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Commentaire de Lord Franz Ferdinand Of F. In S.

sur L'islam modéré de Tariq Ramadan n'existe nulle part


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Lord WTF ! Lord Franz Ferdinand Of F. In S. 8 décembre 2011 22:54


Ce qui est le plus intéressant concernant Tarik Ramadan, n’est pas son double-discours supposé, avéré, fantasmé, etc… mais bien la double-perception du sujet « Tarik Ramadan » en Occident : avec une différence évidente entre la France et le domaine anglo-saxon (UK, USA) où d’un côté en France : il est l’incarnation du shaytan en mode taqqiya, et de l’autre domaine yankee : considéré comme un des intellectuels contemporains les plus influents, mais par contre juste un penseur ou réformiste ou réformateur musulman parmi d’autres (dont son oncle Gamal, qui à lui seul contredit le top 10 des « mèmes » islamophobes les plus courants).

Et sur ce premier point, on est obligé de se questionner sur cette double-perception face au discours de Ramadan, double ou non. D’un Ramadan est suisse : la singularité suisse pourrait se définir en premier lieu par son multiculturalisme qui voit 4 langues, 2 christianismes, et 26 cantons former la fédérale Suisse ; pour ce que j’en sais Ramadan a grandi et vécu principalement en Suisse, et l’on peut raisonnablement considérer que c’est là sa référence en matière d’organisation sociopolitique : à savoir bien différent du modèle « république laïque » centralisé, à tradition « assimilationiste » que nous connaissons en France : qu’on le veuille ou non, à l’évidence cela impactera son discours, d’autant plus qu’il est fréquent qu’il invoque la question du multiculturalisme (évolution qu’a prise l’Occident depuis quelques temps déjà) et développe souvent son discours sur les notions de diversité, société/identité plurielle, etc…bref tout un discours qui quand bien même ne serait pas tenu par un musulman, pourrait entrer en conflit direct avec le paradigme « RF » : ce qui expliquerait la perception rarement polémique de Ramadan dans le domaine anglo-saxon, de culture libérale, sécularisme mais non « french secularism » et habitué au multiculturalisme (quant aux modalités du multiculturalisme anglo-saxon ou yankee melting pot, soft segregation, communautarisme, etc…cela est une autre question).

 Ici, il ne s’agit pas de juger ou comparer tel modèle par rapport à un autre mais de tenter de comprendre cette double-perception selon que le discours de Ramadan est entendu dans le paradigme « RF » ou dans le paradigme « multiculti » anglo-saxon. A l’évidence, ici Ramadan renvoie aux failles propres à la société française : où voit se dessiner deux tendances : modèle multiculturel (de par l’évolution « naturelle » (ou sous influence) du modèle « démocratie libérale ») et maintien du modèle « RF ».

 De deux, Ramadan bénéficie à son avantage de la « faiblesse » de l’islam européen : 1. en matière de dialogue avec la ou les sociétés majoritaires, autant que 2. l’enjeu que sont devenus les pops euromusulmanes que ce soit au niveau politique intérieure que pour des états étrangers, et enfin 3. une capacité d’organisation, de réaction, etc… largement sous-développée comparée à celle de l’islam américain, qui bien que en proportion soit une « petite » minorité dans le melting-pot USA, sait répondre autant aux attaques/critiques opérant dans le registre : déloyauté, incompatibilité islam/démocratie&modernité, fanatisme/intégrisme/terrorisme, etc… 

 Bref dirai-je Ramadan est devenu le penseur musulman emblématique en Europe, et surtout en France, par défaut plutôt qu’autre chose…pour reprendre mon point 1. : l’islam européen, et notamment français est très mauvais niveau « relations publiques et com » : la parole est « confisquée » au choix soit par des conseils certes représentatifs mais à la représentativité aussi douteuse (ingérence/influence de x services étrangers) que limitée (peu de représentativité factuelle en proportion de la pop francomusulmane ; soit par des « élements libres » donnant dans le réformisme synthétique, sans donc assise réelle, ou donnant dans l’intégrisme, fanatisme, etc… sans à nouveau l’assise réelle (fantasmée par les islamophobes), enfin la récupération « politique » de la parole ou question ou pop « musulmane » : d’un côté par les clientélistes, de l’autre par les démagos. De fait, cette « faiblesse » des pops musulmanes explique autant la facilité du discours islamophobe que celle du discours islamiste.

et donc, si je dis que Ramadan est devenu par défaut emblématique dans son rôle de « penseur musulman » autant que media bankable : c’est bien plus par la carence euromusulmane (et encore plus française) dans le registre penseurs de cette envergure (comparée à l’islam yankee et anglo-saxon) qui (selon moi) explique le « succés » de Ramadan chez les uns ou les autres...

 Ramadan, réformiste, réformateur, désinformateur, etc… ? well, le discours de Ramadan est en effet ambigu, mais pour autant l’accusation en double-discours est erronée, me semble-t-il, si Ramadan est ambigu : c’est soit 1. parce qu’il commet l’erreur habituelle de ne pas savoir ou vouloir dissocier islam européen et islam hors-Europe (quand bien même il évoque souvent un dit islam occidental), soit 2. parce que sa pensée n’est pas encore assez mature, soit 3. parce qu’il n’ose pas se couper définitivement de référents « familiaux » ou « familiers », et vraiment opter pour un discours de Réforme ou Ré-forme-ation, par crainte que l’islam se dissolve en Occident (il insiste souvent sur le caractère hyperhétérogène de l’islam européen (soit x islams, x ethnies/cultures, x pratiques, x profils « musulmans », etc…). Je dirai que c’est certainement un savant dosage de ces trois options (du moment que j’abandonne celle du sous-marin des FM en Zoorope).

