• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de HORCHANI Salah

sur Monsieur le Président Tunisien, l'extradition de Baghdadi signe votre échec en matière de Défense des Droits Humains !


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

HORCHANI Salah HORCHANI Salah 28 juin 2012 20:51

@ FRIDA, ci-dessous un excellent Article sur la question :

Pour l’universitaire Alaya Allani, un spécialiste des mouvements islamistes au Maghreb, Al Qaeda oeuvre à créer un fait accompli salafiste en Tunisie

Enseignant d’histoire à l’Université La Manouba (Tunis) et spécialiste des mouvements islamistes, Alaya Allani revient, dans cet entretien, sur les dessous des récentes violences qui ont secoué son pays, la Tunisie. Elles seraient, selon lui, l’œuvre des salafistes mais aussi de « faux salafistes » et de responsables de l’ancien régime, qui craignent d’être poursuivis pour des faits de corruption et de mauvaise gestion. Assurant qu’Al Qaeda a des camps d’entraînement à Zenten, en Libye, il met en garde contre la volonté de cette nébuleuse de créer un « triangle jihadiste » au sud de la Libye, de l’Algérie et de la Tunisie.

Maghreb Emergent : Comment se sont déclenchées les récentes violences en Tunisie ?

Ces violences se sont déclenchées suite à des informations à propos de tableaux de peinture portant atteinte à la religion. Les manifestants regroupaient des vrais et des faux salafistes, ce qui a déstabilisé le corps de la police. Il ne faut pas oublier que la politique ambigüe du gouvernement envers le phénomène salafiste a encouragé ce genre de protestation.

Quelles sont les causes de ces incidents meurtriers ?

Il faut revenir aux origines lointaines de ces violences.

Primo : au niveau socio-économique on assiste à une récession et l’indice de développement économique a chuté de 2 points. En plus, le taux de chômage augmente ; le secteur du tourisme a perdu, depuis la révolution jusqu’à nos jours, 100.000 emplois, entre permanents et temporaires. L’indice des prix ne cesse d’augmenter pour différents produits. La catégorie des chômeurs et des marginaux ne cesse de s’élargir. Au sein de ces couches sociales, les salafistes et autres tendances radicales, comme Hizb Ettahrir (interdit) essayent de recruter des partisans.

Deuxio : au niveau sécuritaire, la Tunisie passe par une longue période d’instabilité. Dix-huit mois après la révolution, on est revenu malheureusement à la case-départ : manifestations meurtrières dans certaines régions et, surtout, dans des zones névralgiques sur le plan touristique, comme Sousse. Le bilan est inquiétant : deux morts et des dizaines de blessés tant du côté des policiers que des manifestants. Le couvre-feu, qui n’a duré que trois jours, traduit malheureusement l’incapacité du gouvernement à gérer la situation.

Le Gouvernement de Hamadi Jebali, après six mois de pouvoir, n’a réduit que partiellement les débordements sécuritaires. Il n’arrive pas à rétablir l’ordre, surtout dans les zones déshéritées, malgré les dernières visites de ses membres à l’intérieur du pays pour présenter des dizaines de projets de développement local. La question qui se pose est la suivante : pourquoi après toutes ces promesses et ces multiples projets, on assiste à des réactions populaires parfois violentes et hostiles envers certains ministres ?

La réponse est que de nombreux citoyens ont découvert le décalage entre ce qui a été présenté lors de la campagne électorale comme promesses et ce qui a été réalisé sur le terrain. Pour eux, la misère persiste et le danger salafiste s’accroît. Les habitants et les élites ont découvert après les élections que la réalité est tout autre : le taux de chômage ne cesse d’augmenter et le nombre de marginaux n’a pas connu de baisse réelle.

Les libertés publiques et surtout privées ont été menacées à maintes reprises par des tendances de l’islam radical, el le gouvernement n’intervient que pour dénoncer sans affronter réellement ces salafistes qui sèment la terreur dans le pays. La fragilité sécuritaire a été accentuée par les multiples attaques de ces mouvements radicaux qui se sont alliés avec des bandits et des ex-RCDistes (RCD : ancien parti au pouvoir, NDLR).

