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Commentaire de Qwyzyx

sur Quel avenir après Outreau ?


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Qwyzyx (---.---.6.107) 21 mars 2006 21:14

Merci d’exprimer ainis votre point de vue.

L’affaire d’Outreau m’inqpire beaucoup de question et de doutes sur la France.

La réparation des souffrances et le gaspillage humain de « l’affaire d’Outreau » sera difficile à réparer. Comment apprécier et évaluer le coût d’une vie gâchée comme celle , par exemple, celle d’un enfant qui était un brillant élève et qui, aujourd’hui, est un mineur délinquant ?

C’est une honte, celle de la Justice française. Cela témoigne toutefois, au-delà de l’institution judiciaire, d’un déficit démocratique et d’une absence de conscience civique sincère.

C’est aussi la conséquence d’un pays qui gère la Justice à l’économie. Cette prise en otage budgétaire a trouvé dans cette affaire un épilogue funeste comme d’autres précédents. En effet, ce n’est pas un cas unique, nouveau.

Cette Justice impécunieuse ne tient debout qu’avec des béquilles de fortune, du bricolage :
- l’exploitation d’étudiants en Droit qui rédigent des jugements alors qu’ils ne sont qu’" assistants judiciaires ,
- la sous traitance de la justice de proximité à des « juges de proximité » qui n’offrent aucune garantie d’indépendance,
- la médiation qui devient une voie de garage pour fonctionnaires de police en retraite, etc.

Cette déshérence témoigne du peu de considération que la France a pour sa Justice. Où était l’esprit civique, l’exigence de Justice des parlementaires qui ont accepté et cautionné ces bricolages judiciaires ? Le responsable de l’USM parle aujourd’hui de « bal des faux culs » à propos des parlementaires de la commission d’enquête.

Le pouvoir législatif en France manque de sérieux. La loi sur la présomption d’innocence en témoigne. Le parlement a fait une loi sur un principe qui figurait déjà dans le droit positif au sommet de la hiérarchie normative ! Le législateur ne connaît pas l’état de son droit !

Des parlementaires cherchent aujourd’hui les causes des dysfonctionnements d’une justice qui ne les ont jamais ému jusqu’à présent. La fréquentation d’un certain nombre d’entre eux des cabinets d’instruction et des prétoires aurait pu leur faire mesurer l’indigence de l’appareil judiciaire, s’il n’avaient pas pensé profiter des lenteurs qu’elle provoque. Ecoutez Monsieur Vallini inviter les Français à patienter jusqu’aux prochaines élections pour que les choses bougent, grâce à son parti, quand se déroule le procès de la MNEF qui le met en cause ! La majorité gouvernementale est mise en cause dans le procès des « HLM » de Paris.

Qu’en penser si un des membres de cette commission était mis en examen ?

La réaction des magistrats, quant à elle, n’est toutefois pas plus convaincante et laisse douter de leur souci sincère de Justice.

En effet, comment y croire en voyant cette unanimité à soutenir aujourd’hui un des leurs confronté aux conséquences désastreuse de son travail alors que Messieurs Halphen, Jean-Pierre, ou Madame Joly n’ont bénéficié d’aucun soutien du CSM, du président de la cour de cassation et des syndicats quand ils se sont retrouvés seuls dans le duel qui les opposaient - au nom de la Justice - à la corruption qu’ils avaient mise à jour ?

La fin de carrière de l’inspecteur Gaudinot prouve que cela ne se limite pas à la magistrature.

L’analyse du comportement de Monsieur Burgaud peut s’apprécier en s’inspirant de la jurisprudence Papon qui fait une belle synthèse entre la faute personnelle et la faute de service. La responsabilité pénale des agents publics a déjà été étudiée par Monsieur Eric Desmons :

http://www.puf.com/Book.aspx?book_id=003734

Il est en effet souhaitable que l’affaire d’Outreau provoque la séparation stricte des fonctions de poursuites de celles de jugement. Cette séparation permettrait de concilier les divergences des deux principaux syndicats à propos d’une réforme du CSM.

Les opposants à cette séparation craignent avant tout un frein au déroulement de leur propre carrière, car cette réforme réduirait de moitié le nombre de postes sur lesquels ils pourront postuler pour une mutation ou un avancement.

La fonction de poursuite - le Parquet (procureurs de la république) - et la fonction de jugement (magistrats du siège, ceux qui jugent, relaxent, acquittent ou condamnent) sont opposées dans leur action comme dans leur esprit.