 Sur le point 1, à l’évidence Ramadan a bien plus de peine à séparer islam minoritaire en Occident et islam majoritaire en Islam : c’est là une erreur fondamentale, que les penseurs musulmans yankee ne commettent plus ou pas (sans doute le modèle multiculturel USA ayant permis aux communautés musulmans de se structurer de manière autonome par rapport aux pays d’origine et donc de développer une véritable culture islamo-américaine avec substrat islamique mais culture/référents US) : les deux ou x groupes évoluant de manière bien différente, quand bien même on a l’illusion d’une évolution couplée et synchrone. Et c’est ainsi qu’il se pose souvent comme un médiateur, entre deux mondes : grave erreur puisque cela ne fera qu’accentuer la « schizophrénie » des musulmans auxquels ils s’adressent et la paranoïa des non-musulmans qui écoutent son « double-discours » : d’autant plus que cela va en contradiction avec son discours sur le développement d’un « islam occidental ou européen » singulier. Ce développement ne pourra aboutir que si justement il se fait dans UN monde, et non pas un pied dans l’un, et une babouche dans l’autre : le fait pour les musulmans européens d’appartenir à une oumma politique ne coïncidant pas avec leur oumma religieuse n’est pas en soi une nouveauté (le premier état islamique (Médine) était une oumma politique fondée sur l’alliance de x communautés issues de y oummas religieuses) : il n’y a donc pas de nécessité à confronter deux paradigmes, en maintenant cette conflictualité au sein même des individus.

 Ici à nouveau, on notera la différence entre islam européen et islam américain : sur cette double-loyauté, ce double ancrage, etc…la réponse des musulmans européens est soit timide, mal affirmée, soit du fait des x pré-cités parlant pour eux caricaturale, caricaturée, récupérée, déformée, déformante, etc… : un exemple : aux Etats-Unis, lorsque la question a été posée (et elle continue encore avec la déferlante de l’islamophobie hardcore pré-élections) : la réponse a été simple : théologiens, associations musulmanes, etc… ont délivré x messages, ainsi qu’une « fatwa » claire sur ce point aucune incompatibilité entre être un citoyen respectueux de la Constitution US et être musulman (le musulman étant tenu d’être loyal à sa patrie (oumma politique à laquelle il est lié par un pacte (aqd) tacite (nationalité à la naissance) ou explicite (naturalisation), et respectueux des lois (law abiding citizen) aucune incompatibilité entre Constitution US et islam, etc…de la même manière que lors de l’opération FB "dessinons Mohamed" les muslims yankee (assocs, etc..) ont répondu non pas en promettant l’Enfer à l’instigatrice malgré elle de cette campagne FB, mais par une autre « fatwa » où ils défendaient sa liberté d’expression (en se fondant sur leur islam et la Constitution US), et condamnant les appels à la violence d’autres musulmans…bref une capacité de réaction, et surtout de réponse autant aux questions, craintes, etc… de leurs concitoyens non-musulmans quasi impensables tant elle est rare (ou inefficace) en Europe, et encore plus en France où la Laïcité crée une méfiance « naturelle » à l’égard de tout discours « religio-ïde » quand bien même cette parole pourrait avoir un effet positif : avec cette situation inverse autant qu’étrange : à savoir que cette méfiance « naturelle » ne s’intéresse qu’au discours « musulman » que si il est issu d’intégristes.

 Enfin, sur l’option d’un manque de « courage » chez Ramadan, ou si ce n’est cela de s’affirmer et d’avoir un discours réellement singulier et original : sans doute, comme assez souvent, la crainte de voir l’islam européen perdre sa singularité en se fondant dans le moule occidental, jusqu’à ne plus être qu’une particularité culturelle parmi d’autres : crainte sans nul doute fondée : les pops musulmanes européennes autant à cause des enjeux qu’elles représentent pour les uns ou pour les autres (encore plus avec les changements en cours dans le domaine arabomusulmans), que pour sa faiblesse « structurelle », peu ou mal organisé, peu ou mal (voir très mal) représenté, etc…, ainsi que le profil socioéconomique des musulmans européens (très différents de celui des USA : autant que les pays d’origine des euromusulmans et des yankeemuslims sont différents : et cela sur un point essentiel : tradition dans le domaine « culture politique » où d’un côté les pays d’Af Nord ont une culture politique qui s’est développée avant tout dans et en réaction au contexte colonial, alors que le Machrek (origine principale des yankeemuslims) lui a développée un culture politique bien avant, autant que plus variée et diversifiée qu’axée principalement sur l’anticolonialisme et donc confrontation avec l’Occident : autant que le concept de Réforme y est plus ancien) pour l’instant n’ont pas réussi à véritablement développer un islam « singulier » qui les verraient ne pas êtres accusés soit d’être déloyaux à leur pays soit d’être déloyaux à leur religion…bref d’être simplement des européens musulmans…quoiqu’il en soit cette crainte d’une dissolution de l’islam pour cause de faiblesse structurelle n’est pas en soi infondée : il y a jurisprudence historique avec la disparition totale de l’islam africain débarqué aux Amériques lors de la Traite Transatlantique : des raisons certes différentes, mais aussi de même nature : défauts de structures, d’adaptation, de transmission…

 Au final, Tarik Ramadan me semble commettre un double impair : ignorer les différences entre modèle laïque français -centralisé « assimilationniste »- et modèle multiculturel « communautariste » ; et deux développer dans sa pensée l’idée qu’un islam européen pourrait être singulièrement européen tout en continuant d’osciller entre deux paradigmes…

 

p.s. (pour l’auteur) : à noter que sur le top 100 des penseurs contemporains les plus influents et toujours vivants, Ramadan arrive devant Chomsky (à trois places prés)... smiley 

 


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