Tertio : sur le plan idéologique, le gouvernement actuel n’arrive pas à identifier le modèle de société à adopter dans la nouvelle Tunisie : est-ce un modèle modéré, où l’islam tolérant, la démocratie et la modernité peuvent cohabiter ? Ou bien un modèle de société conservatrice, hostile à la modernité ? Des élites tunisiennes commencent à se méfier de la décision du gouvernement islamiste d’instaurer, de nouveau, l’enseignement zeitounien (traditionnel à base religieuse, du nom de la mosquée-université de la Zeitouna, à Tunis, NDLR), sans soumettre ce dossier important à une consultation populaire. Plusieurs partis ont manifesté leur crainte quant à l’avenir de l’enseignement républicain.

Les élites accusent le parti Ennahda de procéder à un changement profond du modèle de société sans prendre l’initiative d’organiser un débat sur cette question. Le pire est que le nouvel enseignement zeitounien est inconnu du ministère de l’Education ! C’est Ennahda qui a pris l’initiative de sa restauration sans discuter de son contenu ou des cadres qui pourraient l’assurer. Récemment le gouvernement a été obligé, sous la pression des media, de révoquer le grand imam de la mosquée El Zeitouna, accusé d’inciter à la haine lors des attaques contre un centre d’arts à la Marsa (banlieue de Tunis, NDLR).

Outre des bâtiments dédiés à la culture et à l’art, les manifestants se sont attaqués à des établissements administratifs…

L’attaque contre des établissements administratifs confirme la thèse de l’infiltration de ces mouvements de protestation par de faux salafistes et des hommes de l’ancien régime. Le ministère de l’Intérieur a, d’ailleurs, reconnu la participation des ultrasalafistes à ces manifestations.

Comment avez-vous trouvé la réaction du gouvernement tunisien à cette poussée de violences ?

Sa réaction a été tardive mais mieux vaut tard que jamais ! Le gouvernement a été obligé de lever rapidement le couvre-feu. Autrement, la saison touristique aurait été sacrifiée, ce qui aurait accru le déficit budgétaire, déjà lourd.

Le fait que les violences ont éclaté en plusieurs endroits au même moment laisse-t-il à penser qu’elles étaient planifiées ?

Oui. Ces manifestations étaient bien organisées. Les manifestants ont exploité quelques incidents, comme la fuite de sujets du baccalauréat, la domination des salafistes sur plusieurs mosquées et la vague d’augmentations des prix de plusieurs produits pour créer un climat d’insécurité dans le pays.

Quelles sont les solutions urgentes pour sortir de cette crise ?

Le gouvernement actuel doit organiser en urgence une table ronde regroupant tous les partis politiques et les représentants de la société civile pour débattre du modèle de société à construire qui risque aujourd’hui de balancer vers un modèle extrémiste, étrange à la société tunisienne.

Qu’en est-il de l’implication d’anciens RCDistes dans ces violences ?

Je crois que certains anciens RCDistes craignent d’être traduits en justice pour des faits de corruption et de mauvaise gestion du temps de Ben Ali. Mais je crois aussi que l’hésitation du gouvernement sur le dossier de la modernité et de la bonne gouvernance a participé à ce climat de confusion. Des rumeurs circulent à propos d’un éventuel arrangement avec des gens corrompus de l’ancien régime.

Les islamistes tunisiens sont les premiers pointés du doigt. Quel est le niveau d’implication dans ces violences d’un Ayman Al Zawahiri exhortant les Tunisiens à se soulever pour réclamer l’application de la Chari’a ?

Al Zawahiri s’attaque directement au parti d’Ennahda qui a accepté de ne pas définir la chari’a comme la source essentielle de législation dans la Constitution. Il essaye, à travers les ultrasalafistes en Tunisie, de mettre en péril le modèle d’islam modéré qui cohabite avec la démocratie et la modernité. Car si ce modèle réussit en Tunisie, cela se répercutera sur d’autres pays du « Printemps arabe », notamment l’Egypte, le pays d’origine d’Al Zawahiri.

