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Commentaire de Argoul

sur Expliquer les logiques du capitalisme


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Argoul Argoul 18 octobre 2005 11:50

Rappelons-le, le capitalisme change sans cesse et c’est cela qui fait la force de sa méthode. Car il est avant tout une « méthode » d’efficacité rationnelle avant d’être (par les hommes qui le défendent) une « idéologie ». Mais cette efficacité rationnelle est bornée par les sociétés dans lesquelles la méthode se développe. Les outils ne s’actionnent pas tous seuls, ce sont des « ouvriers » qui les utilisent. Comme le disaient les anciens, manuels et réalistes, « un mauvais ouvrier a de mauvais outils » - le Littré précise même, en langue choisie, au vocable « outil » : « un homme malhabile ne tire aucun parti de ce qu’il a sous la main ». Le capitalisme d’aujourd’hui est donc actionné par les hommes d’aujourd’hui, tout comme les capitalismes d’hier étaient mis en œuvre par les hommes d’hier. D’où ma première réponse à l’excellente question de M. Ewropano : le capitalisme comme outil technicien « échappe » à la volonté de chacun comme tout groupe échappe à chacun de ceux qui le composent, étant plus que la somme des parties. En revanche, cet outil n’est pas l’équivalent d’un « phénomène météo » puisqu’il a été créé par les hommes pour servir les hommes et que ce sont toujours des hommes au présent qui l’utilisent. Alors, en effet, il s’agit - comme tout ce qui est humain - de « politique », c’est-à-dire de rapports de forces, de négociation, de débats où la raison entre pour une bonne part mais aussi l’émotion et l’intérêt tout cru. Le « plus fort » ne l’emporte pas toujours, par exemple les Etats-Unis, bien isolés dernièrement sur la diversité culturelle que veut promouvoir l’UNESCO. Nous sommes tous usagers du capitalisme, comme de tout outil économique ou autre à notre disposition. Ce pour quoi je pense que nous pouvons en faire un usage moins « froid » ou technicien sans lui enlever sa qualité fondamentale d’outil d’efficience. D’où ma seconde réponse à M. Didier Vincent : c’est bien le « gouvernement d’entreprise », poussé par le mouvement de la société dans ses aspects « politiques » (gestion des intérêts du groupe humain) qui infléchira à l’usage l’outil « capitalisme ». Ce ne peut être par autoritarisme car l’outil serait abandonné au profit d’une gestion bureaucratique (comme aux temps soviétiques) ou laissé à l’anarchie des productions locales (comme dans les débuts de l’industrialisation). Un usage qui englobe plus de considérations « humaines » de l’outil ne peut venir que de ceux qui l’utilisent. Ce qui n’empêche nullement la société de pousser en ce sens par sa réprobation morale par exemple, ou par ses exigences de meilleurs soins, de préservation d’un certain équilibre avec la nature, etc. Mais seule l’intériorisation des priorités fera du capitalisme autre chose que l’application des seuls « mœurs texanes » à l’économie dans le monde. La prise de risque est toujours présente là où il y a capitalisme. Il s’agit en effet d’utiliser le capital pour lui faire rendre le meilleur profit et tout bénéfice ne peut résulter que d’un risque pris (s’il n’y avait aucun risque, ce serait une répartition des choses, ce que pratique une bureaucratie). Mais les banquiers - surtout en France - sont en situation non pas de concurrence véritable, mais plutôt d’oligopole ; ils ne sont pas les meilleurs juges du « risque » d’entreprise. Ce seraient plutôt les capital-risqueurs, mais ils sont très peu développés chez nous (question de mentalité, semble-t-il, autant que d’obstacles bureaucratiques et fiscaux). Reste le marché. Il a été fort utilisé avec le Second Marché, puis le Nouveau Marché ; il est en veilleuse depuis l’éclatement de la bulle technologique 2002. Cela reviendra. Mais il est vrai aussi que la société devenant plus repliée sur elle-même (vieillissante, craintive, sécuritaire), les utilisateurs de l’outil capitalisme, plus fortement chez nous mais aux Etats-Unis aussi, ont moins l’envie de prendre des risques d’entreprise. Car c’est toute une société qui utilise les outils à sa disposition.


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