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Commentaire de Markovnikov

sur Pour une réhabilitation du libéralisme


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Markovnikov 13 octobre 2012 22:24

Pierre-Marie,

Karash,

 

Je souscris entièrement concernant Bastiat : cet auteur, bien que d’un autre siècle, continue d’être éclairé et éclairant. Je me permets de reproduire ici un extrait de ses écrits, afin d’illustrer la critique de Pierre-Marie faite au libéralisme :

 

« Mais, par une déduction aussi fausse qu’injuste, sait-on de quoi on accuse les économistes [à propos de la nécessité où non des dépenses de l’Etat] ? C’est, quand nous repoussons la subvention, de repousser la chose même qu’il s’agit de subventionner, et d’être les ennemis de tous les genres d’activité, parce que nous voulons que ces activités, d’une part soient libres, et de l’autre cherchent en elles-mêmes leur propre récompense. Ainsi, demandons-nous que l’État n’intervienne pas, par l’impôt, dans les matières religieuses ? Nous sommes des athées. Demandons-nous que l’État n’intervienne pas, par l’impôt, dans l’éducation ? Nous haïssons les lumières. Disons-nous que l’État ne doit pas donner, par l’impôt, une valeur factice au sol, à tel ordre d’industrie ? Nous sommes les ennemis de la propriété et du travail. Pensons-nous que l’État ne doit pas subventionner les artistes ? Nous sommes des barbares qui jugeons les arts inutiles.

 

Je proteste ici de toutes mes forces contre ces déductions.

 

Loin que nous entretenions l’absurde pensée d’anéantir la religion, l’éducation, la propriété, le travail et les arts quand nous demandons que l’État protège le libre développement de tous ces ordres d’activité humaine, sans les soudoyer aux dépens les uns des autres, nous croyons au contraire que toutes ces forces vives de la société se développeraient harmonieusement sous l’influence de la liberté, qu’aucune d’elles ne deviendrait, comme nous le voyons aujourd’hui, une source de troubles, d’abus, de tyrannie et de désordre. »

 

Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, Frédéric Bastiat, 1850. Extrait de la partie IV : « Théâtres, Beaux-Arts ».

 

On le voit, la question « où faut-il placer le curseur de l’interventionnisme de l’Etat ? » peut se réduire à celle de la foi qu’on a dans le privé pour atteindre une société « cible » ou, de manière plus générale, de la confiance qu’on accorde à la capacité de l’Homme à s’organiser en société.

 

Pour ma part, je suis sceptique quant à la qualité de la gestion que peut faire le privé de certains biens que je qualifierais de fondamentaux (« biens » au sens large, en incluant santé, sécurité, éducation et défense). Par exemple, on remet beaucoup en question la légitimité du privé pour la gestion de l’eau. N’a-t-on pas vu des villes où le prix de l’eau diminuait après un retour en régie publique ?

 

Par ailleurs, je doute que le secteur privé soit le mieux à même de penser à long terme, puisque les impératifs de profits portent l’intérêt des acteurs sur les temps courts. Je vous l’accorde cependant, cet argument trouve un équivalent du côté public : les priorités politiques ne sont-elles pas dépendantes du rythme électoral ?

 

Pour illustrer ce dernier point, j’aimerais évoquer la question des externalités environnementales, question qui semble vous tenir à cœur Karash. Si l’Etat se désintéressait entièrement de cette question (ce qui n’est pas loin d’être le cas d’ailleurs), les Hommes parviendraient-ils à s’organiser en anticipant convenablement un prochain dérèglement climatique ?

 

Encore plus concrètement : le renouvellement thermique des bâtiments doit-il être porté par le privé ou par le public (par le truchement de la Banque Publique d’Investissement) ? Dans les deux cas, les investissements se font-ils au détriment d’autres investissements ou en faisant tourner la planche à billets ? (ce qui n’a pas la moindre chance d’arriver, vu l’opposition systématique à cette pratique de l’intelligencia économique).

 

Pour ne pas être réduit à un grain de sable dans une tong, je ne me contente pas de laisser la question ouverte et vous livre le fond de ma pensée concernant ce point : il me semblerait sain que dans un pays comptant plus de 3 millions de chômeurs, le pouvoir soit donné à la BPI de créer de la monnaie pour financer ces travaux de 20G€ annuels (1 million de logements par an * 20k€ pour le coût moyen de rénovation thermique, ce sont les ordres de grandeur qui circulent). On se soustrairait à une éventuelle inflation (si tant est qu’il faille s’en prévenir), en alignant la création monétaire avec la création de valeur économique : la réduction des dépenses énergétiques. Monnaie + valeur économique, afin de ne pas créer de « déficit », comme ce que nous conseillerait Jacques Rueff (si toutefois j’ai correctement compris ses propos) : garder « un équilibre acceptable entre le volume global du pouvoir d’achat et la valeur globale des richesses offertes pour le remplir ».


Le parallèle est immédiat avec le sophisme de la vitre cassé de Bastiat (encore lui !) : que l’on casse des vitres, cela emploiera des vitriers pour les remplacer. Mais cette organisation économique ne serait pas viable car globalement elle s’alimente sur une destruction qui ne trouve pas de contrepartie créative. A contrario, la rémunération pour l’isolation de nos maisons s’alimente sur les économies d’énergie étalées dans le temps (on achètera moins d’énergie primaire sur le marché mondial, c’est la balance commerciale qui sera contente).

 

Pour en finir avec les objections que je fais au libéralisme, je prendrai un exemple plus prosaïque : si l’Etat se refuse à toute politique fiscale sur les rémunérations (et laisse les négociations sociales se faire sans qu’il n’intervienne), comment garantir que le rapport de force entre patrons et salariés ne soit pas biaisé par le fait que l’argent et le pouvoir des premiers l’emportent sur le nombre des seconds ?

 

 

En aparté :

 

Karash, vous écrivez : « Aujourd’hui, l’état des finances publiques est tel qu’il est fortement probable que ce rééquilibrage des comptes publics doive passer par un défaut de paiement total ou partiel. Mais plus longtemps les gouvernements tentent de retarder le retour à l’équilibre, plus le choc du rééquilibrage sera violent. »

 

Comment appuyez-vous cette prédiction ?

 

 

Au plaisir de vous lire,

Cordialement,


mknk


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