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Commentaire de krokodilo

sur Erasmus a failli ne jamais exister, il y a vingt ans


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krokodilo (---.---.58.145) 22 janvier 2007 11:05

David Carayol Par juvénile, je parlais de l’âge des sites Internet, comparativement aux journaux traditionnels. Pour les subventions, c’était juste une question, dont acte. Je sais très bien que le magazine Newropeans est en français, mais tous les exemples d’anglicismes ou de pur anglais (comments, view my profile, newsletters,read more, posted by, democracy marathon 2006) proviennent de la page d’accueil en français. 2-5-25, chacun son opinion, je maintiens que proposer le français et l’anglais comme langues de débat ne fait qu’accélérer le processus qui nous conduit à l’anglais langue véhiculaire, qu’il est facile de constater dans de nombreux domaines, dont l’absence de choix à l’école.

« pourquoi l’esperanto serait plus légitime qu’aucune autre langue ? En imaginant qu’elle soit imposée partout en Europe ce serait une forme d’hégémonie sur le continent non ? » Comme vous l’avez dit vous-même, il est difficile de passer son temps à apprendre des langues, que ce soit à l’école ou après, je partage votre scepticisme sur le plurilinguisme (à un niveau de langue utile). L’espéranto est une langue réellement inter/nationale, au sens d’outil entre les nations, entre les langues nationales ou régionales ou ethniques, qui les laisse vivre. Son vocabulaire est puisé dans diverses langues européennes, alors qu’une langue hégémonique comme l’anglais impose ses mots : E-mail (courriel n’existe que grâce à la créativité des Québécois, à leur militantisme et à celui des défenseurs du français qui ont repris le terme). On voit donc que si une langue ne lutte pas pour créer ses mots nouveaux selon sa logique propre, ce sont les mots anglais (ou autre) qui sont directement décalqués ; à petite dose, ça n’a rien de gênant (football, pizza, etc.), mais le problème a pris des proportions gigantesques. De plus, le snobisme et l’inconscience font que le monde de la pub, du spectacle, des médias en général, utilisent en masse et sans raison des tas d’expressions qui ont déjà leur équivalent français : management (gestion, gestion d’entreprise), intelligence économique (renseignement, veille, espionnage), think tank (groupe de réflexion), prime-time (heure d egrande écoute), best of (florilège),la liste est très longue.

Alors que l’espéranto créé ses mots nouveaux en puisant d’abord dans ses propres racines (pour limiter le nombre global de radicaux), par combinaison de racines entre elles, ou des radicaux avec des affixes (préfixes ou suffixes). Ce n’est qu’en tout dernier ressort que les locuteurs prendront une racine dans une langue ou une autre. De plus, il serait neutre politiquement, chacun faisant un effort, un pas vers l’autre, en apprenant la langue, alors que les anglophones natifs sont en position de supériorité dans toute situation professionnelle (débat, conférence, embauche) ou privée (discussion entre européens). Pour la première fois dans l’histoire, il est possible d’échapper à la lutte d’influence entre les langues des grandes puissances, et de choisir une langue de communication sur des bases rationnelles, comme on le fait pour n’importe quel achat d’un outil, d’une voiture.

Ces bases rationnelles, quelles sont-elles ? Neutralité, on l’a vu (certes le vocabulaire est européen, tant mieux pour nous, mais la grammaire est relativement internationale, parce que ramenée à l’essentiel).

Facilité, ou plutôt moins grande difficulté, car c’est quand même une langue étrangère. C’est un point crucial toujours passé sous silence : l’apprentissage d’une voire de deux langues étrangères est un travail monstrueux, notre propre langue nous ayant demandé toute notre vie sans qu’on la maîtrise... de plus, cela s’oublie très vite sans pratique, ne particulier le vocabulaire. Donc, une langue à vocation internationale ne peut être qu’une langue construite, qui aura élagué tout ce qui n’est pas essentiel à la communication, conjugaisons irrégulières, exceptions innombrables, tournures idiomatiques (il en existe seulement quelques-unes unes) ; le vocabulaire lui aussi est diminué d’un facteur dix par le système régulier de dérivation et d’agglutination des racines. Le système du plurilinguisme est élitiste, avec ou sans les bourses d’Erasmus, parce que seules des circonstances particulières permettent d’acquérir une ou deux langues étrangères et de s’y maintenir à un bon niveau : familles multiculturelles, expatriés, professions mobiles comme journalistes, sportifs de haut niveau, monde du spectacle, ambassades, ingénieurs, fonctionnaires et politiques européens, etc) mais ces gens ne représentent qu’un faible pourcentage de la population, et une bonne partie d’entre eux n’ont un bon niveau qu’en anglais. Penser qu’on va faire de tous les européens des trilingues (plus la régionale) de niveau B2 (dans le CECRL) est une illusion, ou un mensonge éhonté de nos dirigeants. Une langue internationale démocratique ne peut être que la moins difficile possible. L’espéranto n’est pas parfait, son vocabulaire est européen (mais il existe de toute façon le « pool » des mots dits internationaux, comme télévision, docteur, etc, le Japon a pris des milliers de mots anglo-saxons je crois) mais c’est la seule langue construite à s’être développée pour accéder au statut reconnu de langue vivante (Unesco, Vatican), à vivre comme les autres langues, à voir son vocabulaire évoluer. Les hasards de l’histoire et le génie de son fondateur ainsi que la conviction de plusieurs générations ont permis de disposer de ce formidable outil, profitons-en. Seul l’aveuglement et l’hypocrisie de nos dirigeants empêchent sa diffusion plus rapide.

Nul besoin de l’imposer, comme vous dites, desserrer l’étau en France suffirait. Un an à l’école primaire suffirait, libre à chacun ensuite de le poursuivre ou pas à titre privé, et ce ne serait pas du temps perdu car c’est une excellente initiation linguistique et ça fait apprendre un tiers de racines germaniques et deux-tiers latines-grecques. au lieu de ça, on va introduire l’anglais de plus en plus tôt, du CP à la terminale, toujours sans arriver au niveau B2 !

J’ai été un peu long, mais il était difficile de répondre brièvement à vos questions sur l’hégémonie linguistique.


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