Quel est l’impact des appels d’Al Zawahiri sur l’avenir de la Tunisie ?

Al Zawahiri veut mettre en échec le modèle de l’islam modéré en Tunisie, que le parti Ennahda ne parvient pas à forger. Avant les élections du 23 octobre 2011, on trouvait chez Ennahda une approche d’un islam éclairé mais après ces élections, des Tunisiens ont découvert une autre approche, plus conservatrice et moins tolérante.

Les menaces des salafistes contre les libertés privées et publiques posent des questions quant à la réaction du gouvernement, qui ne s’est pas opposé à l’initiative de certaines tendances ultrasalafistes d’inviter des prêcheurs salafistes, comme Wajdi Ghanim et Yadh El Karni, dont la présence en Tunisie a créé un climat de tension au sein de plusieurs catégories sociales. Ennahda est accusé de tenir un triple langage : un avec ses partisans, un deuxième avec le peuple tunisien et un troisième avec l’étranger.

Les appels lancés par Al Qaeda en direction de la Tunisie se sont intensifiés ces derniers jours, dans une conjoncture où les salafistes se sentaient assurés de ne pas être poursuivis pour leurs activités. Al Zawahiri a cru que le mouvement jihadiste commençait à prendre de l’ampleur, surtout après le meeting des salafistes d’Abou Iyadh à Kairouan, au mois d’avril 2012, qui a rassemblé près de 7.000 personnes. Le gouvernement n’est pas intervenu malgré quelques slogans pro-Al Qaeda scandés pendant ce rassemblement.

Al Zawahiri croit que la fragilité sécuritaire dans le pays et le comportement très « souple » du gouvernement envers les jihadistes sont des indices pour passer à une deuxième étape : le quadrillage de la société par la force, par l’intimidation et les menaces pour créer un état de fait et obliger le pouvoir et les opposants à accepter d’intégrer les jihadistes dans le paysage politique légal. Il ne faut pas oublier qu’Abou Yadh, dans son discours de Kairouan, a présenté, pour la première fois, un programme politique et économique concernant le tourisme, le système financier, la santé et l’enseignement. On assiste actuellement, dans presque tous les pays du Maghreb, à des débats internes au sein des mouvements salafistes dans le but de s’organiser au sein de partis politiques. Il est fort probable qu’on assiste, un jour, à l’émergence d’une internationale salafiste, à l’instar de l’internationale des Frères musulmans.

Quelles sont les répercussions des déclarations d’Al Zawahiri sur les pays du Maghreb ?

Al Qaeda essaye de créer un triangle jihadiste dans les zones sud de la Libye, de l’Algérie et de la Tunisie. Ce front pourra servir de support aux structures d’Al Qaeda, au mouvement Azawad, au Mali. Les camps d’entraînement d’Al Qaeda à Zenten, en Libye, regroupent, selon des rapports, des Libyens, des Tunisiens et des Algériens.

Nabil Saadaoui, recherché par les services secrets tunisiens, s’est installé à Zenten. Mokhtar Lawar se déplace aisément entre la Libye, le Niger et le Mali, ce qui nous mène à déduire que ce nouveau triangle jihadiste pourrait organiser des opérations terroristes dans les pays du Maghreb, surtout en Tunisie et en Libye, qui connaissent une certaine fragilité sécuritaire et un courant jihadiste qui ne cesse de grandir. Ce triangle va créer des zones de sécurité pour les jihadistes d’Al Qaeda.

Le danger probable pour la Tunisie est qu’Al Zawahiri exploite ce climat de tolérance envers les jihadistes pour mieux se préparer et s’organiser le jour « J » afin de passer de la phase de manifestations à la phase de domination, à travers la liquidation des kouffar (impies, NDLR) et même des islamistes modérés, qu’il considère comme des agents américains.

Entretien réalisé par Rayane Djerdi

Source :

http://www.maghrebemergent.info/actualite/maghrebine/13687-pour-luniversitaire-alaya-allani-al-qaeda-oeuvre-a-creer-un-fait-accompli-salafiste-en-tunisie.html

Salah HORCHANI


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès