Je me tiens à l’écart du débat entre deux êtres que j’apprécie sans bien les connaitre et regrette ce débat qui ne me parait pas essentiel, tant ils ont l’un et l’autre des choses merveilleuses a accomplir.
En revanche, je reviens vers Léo pour tenter une réponse à son questionnement.
Se mettre hors la loi
mosaïque et de ses pâles copies qui font aujourd’hui tellement
parler d’elles, se placer hors la loi des pluriels, se sentir inquiet
à la montée de l’instinct grégaire, aux assauts du collectivisme
demeurer insoumis. Entrer en liberté dans un centrage adulte.
Revenons
à notre homme providentiel, le Samaritain, je l’imagine un peu
rond, avec un turban rouge sur la tête, pour égayer un peu. Il
marche d’un bon pas, c’est un solide gaillard qui semble
déterminé, peut-être un modeste commerçant qui se rend au marché
pour son petit commerce mensuel.
Les
chemins de l’époque ne sont pas sécurisés, il est donc
courageux.
Comme dans le nom de la rose, je joue à frère Guillaume, je mène mon enquête
Guillaume de Baskerville, ce n’est pas interdit de s’amuser.
C’est
un guerrier spirituel, il ne le sait pas et c’est sans importance.
Dans cet état d’esprit, il est attentif à tout, au danger, à la
misère, aux autres, à l’autre.
C’est
un homme pratique, il agit. Peut-être qu’il possède, dans les
sacs posés sur le dos de son âne, du vin pour désinfecter les
plaies du malheureux, de l’huile pour masser ce pauvre corps
meurtri étendu sur le chemin.
L’homme
qui vit dans la nature a le geste juste, le bon réflexe, son
efficacité est naturelle et se transmet d’instinct de père en
fils.
La
gratuité du geste s’inscrit dans l’empathie. Il sait que cet
homme au-dessus duquel il pratique les premiers soins ce pourrait
être lui. Il est plein de compassion comme une mère qui fait son
enfant, comme elle il sait d’instinct que cet homme le prolonge,
comme la mère il s’aime dans ce geste vital.
Tout
ça est tellement simple, tellement sain que les théologiens
eux-mêmes n’en perçoivent pas l’essentiel en s’égarant dans
des considérations morales qui écornent, voire déforment le
message.
Bon
ce n’est pas tout, le Samaritain a un projet, une activité, il
remet maintenant le blessé dans les mains d’un hôtelier en lui
donnant des consignes. Il a materné, il paterne et promet de
repasser. Il poursuit sa route, il assume sa vie.
Quel
est le sens du message ?
Donner
du temps à la personne en difficulté et, pour la personne qui
reçoit, le souvenir attendri, une pensée d’amour ?
Ce
Samaritain est étranger au cadre du savoir biblique, étranger au
caractère apostolique formel et conventionnel. Intentionnellement,
c’est un étranger.
Pas
de réelle gratuité du geste. Entrer en contact avec l’autre c’est
voir chez lui notre miroir. L’autre est un autre nous-même.
S’aimer chez l’autre.
Le
Samaritain a donné de son temps, de son affection, de son aide sans
rien recevoir en retour... le blessé pourra faire de même en
pareilles circonstances.
Au
hasard des chemins, si nous rencontrons un être en difficulté,
tentons de nous reconnaître.
J’ai
le souvenir que dans un train qui revenait d’Italie, j’ai
rencontré un prof qui rentrait d’un séminaire consacré à
l’iconographie. Il me révéla que dans une présentation
médiévale, relative à la parabole du Samaritain, les illustrations
successives présentent la particularité suivante : le
Samaritain apparaît sous les traits présumés de Jésus, assume les
soins et disparaît. On le voit de dos s’éloignant.
Maintenant,
c’est l’hôtelier qui occupe la scène, curieusement, il a le
visage présumé de Jésus, puis il disparaît avec le blessé dans
sa maison.
Plus
tard, sur le seuil de l’hôtellerie, notre convalescent se
présente... devinez l’empreinte de son visage ? Eh oui bien
sûr, c’est comme une chaîne de solidarité dans sa permanence et
sa continuité, il a le visage de Jésus.
« Aime
ton prochain comme toi-même. »
J’eusse aimé que le curé de mon village nous contât de belles histoires édifiantes comme celle-ci, il nous faisait la morale et nous donnait des coups de triques tant notre agitation était grande devant le manque qu’éveillait son discours.
Déjà la communication était en marche comme dans Agoravox.