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Commentaire de Anaxandre

sur C'était le 5 septembre 1941...


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Anaxandre Anaxandre 5 septembre 2012 15:06

 Certaines « théories scientifiques » sont aujourd’hui interdites. D’ailleurs je crois à la prédominance de l’acquis sur l’inné. Et il nous reste encore - malgré les coups de massue du totalitarisme de la « pensée » unique - la Liberté d’étudier et de réfléchir :

 Arrivons à notre conclusion. Les deux valeurs opposées « bon et mauvais », « bien et mal » se sont livré en ce monde, pendant des milliers d’années, un combat long et terrible ; et bien que depuis longtemps la seconde valeur l’ait emporté, aujourd’hui encore il ne manque pas d’endroits où la lutte se poursuit avec des chances diverses. On pourrait même dire que, depuis lors, elle a été portée toujours plus haut et que, par ce fait, elle est devenue toujours plus spirituelle : en sorte qu’il n’y a peut-être pas aujourd’hui de signe plus distinctif pour reconnaître une nature supérieure, une nature de haute intellectualité que la rencontre de cette antinomie dans ces cerveaux qui présentent pour de telles idées un véritable champ de bataille. Le symbole de cette lutte tracée dans des caractères restés lisibles au-dessus de toute l’histoire de l’humanité c’est « Rome contre la Judée, la Judée contre Rome ». — Il n’y eut point jusqu’à ce jour d’évènement plus considérable que cette lutte, cette mise en question, ce conflit mortel. Rome sentait dans le Juif quelque chose comme une nature opposée à la sienne, un monstre placé à son antipode ; à Rome, on considérait le Juif comme « un être convaincu de haine contre le genre humain » : avec raison, si c’est avec raison que l’on voit le salut et l’avenir de l’humanité dans la domination absolue des valeurs aristocratiques, des valeurs romaines. Quels sentiments éprouvaient par contre les Juifs à l’égard de Rome ? Mille indices nous permettent de le deviner, mais il suffit de se remettre en mémoire l’Apocalypse de saint Jean, le plus sauvage des attentats écrits que la vengeance ait sur la conscience. (Il ne faudrait d’ailleurs pas estimer trop bas la logique profonde de l’instinct chrétien pour avoir associé précisément ce livre de haine au nom du disciple d’amour, ce même disciple à qui on attribua la paternité de l’évangile d’amoureuse exaltation — il y a là une part de vérité, quelle que soit d’ailleurs l’énormité de la falsification littéraire mise en oeuvre pour atteindre ce but.) Les Romains étaient les forts et les nobles, ils l’étaient à un point que jamais jusqu’à présent sur la terre il n’y a eu plus fort et plus noble, même en rêve ; chaque vestige de leur domination, jusqu’à la moindre inscription, procure du ravissement, en admettant que l’on sache deviner quelle main était à l’œuvre. Les Juifs, au contraire, étaient ce peuple sacerdotal du ressentiment par excellence, un peuple qui possédait dans la morale populaire une génialité qui n’a pas son égale : il suffira de comparer aux Juifs des peuples doués de qualités voisines, comme par exemple les Chinois et les Allemands, pour discerner ce qui est de premier ordre et ce qui est de cinquième ordre. Lequel des deux peuples a vaincu provisoirement, Rome ou la Judée ? Mais la réponse n’est point douteuse ; que l’on songe plutôt devant qui aujourd’hui, à Rome même, on se courbe comme devant le substratum de toutes les valeurs supérieures — et non seulement . Rome, mais sur toute une moitié de la terre, partout où l’homme est domestiqué ou tend à l’être — devant trois Juifs on ne l’ignore pas, et devant une Juive (devant Jésus de Nazareth, devant le pêcheur Pierre, devant Paul qui faisait des tentes et devant la mère du susdit Jésus, nommée Marie). Voilà un fait bien remarquable : sans aucun doute Rome a été vaincue. Il est vrai qu’il y a eu pendant la Renaissance un réveil superbe et inquiétant de l’idéal classique, de l’évaluation noble de toutes choses : la Rome ancienne, elle-même, se met à s’agiter comme si elle se réveillait d’une léthargie, écrasée, comme elle l’était, par une Rome nouvelle, cette Rome judaïsée, édifiée sur des ruines, qui présentait l’aspect d’une synagogue œcuménique et que l’on appelait « église » : mais aussitôt la Judée se mit à triompher de nouveau, grâce à ce mouvement de ressentiment (allemand et anglais) foncièrement plébéien que l’on appelle la Réforme, sans oublier ce qui devrait en sortir, la restauration de l’église, — et aussi le rétablissement du silence de tombeau sur la Rome classique. Dans un sens plus décisif, plus radical encore, la Judée remporta une nouvelle victoire sur l’idéal classique, avec la Révolution française : c’est alors que la dernière noblesse politique qui subsistait encore en Europe, celle des XVIIe et XVIIIe siècles français, s’effondra sous le coup des instincts populaires du ressentiment, — ce fut une allégresse immense, un enthousiasme tapageur comme jamais on n’en avait vu sur la terre !

 La généalogie de la morale, 1887. Nietzsche.


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