Le Procureur demande des sanctions, ordonne des poursuites pour que soit condamné l’auteur présumé d’une infraction. Il requiert la peine lors du procès. Son rôle est d’assurer l’ordre public contre les atteintes individuelles. Il fonde son action sur des certitudes. Il appartient à un corps hiérarchisé, reçoit des instructions.

Le Juge apprécie les éléments à charge, à décharge, les vices de procédure, pour soit acquitter soit condamner, et, dans ce dernier cas, apprécier le quantum de la peine au regard de l’infraction, de la personnalité de l’accusé. Il est le garant de la liberté individuelle. Il apprécie en tenant compte de l’existence ou non d’un doute. Il est indépendant et inamovible.

Il n’est pas cependant nécessaire de créer deux écoles distinctes.

Le fait qu’ils suivent indistinctement la même formation dans laquelle sont abordées et étudiées les deux fonctions permettra à chacun de mieux maîtriser le fonctionnement de l’institution judiciaire et de travailler ensuite dans l’intérêt réel du justiciable.

Chaque magistrat se prononcera définitivement pour une fonction ou une autre au bout d’un délai (disons cinq ans)

Cette réforme du corps judiciaire est un préalable nécessaire à la réforme du CSM d’où il sera possible ensuite d’en exclure ensuite les représentants du pouvoir exécutif, et d’établir une séparation plus consistante des pouvoirs.

En effet, compte tenu de cette séparation stricte des fonctions de poursuite et des fonctions de jugement, on peut considérer qu’elle puissent être représentée à parité au sein du CSM dans des proportions qui à elles deux représentent plus de 50% des voix.

Le reste des voix peut être composée de représentants de professions qui sont des auxiliaires de justice (notaire, avocat, huissier, avoué). La représentation des justiciables peut se faire par l’intermédiaire des juges consulaires élus aux Prud’hommes. Cela redynamisera l’intérêt des électeurs pour cette fonction.

L’ouverture du CSM à des professions extérieures n’est pas la panacée non plus. L’affaire de Maître Mery - que l’ordre des avocats a tenté de révoquer pour avoir exprimé un son opinion - témoigne d’un malaise général en France sur le civisme et le sens de la Justice qui dépasse largement le cercle des seuls magistrats. http://bernard.mery.free.fr/

Compte tenu d’une telle composition du CSM, la suppression de l’autorité administrative et politique que constituent la présence du Président de la République et celle du Garde des Sceaux est fondée. La présence d’une majorité de magistrats représentants plus de 50% des voix ne peut que satisfaire les syndicats.

De manière plus générale :

Les réformes à propos du fonctionnement de la Justice ont toujours été remises au lendemain. Le rapport Terré sur les professions d’avocat et de magistrat dans les années 80 dénonçait déjà le manque d’effectif, l’inadaptation de l’appareil judiciaire français (documentation française).

Si le juge ne fait pas la loi, il en est le gardien. Il occupe donc un rôle important dans l’affirmation du caractère démocratique du pays. Pour preuve : la Constitution française lui attribue le rôle de gardien de la liberté individuelle.

Il est erroné et simpliste de croire que l’affaire d’Outreau met seulement en cause un magistrat ou une institution. Cette affaire est la conséquence funeste de la confusion des pouvoirs. La France est plus un régime administratif qu’une démocratie. Limiter l’analyse de l’affaire d’Outreau à un seul dysfonctionnement de l’institution judiciaire témoignera encore une fois de l’opportunisme de sa classe politique et de son refus d’admettre l’échec d’une société qui ne fait qu’accumuler les signes de la très grande insatisfaction de sa population.

Comment en effet ne pas s’interroger sur le caractère purement théorique des institutions françaises au regard de ces simples constatations :
- Son assemblée nationale est présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire.
- Son premier ministre est un fonctionnaire.
- Une seule école produit les élites de tous ses partis politiques, de son administration et des conseils d’administration des principales sociétés françaises. On y enseigne pourtant l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

La France néglige d’être en conformité avec ses propres principes juridiques.

Les mesures prises à l’issue des enquêtes en cours sur l’affaire d’Outreau, ou l’absence de mesure significative nous diront si ce pays est attaché sincèrement ou non à sa qualité d’Etat de Droit.

La Cour européenne des droits de l’Homme donne - depuis plusieurs années déjà - des éléments de réponse qui ne vont pas - hélas - dans le sens d’une confirmation. La France est régulièrement condamnée pour ne pas respecter les règles d’un jugement équitable. Mais on n’intéresse pas les Français à l’Europe... Pour cause... C’est bien dommage.


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