les tabous freinent le progrès. Certains mouvements s’emploient à amener les exciseuses à se libérer des traditions et à se questionner librement sur leur droit au plaisir et sur la gravité des mutilations qu’elles ont subi et font subir à leur tour. Je n’ai pas bien compris ce qui vous dérangeait dans cette démarche... Il faudrait les laisser faire sous prétexte que ce sont des femmes qui le font à leur fille ?

Vous employez à ce propos des termes comme « communautarisme féministe, manipulation et bling-bling intellectuel »... c’est très joli, comme expression, mais le sens m’échappe un peu et j’en suis confus, car ma compréhension de votre pensée s’en trouve probablement déformée.

« Et ces matrones trouvent de l’argent pour « commettre » leur campagne. D’où vient-il ? ». Oh, ça, je ne sais pas... Vous suggérez quoi ? L’intervention du grand capital ? Les fonds secrets d’Al Qaida ? Les mafias russes ? Les templiers ? Pas les judéo-bolchéviques, quand même ? Si vous avez des informations précises à nous faire partager, ce serait mieux que des allusions oiseuses.

Je diverge (!) évidemment de votre interprétation terminale : je n’y vois pas l’expression d’un dégoût du féminin ni d’aucune forme de haine du féminisme envers les femmes. Qu’on puisse haïr une vision de la femme comme un objet appropriable,comme un sous-homme destiné « par nature » à être subordonné à l’homme, ça, je veux bien le croire...

Si seul l’homme est légitime à revendiquer le plaisir sexuel, si lui seul a le droit de s’émanciper des dominations, à s’élever contre les subordinations injustes et à exhiber ses érections pour faire valoir ses droits, alors oui, la femme mérite de revendiquer une masculinité de ce genre et à dire que son clitoris est un phallus comme un autre, avec, aussi, sa sensibilité, ses érections et ses orgasmes qui méritent qu’on s’y attarde.

Et longue vie au plaisir.

Bien à vous,
L’Ankou


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès