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Commentaire de BA

sur La réglementation de la finance et la lutte des classes


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BA 16 août 2011 00:26
Jeudi 11 août 2011 : un article exceptionnel écrit par Peter Oborne.

La décadence morale de notre société est aussi mauvaise dans les classes supérieures que dans les classes populaires.

David Cameron, Ed Miliband et toute la classe politique britannique se sont réunis hier pour dénoncer les émeutiers. Ils avaient bien sûr le droit de dire que les actions de ces pillards, de ces incendiaires et de ces agresseurs ont été odieuses et criminelles, et que la police devrait avoir plus de soutien.

Mais il y avait aussi quelque chose de très faux et d’hypocrite dans toutes les réactions choquées et dans l’indignation exprimées par le Parlement. Les députés ont parlé des événements terribles de la semaine, comme si ils n’avaient rien à voir avec eux.

Je ne peux pas accepter que ce soit le cas. En effet, je crois que la criminalité dans nos rues ne peut pas être dissociée de la désintégration morale dans les plus hauts rangs de la société britannique moderne. Les deux dernières décennies ont vu une baisse terrifiante dans les normes de l’élite britannique au pouvoir. Il est devenu acceptable pour nos politiciens de mentir et de tricher. Une culture quasi universelle de l’égoïsme et de la cupidité a grandi.

Ce ne sont pas seulement les jeunes pauvres de Tottenham qui ont oublié qu’ils ont des devoirs ainsi que des droits. Il en est de même pour le sauvage riche de Chelsea et de Kensington. Il y a quelques années, ma femme et moi sommes allés à un dîner dans une grande maison dans l’ouest de Londres. Des gardes de sécurité patrouillaient le long des rues au-dehors, et nous avons beaucoup parlé de la « fracture Nord-Sud« , une expression que j’ai prise au sens littéral au début, jusqu’à ce que je réalise que mes hôtes faisaient une facétieuse allusion à la différence entre ceux qui vivaient au nord et au sud de Kensington High Street.

La plupart des gens dans cette rue très huppée ont été tout aussi déracinés et coupés du reste de la Grande-Bretagne que les jeunes pauvres, les chômeurs et les femmes qui ont causé des dégâts terribles ces derniers jours. Pour eux, le magazine »Financial Times : comment dépenser son argent ?" est une bible. Je suppose que peu d’entre eux paient l’impôt britannique s’ils peuvent l’éviter, et que peu d’entre eux ont le sentiment de devoir quelque chose à la société, alors qu’il y a quelques décennies, ce sentiment venait naturellement chez les riches et chez les mieux lotis.

Pourtant, nous célébrons les gens qui vivent des vies vides comme ça. Il y a quelques semaines, j’ai remarqué un article dans un journal disant que le magnat des affaires Richard Branson va déménager le siège de sa société en Suisse. Ce déménagement a été ressenti comme un coup dur pour le chancelier de l’Échiquier, George Osborne, parce que cela signifiait moins de recettes fiscales.

Je ne pouvais pas m’empêcher de penser que dans un monde sain et décent, une telle démarche serait un coup dur pour Sir Richard Branson, et non pas pour le chancelier de l’Échiquier. Dans un monde sain et décent, les gens auraient vu qu’un important homme d’affaires ne pense qu’à éviter de payer l’impôt britannique, et ils l’auraient moins respecté. Au lieu de cela, Richard Branson est anobli et il est largement fêté. La même chose est vraie pour le brillant détaillant Sir Philip Green. Les entreprises de Sir Philip Green ne pourraient pas survivre, mais pour la stabilité sociale de la Grande-Bretagne, notre système de transport a changé ses biens et nos écoles ont éduqué ses travailleurs.

Pourtant, Sir Philip Green, qui il ya quelques années a transféré un extraordinaire dividende de 1 000 000 000 de livres sterling dans un paradis fiscal, a l’intention de payer peu d’impôts pour cela. Pourquoi personne ne le considère comme coupable ? Je sais qu’il paie des avocats fiscalistes très cher et que tout ce qu’il fait est légal, mais est-ce qu’il fait face à des questions éthiques et morales, tout autant qu’un jeune voyou qui casse dans une des boutiques de Sir Philip Green et qui lui vole certaines de ses marchandises ?

Nos politiciens - debout benoîtement sur leurs pattes arrière au Parlement hier - sont tout aussi mauvais. Ils se sont montrés prêts à ignorer la décence commune et, dans certains cas, prêts à enfreindre la loi. David Cameron est heureux d’avoir certains des pires contrevenants dans son cabinet. Prenons l’exemple de Francis Maude, qui est chargé de lutter contre les gaspillages du secteur public - dont les syndicats disent que c’est un euphémisme pour faire la guerre aux travailleurs faiblement rémunérés. Pourtant, M. Maude gagne des dizaines de milliers de livres sterling en violant l’esprit, mais pas la loi, entourant les indemnités des députés.

Beaucoup de choses ont été dites au cours des derniers jours sur l’avidité des émeutiers pour les biens de consommation, notamment le député travailliste de la circonscription de Rotherham Denis MacShane, qui précisément fait remarquer : « Ce que les pillards voulaient, c’était pendant quelques minutes entrer dans le monde de la consommation de Sloane Street. » Cette phrase est d’un homme qui a reconnu avoir dépensé 5900 livres sterling pour acheter huit ordinateurs portables. Bien sûr, en tant que député, Denis MacShane a obtenu ces huit ordinateurs portables en notes de frais payées par l’argent des contribuables.

Hier, le député travailliste Gerald Kaufman a demandé au Premier ministre d’examiner comment ces émeutiers peuvent être « récupérés » par la société. Oui, c’est bien le même Gerald Kaufman qui s’est fait rembourser 14,301.60 livres sterling en notes de frais payées par l’argent des contribuables, dont 8865 livres sterling pour une télévision haut de gamme Bang & Olufsen .

La députée travailliste Hazel Blears a appelé bruyamment à une action draconienne contre les pillards. Je trouve très difficile de faire une distinction éthique entre la tricherie sur les notes de frais et l’évasion fiscale commises par Hazel Blears, et les vols commis par les pillards.

Le premier ministre ne montrait aucun signe qu’il avait compris que quelque chose puait lors du débat au Parlement hier. Il a parlé de la morale, mais seulement comme quelque chose qui s’applique aux pauvres : « Nous allons restaurer un sentiment plus fort de la morale et de la responsabilité, dans chaque ville, dans chaque rue et dans chaque domaine ». Il semblait ne pas comprendre que cela devrait s’appliquer également aux riches et aux puissants.

La vérité tragique, c’est que M. Cameron est lui-même coupable de ne pas réussir ce test. Il y a six semaines qu’il s’est présenté à la fête d’été de News International, même si ce groupe de médias a été l’objet de deux enquêtes de la police. Encore plus notoirement, il a embauché au 10 Downing Street l’ancien éditeur du journal News of the World Andy Coulson, même s’il savait à l’époque que Andy Coulson avait démissionné après des actes criminels commis sous sa direction. Le Premier ministre a expliqué son erreur de jugement en proclamant que « tout le monde mérite une seconde chance ». Il a été très révélateur, hier, qu’il ne parlait pas de deuxième chance pour les émeutiers et pour les pillards.

Ces deux poids, deux mesures de Downing Street sont symptomatiques de doubles standards répandus au sommet de notre société. Il convient de souligner que la plupart des gens (y compris, je sais, les lecteurs de The Telegraph) continuent à croire en l’honnêteté, en la décence, continuent de travailler dur, et de donner à la société au moins autant qu’ils en reçoivent.

Mais il y a aussi ceux qui n’ont pas de morale. Certes, les jeunes pauvres semblent ne pas avoir la conscience de la décence et de la moralité. Mais parmi les personnes immorales, vénales et cupides, il y a un trop grand nombre de nos banquiers, de nos footballeurs, de nos hommes d’affaires et de nos politiciens.

Bien sûr, la plupart sont assez intelligents et assez riches pour s’assurer qu’ils respectent la loi. On ne peut pas en dire autant des hommes pauvres et des femmes pauvres, sans espoir ni aspiration, qui ont provoqué le chaos de ces derniers jours. Mais les émeutiers ont cette excuse : ils suivent l’exemple donné par les classes supérieures et respectées dans la société. Gardons à l’esprit que beaucoup de jeunes dans nos centres-villes n’ont jamais été formés à des valeurs décentes. Tout ce qu’ils ont jamais connu est la barbarie. Nos politiciens et nos banquiers, en revanche, ont été dans les bonnes écoles, dans les bonnes universités, et ils ont eu toutes les chances dans la vie.

Quelque chose va terriblement mal en Grande-Bretagne. Si nous ne sommes pas capables d’affronter les problèmes qui ont explosé dans la dernière semaine, il est essentiel de garder à l’esprit que ces problèmes n’existeront pas seulement dans les cités.

La culture de la cupidité et de l’impunité à laquelle nous assistons sur nos écrans de télévision s’étend jusque dans les conseils d’administration des grandes entreprises et à l’intérieur du Gouvernement. Cette culture touche la police et de grandes parties de nos médias. Ce n’est pas seulement sa jeunesse abimée, mais la Grande-Bretagne elle-même qui a besoin d’une réforme morale.

Peter Oborne.

http://blogs.telegraph.co.uk/news/peteroborne/100100708/the-moral-decay-of-our-society-is-as-bad-at-the-top-as-the-bottom/

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