Vous dites : « les freins actuels à
l’instauration de véritables démocraties à travers le monde ne sont pas techniques ou scientifiques ». En effet,
nul besoin de technologie pour reprendre en France la démocratie semi-directe
qui fonctionne en Suisse depuis bien avant l’informatique.
Votre
solution pour le problème de représentativité (qui peut exister même quand un
grand nombre de personnes sont tirées au sort, si chacun peut se désister) ne me
convient pas vraiment, car elle suppose que l’on puisse corriger en donnant
davantage de poids aux personnes dont les caractéristiques sont
sous-représentées. Mais cela suppose que l’on sache quelles sont les
caractéristiques pertinentes (il n’y a rien d’évident à cela) et que l’on
puisse les observer (vous indiquez « opinion politique » dans la
liste : comment observez-vous ces opinions ? Si vous demandez
simplement à la personne, quelles sont les questions pertinentes ? Comment
savez-vous qu’elle a répondu la vérité alors qu’elle a intérêt à prétendre
faire partie d’une minorité pour que son vote ait davantage de poids ?).
La beauté du tirage au sort sans possibilité de se désister, c’est que les
tirés au sort seront aussi représentatifs que vous voulez si vous tirez suffisamment
de personnes au sort. Et ceci sans avoir besoin de connaître les
caractéristiques pertinentes. Dans votre proposition, le problème de
représentativité est encore renforcé par le fait qu’elle exige de maîtriser des
outils informatiques : comment seront représentés ceux qui ne maîtrisent
pas ces outils ?
A cause de ce problème de
représentativité (et de corruptibilité), j’estime que toutes les décisions importantes
(telles qu’une modification de la Constitution) doivent être prises par
référendum au vote populaire (comme cela fonctionne en Suisse). Par contre, votre approche est
intéressante pour formuler des propositions à soumettre au référendum. Par un
référendum d’initiative populaire, des citoyens proposent une réforme concrète
à soumettre au vote populaire (s’ils réunissent le nombre requis de signatures
dans les délais impartis, la proposition doit obligatoirement être soumise au
vote populaire). Mais je peux imaginer que les propositions qui émergent d’une
large discussion utilisant les outils que vous citez aient davantage de chances
de convaincre une majorité, de sorte que ces outils soient de plus en plus
utilisés.
En Suisse, lorsque des citoyens font aboutir
un référendum d’initiative populaire, le Parlement peut proposer un
contreprojet. On pourrait imaginer d’instituer la possibilité d’un contreprojet
populaire émanant d’un processus du genre de celui que vous préconisez. Même si
ce contreprojet populaire ne serait qu’une proposition, j’ai toutefois une
objection à cause du problème majeur de la représentation de ceux qui ne
maîtrisent pas les outils informatiques. Mais on pourrait imaginer que l’utilisation
de ces outils soit enseignée à l’école, et qu’à terme chacun sache les utiliser.
Donc peut-être pour un avenir plus lointain.
Donc à mon
avis : i) l’intérêt majeur de votre proposition à moyen terme est pour formuler
les propositions dans le cadre de référendums d’initiative populaire, ii) à
plus long terme il peut servir à instituer un contreprojet populaire, iii) dans l’immédiat il faut introduire ce
véritable droit de référendum d’initiative populaire (voir ici)
dans le cadre duquel votre proposition serait utilisée.
NB :
j’ai écrit un article sur la Constituante qui pourrait vous intéresser puisque
c’est une question proche de celle que vous abordez (voir ici).